"C’est dur d’avoir 20 ans en 2020", a dit Emmanuel Macron en octobre dernier. 6 mois plus tard, les jeunes ne voient toujours pas le bout du tunnel. Les résidents d’EHPAD ont eux aussi subi, de leur côté, la crise sanitaire de plein fouet...
« C’est dur d’avoir 20 ans en 2020 », a dit Emmanuel Macron en octobre dernier. Six mois plus tard, les jeunes ne voient toujours pas le bout du tunnel. « On a l’impression d’être des morts vivants », dit Florine Gouillon, étudiante en 3ème année de licence de lettres modernes à Clermont-Ferrand. « On ne voit personne. Une de mes amies a même dû être hospitalisée pour dépression sévère ». Sur le mur de sa chambre, elle a collé une inscription qui en dit long : « I will survive ». Le plus dur, pour elle, ce sont les cours virtuels à suivre sur son ordinateur, les problèmes de wi-fi et de bande passante. « Les profs parlent, on ne les entend plus et, parfois, ils ne s’en rendent même pas compte de tout le cours ».
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Les jeunes se sentent comme des morts vivants
Loris Lejczyk, 21 ans, étudiant en 2ème année de droit, surenchérit : « On ne verra jamais le visage de nos profs. On aura raté beaucoup d’échanges ».
Aiméline, 22 ans, aurait dû passer sa dernière année d’apprentissage en restaurant. Elle devra se contenter des cours à l’Institut des métiers de Clermont-Ferrand. « Ce qui m’angoisse, c’est de voir que certains dans la restauration ne vont pas se relever ».
Le confinement, aussi, a fait des ravages. « La jeunesse, c’est un moment de rupture, de séparation avec sa famille », analyse Laurence Charmont-Parent, psychologue auprès des étudiants de Clermont-Ferrand. « Mais avec la pandémie, le processus a été bloqué, les jeunes ont dû rentrer chez leurs parents ». « C’est triste, ils n’ont pas de jeunesse, ces gamins », reconnaît la maman d’Aiméline, qui se souvient de son insouciance d’hier et qui mesure l’incertitude dans laquelle vit sa fille aujourd’hui.
« Ces jeunes, nés avec les attentats de New-York et la catastrophe d’AZF à Toulouse, ont grandi dans une angoisse permanente », estime le sociologue Christophe Gobbé. « Et aujourd’hui, les perspectives sont bouchées, cela a un effet amplificateur tétanisant ».
Et quand on leur demande quel est leur idéal de vie, ces jeunes font valoir des aspirations très simples. « Je voudrais être écrivaine », dit Florine. « Je voudrais arriver à déstresser. Habiter à la campagne, dans la nature et avoir une famille ». Loris, lui, rêve de voyager. « Moi, je voudrais être heureuse, avoir un ou plusieurs enfants, un travail et une maison », conclut Aiméline.
L’état des personnes âgées s’est sérieusement dégradé
Les résidents de l’EHPAD « Les papillons d’or » de Courpière (Puy-de-Dôme) ont subi la crise sanitaire de plein fouet. « Le premier confinement, ça a été très dur », raconte Pierre Bourlier, 89 ans. Pendant 16 longues semaines, les visites ont été interdites. « Et ensuite, on a pu voir nos familles derrière la vitre, avec le téléphone. Ce n’était pas très agréable ».
« Le confinement a été une catastrophe », diagnostique Jacques Bernard, le gériatre de l’EHPAD. « Enfermés dans leur chambre, sans plus aucun lien social, ni activité physique, nous les avons vus se dégrader rapidement. Ils ont perdu au niveau de la marche, mais aussi sur le plan cognitif ». Et Vincent Blanc, le directeur délégué, de poursuivre : « Nous n’avons pas eu de mort, mais la Covid a fait de gros dégâts collatéraux ». Des dégâts irréversibles pour la plupart. « Les personnes victimes de troubles de la marche n’ont pas récupéré, elles sont resté grabataires, bloquées dans leur lit » explique Jacques Bernard. « Quand on perd le moral, on tombe rapidement dans le syndrome de glissement, l’élan vital disparaît et on se dégrade à la vitesse de la lumière ».
Aujourd’hui, les visites ont pu reprendre mais elles sont limitées à la pièce commune et à une durée de 50 minutes. « La première fois que je suis revenu, sa première réflexion a été : « Si ça continue, tu viendras me voir au cimetière » », raconte Daniel Fougère, le fils d’un résident. « Les visites, c’est bien et c’est mal », explique Jeanne Vilatte, 88 ans. « On les voit et après, ils se barrent. Et toi, tu reprends l’ascenseur et tu rentres seule dans ta chambre ».
« On attend la mort tous les jours », explique Ginette Bernard, 89 ans. « Mais on s’en accommode ».
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