Une fausse lettre de la Marquise de Sévigné a fait le buzz sur internet et au delà. Elle évoque une épidémie à Paris qui pousse le roi à confiner. A Grignan dans la Drôme, ou se déroule un festival de la Correspondance dédié à l'écrivaine, on salue un art du pastiche qui ne date pas d'hier.
"Surtout, ma chère enfant, ne venez point à Paris ! Plus personne ne sort de peur de voir ce fléau s'abattre sur nous, il se propage comme un feu de bois sec. Le Roi et Mazarin nous confinent tous dans nos appartements."Le 30 avril 1687, la Marquise de Sévigné écrit à sa fille qui vit au château de Grignan dans la Drôme. Les deux femmes correspondent très fréquemment. Cette fois l'écrivaine s'inquiète d'une épidémie qui bouleverse la vie à Paris et à la Cour du Roi Soleil. "Cela m'attriste, je me réjouissais d'aller assister aux prochaines représentations d'une comédie de monsieur Corneille "Le Menteur", dont on nous dit le plus grand bien. Nous nous ennuyons un peu et je ne peux plus vous narrer les dernières intrigues à la Cour, ni les dernières tenues à la mode."
L'histoire est trop belle : chroniqueurs et internautes relaient, partagent en nombre ces derniers jours.
Seulement voilà, c'est un faux, un pastiche, comme le décrypte Laurence Arnaud, médiatrice culturelle au château de Grignan : "C'est plutôt réussi dans le style, et dans certains détails. La Marquise évoque madame de Lafayette, qui était effectivement une amie très proche, ou les Fables de La Fontaine, dont elle était très friande. En revanche il y a de vraies incohérences historiques : Mazarin n'a pas pu sonner le confinement, il est mort depuis plus de 25 ans, Vatel aussi, depuis quinze ans". A la fin de la lettre, la Marquise évoque de drôles de masques à la mode, pour respirer un meilleur air. "Certes les masques étaient à la mode à la Cour, mais ils n'étaient pas de ce type : ils servaient tantôt à sa protéger du soleil, tantôt à préserver son anonymat".
Ce n'est pas la première fois que l'on pastiche ainsi Madame de Sévigné, ajoute Laurence Arnaud. Au Château de Grignan, des visiteurs évoquent régulièrement des lettres coquines qui leur reviennent en mémoire. Il s'agit en fait de faux qui ont circulé au début du XXème siècle, des étudiants qui écrivaient des histoires grivoises "à la manière de".
La parodie de lettre de madame de Sévigné n'a pas été "revendiquée" officiellement. Mais à Grignan, on goûte la farce qui remet en lumière la correspondance prolifique de l'écrivaine, auteure de quelques 1500 missives, pour beaucoup adressées à sa fille Françoise de Grignan. Elles dépeignaient effectivement la société d'alors, la vie à la Cour, l'actualité, la culture, la médecine... voilà une invitation à se plonger ou replonger dans ces écrits !
La lettre pastiche
Jeudi, le 30ème d'avril de 1687Surtout, ma chère enfant, ne venez point à Paris ! Plus personne ne sort de peur de voir ce fléau s'abattre sur nous, il se propage comme un feu de bois sec. Le Roi et Mazarin nous confinent tous dans nos appartements.
Monsieur Vatel, qui reçoit ses charges de marée, pourvoie à nos repas qu'il nous fait livrer.
Cela m'attriste, je me réjouissais d'aller assister aux prochaines représentations d'une comédie de monsieur Corneille "Le Menteur", dont on nous dit le plus grand bien.
Nous nous ennuyons un peu et je ne peux plus vous narrer les dernières intrigues à la Cour, ni les dernières tenues à la mode.
Heureusement, je vois discrètement ma chère amie, Marie-Madeleine de Lafayette, nous nous régalons avec les fables de Monsieur de La Fontaine, dont celle, très à propos,"Les animaux malades de la peste", "Ils ne mourraient pas tous, mais tous étaient frappés".
Je vous envoie deux drôles de masques, c'est la grand'mode. Tout le monde en porte à Versailles. C'est un joli air de propreté, qui empêche de se contaminer.
Je vous embrasse, ma bonne, ainsi que Pauline.