L'avenir de Clergerie, l'un des derniers fabricants français de chaussures, est suspendu à une décision judiciaire scrutée par ses salariés. Le monde de la mode et son fondateur historique redoutent qu'on ne "dépèce" la marque, fleuron français qui s'était fait une place jusqu'à Hollywood à son apogée.

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Fin mars, le placement en redressement judiciaire de Clergerie avait ému le fondateur de la marque. "Ça m'a fait beaucoup de peine, c'est le travail d'une vie, c'était quand même mon affaire" avait dit Robert Clergerie. Créée en 1981, cédée en 2011, l'entreprise est synonyme d'élégance et de savoir-faire, un fleuron dans l'univers de la chaussure en France et à l'étranger. 

Un fleuron connu à l'international

Pendant son âge d'or, la maison avait exporté ses souliers jusqu'à Hollywood, et sa boutique historique du centre de Paris, rue du Cherche-Midi, vendait jusqu'à 11.000 paires par an.

Mais après un rachat hasardeux et des difficultés financières, Robert Clergerie avait cédé sa marque une première fois en 1996 à un consortium d'investisseurs.
Resté actionnaire à hauteur de 10%, il avait racheté sa propre affaire en 2005, à 70 ans, avant de prendre sa retraite sept ans plus tard et de la céder à un fonds d’investissement, qui avait maintenu la production locale modèle dans l'atelier de Romans-sur-Isère.

En 2020, le chausseur avait été revendu au fonds French Legacy Group, placé en redressement judiciaire le 29 mars. 

Vers la fin d'aventure drômoise ?

À 89 ans, Robert Clergerie témoigne, "il y a les ouvriers, le personnel, il y a des gens de qualité qui ont le tour de main... Ils savent très bien que je ne peux pas faire grand-chose, même si ça m'intéresse que l'affaire redémarre".

Le tribunal de commerce de Paris doit examiner le 14 juin les dossiers de reprise. Aucun candidat ne s'est publiquement exprimé à ce jour : cinq offres, partielles, que l'AFP a pu consulter, avaient été déposées entre fin avril et fin mai auprès du greffe, dont certaines ont été retirées depuis.

Au-delà de l'usine et des salariés, pour lesquels " il y a peut-être un espoir très faible de reprise, la marque Clergerie va bien sûr être vendue", estime Robert Clergerie car "elle a encore une valeur, c'est un beau trophée qu'on va dépecer, et c'est ce que je voudrais éviter".

Les salariés dans l'expectative

Quelque 160 salariés au total travaillent pour Clergerie, dont une quarantaine dans les magasins et environ 90 à l'usine située à Romans-sur-Isère (Drôme). "On a peur, on sait que tout le personnel ne va pas être repris", confie ValérieTreffé-Chavant de la CFE-CGC.

Sur le réseau LinkedIn, le fils du fondateur Damien Clergerie a appelé les grands groupes de luxe (LVMH, Chanel, Kering et Hermès) à s'intéresser au chausseur et le ministre de l'Economie Bruno Le Maire à soutenir la marque. Cet appel a trouvé écho auprès de plus de 6.000 personnes dont de nombreux chefs d'entreprise.

Certains d'entre eux ont suggéré une transmission de l'entreprise aux salariés via une SCOP, société coopérative et participative. "On aurait dû y penser dès le début (du redressement judiciaire)", regrette Sandrine Martorana, syndicaliste FO qui travaille depuis 24 ans pour Clergerie. Désormais, "c'est un peu court" pour se retourner, déplore-t-elle.

Selon la syndicaliste, "les gens sont attachés à l'usine, c'est familial", certains travaillaient ensemble parfois depuis près de 40 ans. Et puis, "il y a un vrai savoir-faire, c'est tellement dommage que ça se perde", se désole-t-elle.

Avec AFP.

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