Coronavirus et confinement : en Auvergne, comment les librairies indépendantes résistent

Depuis le 15 mars, les librairies indépendantes comme d'autres magasins sont fermées. Elles doivent faire face à des difficultés financières. En Auvergne, certaines tentent de trouver des solutions pour fournir des livres et avoir un peu de trésorerie.

Nombreux sont les médias à conseiller des lectures pendant le confinement lié au coronavirus COVID 19. Malheureusement, ces livres ne sont pas toujours présents dans nos bibliothèques et nous avions l’habitude de descendre dans notre librairie du coin de la rue pour trouver notre bonheur. 
Mais comme les autres magasins, les librairies indépendantes ont dû fermer leurs portes. Un nouveau coup dur pour un secteur déjà affaibli. Pourtant dans chaque département d’Auvergne, certaines ne manquent pas d’ingéniosité pour survivre et proposer des livres à leurs clients. 
 

"C'est un coup dur pour les librairies indépendantes, je suis incapable de dire si on s'en relèvera"

C’est le cas de Gilles Lacour, avec sa librairie "Les Moulins aux lettres", à Moulins, dans l’Allier. Pas très friand des réseaux sociaux habituellement, depuis le 17 mars, il ne peut communiquer que comme ça avec ses clients inquiets. Normalement, il discute et échange dans sa librairie, mais même ça, il ne sait pas s’il pourra le faire comme avant, après le déconfinement. "C’est un coup dur pour les librairies indépendantes, je suis incapable de dire si on s’en relèvera, et comment on arrivera à s’organiser et s’adapter", raconte le libraire. "Les clients aiment bien farfouiller quand ils viennent dans les rayons alors si on leur dit de rester 10 minutes, ça va leur faire bizarre. En plus, en général, ils se laissent tenter par d’autres livres. Ce ne sera pas possible".
 

Habituellement, il arrive à faire 40 000 euros de chiffre d’affaires par mois. Une épidémie du coronavirus qui tombe au pire moment "à cette période, on commence l’activité avec les conférences et les salons, mais là cette année, tout s’annule au fur et à mesure"
Alors depuis 15 jours, avec la ville de Moulins, il propose des bons d’achat à l’avance et la ville propose des livraisons sécurisées pour les commerces alimentaires et non-alimentaires. Ce qui lui permet d’avoir un peu de trésorerie. 
 

Des consignes pour des livres

Il a donc fallu s’adapter. Sandrine Lebreton est la gérante de la librairie "Le Point virgule", à Aurillac, dans le Cantal. Mardi 21 avril, elle a installé des casiers à l’extérieur de sa librairie. "Nos clients vont consulter notre stock sur le site internet, ils commandent par mail. Je leur prépare leur commande, je les appelle, ils me règlent par téléphone et ils me donnent un créneau de retrait. Mais on ne se verra pas", explique la libraire. 
Une décision qu’elle a prise après mûre réflexion. "Avant même l’annonce du confinement, j’étais prête à faire un drive et des livraisons, mais après l’annonce de fermeture totale, j’étais assommée, je ne m’y attendais pas. J’ai donc préféré ne rien faire et respecter les mesures de confinement pour pouvoir en sortir au plus vite. Il fallait protéger nos clients et nous protéger aussi". Neuf de ses salariés sont au chômage partiel, la trésorière est en télétravail et Sandrine Lebreton tente de sauver les meubles. 
  

"J'ai envie de croire que les gens consommeront autrement et qu'ils reviendront aux petits commerces"

"En temps normal, je fais 1,7 million de chiffre d’affaires en moyenne. On a perdu 61 % en mars et ce sera 100 % en avril. Je vais récupérer 5 % avec le système des casiers, mais ça ne compensera pas, c’est surtout pour faire plaisir à mes clients"
Elle a fait ses calculs : elle devrait récupérer 20 % de son chiffre au mois de mai, et entre 40 et 50 % au mois de juin. "Je ferai des livraisons à Aurillac et dans l’agglomération à la réouverture. Ce n’est pas parce qu’on va rouvrir que l’on va reprendre tout normalement, il faudra donner aux clients des solutions pour qu’ils soient rassurés. Je travaille sur un plan de circulation dans la librairie, des manières de gérer les gens pour qu’ils ne touchent pas les livres, on essaiera de les prendre en charge dès le début pour éviter qu’ils flânent et qu’ils touchent. On portera des masques. Il y aura une vie après le confinement".

Elle voit quand même du positif à cette crise : "J’ai envie de croire que les gens consommeront autrement et qu’ils reviendront aux petits commerces du centre-ville après cette crise"
 

A la libairie des Volcans, on attend le déconfinement

Les crises, la librairie des Volcans à Clermont-Ferrand, dans le Puy-de-Dôme, en a connu d’autres. On se souvient en 2014 de la longue attente pour les salariés qui voulaient racheter la librairie et qui attendaient la décision de la justice. "La librairie n’était pas sûre de rouvrir à l’époque, explique Martine Lebeau, gérante de la Librairie. Mais aujourd’hui, nous sommes plus sereins. On prendra des mesures sanitaires et bien sûr, il y a encore des interrogations, mais on rouvrira".
Lundi 20 avril, la gérante envoie un mail à ses clients où elle explique ses raisons pour ne pas mettre en place un drive, des livraisons ou des casiers. "Je ne le souhaite pas parce que je ne veux pas faire venir des salariés au risque qu’ils soient contaminés. Je ne veux pas créer de mouvements ou de flux. Je veux que les gens restent chez eux"
 

Dans sa lettre, elle évoque une perte de 850 000 euros de chiffre d’affaires d’ici le 11 mai mais elle reste optimiste "Nous ne sommes pas à flux tendus, on a réussi à mettre de l’argent de côté. Mais il ne faudrait pas que ça dure. Je ne voudrais pas que l’on soit fermés entre septembre et décembre, sinon là ce serait la clé sous la porte pour nous"
 

"Ce que j'appréhende, c'est la reprise et le rapport aux clients"

L’après-déconfinement, c’est ce qui inquiète Anne Helman, dans sa librairie "Chat perché", au Puy-en-Velay, en Haute-Loire. Elle fait des ventes par correspondance et donne quelques conseils par téléphone. Maintenant, elle s’est inscrite sur un site en soutien aux commerçants locaux, « ça fait un peu de trésorerie », évoque la libraire. "Ce que j’appréhende, c’est la reprise et le rapport aux clients. En général, je fais des animations, des lectures, des dédicaces, etc. Mais là, on ne pourra pas". L’autre interrogation vient de ses maisons d’édition : "Elles devront écouler les nouveautés qu’elles n’ont pas pu dispatcher dans les librairies. Le problème, c’est que ça coûte cher les nouveautés et on n’aura pas forcément la trésorerie et assez de clients pour compenser"
 
Ce qu’attendent surtout les librairies indépendantes en Auvergne et dans toute la France, c’est une aide de l’Etat. Cinq millions d'euros ont d’ores et déjà été débloqués pour le secteur du livre. Mais le Syndicat de la librairie française attend une prise en charge des pertes d’exploitation estimées à 16 % du chiffre d’affaires des librairies.
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