ENQUÊTES DE RÉGION. Ce qu'il faut retenir de l'émission "La montagne dans tous ses états" diffusée sur France 3

La montagne n'est pas épargnée par le Covid, avec des conséquences pour une industrie qui génère 9 à 10 milliards d'euros de chiffre d'affaires. "C'est toute une économie que l'ont met à terre (...) Nous pesons plus lourd que l'industrie du foot", rappelle le PDG de la Compagnie du Mont Blanc.

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La saison a été catastrophique pour les stations de ski d’Auvergne-Rhône-Alpes

L'hiver 2020/2021 restera dans l'histoire. La fermeture des remontées mécaniques a transformé nos stations de ski en villes fantômes : les télésièges sont à l’arrêt, les villages vides, les résidences désertées. Un triste spectacle qui se compte en milliards d’euros pour les acteurs économiques de nos vallées. Tout au long de la saison, ils ont espéré une réouverture, d’abord à Noël, puis en février, enfin pour les vacances de Pâques, d’autant que l’enneigement a toujours été exceptionnel. Mais les annonces d’Emmanuel Macron, le 31 mars dernier, ont balayé les dernières illusions : la saison restera définitivement blanche.

La Compagnie du Mont Blanc, qui gère les remontées mécaniques de Chamonix et Megève, a vu son chiffre d’affaires passer de 100 à 20 millions d’euros. Mathieu Dechavanne, son PDG, préfère globaliser : "L’industrie de la montagne, c’est 9 à 10 milliards d’euros de chiffre d’affaires. Cela ne concerne pas que les 8% de Français les plus riches qui font du ski, c’est toute une économie que l’on met à terre, des équipementiers, des boîtes de communication, des entreprises de maintenance... Nous pesons plus lourd que l’industrie du foot", conclut-il. Son collègue d’Avoriaz, Thomas Faucheur, directeur de la SERMA, surenchérit : "On a été traités comme les autres activités dites - non essentielles -. On nous a fermés sans nous offrir aucune perspective".

Même constat dans la petite station de Chastreix-Sancy (Puy-de-Dôme) : la société d’économie mixte, qui gère les 16 km de pistes et les 7 remontées mécaniques, n’a engrangé que 13 000 euros de recettes cet hiver. Elle va donc, pour la deuxième année consécutive, se retrouver en déficit. "Ce ne va plus être viable dans un futur proche", analyse Jérôme Savoldelli, l’un de ses 93 actionnaires. "Il faut trouver une solution, sinon, le jour où on sera gravement déficitaire, on mettra la clé sous la porte".

Le plan montagne du gouvernement, estimé à 4 milliards d’euros, devrait permettre d’atténuer le choc pour les exploitants, hôteliers-restaurateurs, commerçants et saisonniers. Mais il y a quelques oubliés de la crise, comme les médecins de montagne. "Mon collègue et moi, nous travaillons bénévolement depuis un an", raconte Bernard Audema, généraliste à Avoriaz. Son cabinet voit défiler 100 patients par jour en pleine saison ; cet hiver, ils se comptent sur les doigts d’une main. "On n’a pas de rémunération. On arrive à peine à payer les charges".

 

Les saisonniers ont souffert

Faute d’ouverture des stations, 40% des saisonniers n’ont pas été embauchés cet hiver dans les Alpes. N’ayant pas signé de contrat, ils n’ont donc pas d’indemnisation de chômage partiel. Dans la station des Carroz-d’Arâches (Haute-Savoie), 12 saisonniers suffisent à entretenir et sécuriser le domaine, là où il en fallait 80 dans un hiver normal. Frédéric Motte, chef de cuisine, est resté toute la saison confiné dans son 18 m² de Flaine (Haute-Savoie) à attendre l’ouverture de la station qui n’est jamais venue. "Moi, je m’en sors bien, parce que je suis en chômage partiel et parce que mon patron me loge. Mais d’autres saisonniers que je connais ont dû retourner chez leurs parents. Le plus dur, c’est de ne pas pouvoir se projeter".

L’hiver 2020/2021 risque de conforter les saisonniers dans la polyactivité, déjà largement pratiquée. C’est ainsi que le dameur de la station de Lélex-Monts-Jura (Ain) est aussi berger le jour. Un double métier particulièrement difficile pendant les périodes d’agnelage…

 

Nos montagnes préparent le monde de demain

"L’hiver a été très dur pour l’économie de la montagne. Mais l’important, c’est que les gens sont venus : ils avaient une attente pour la montagne, même sans ski". Samuel Houdemon est le directeur de Kipik, une société de conseil à destination des territoires ruraux et de moyenne montagne. Pour lui, les grandes stations d’Auvergne-Rhône-Alpes, celles qui assurent 80% des journées-skieurs, n’ont pas besoin de se remettre en question : il y aura toujours de la neige à leurs altitudes. "Et puis, ce sont des fleurons économiques, elles attirent une clientèle étrangère, donc des devises et de la visibilité internationale. Il faut les mettre sur les bons rails de la transition écologique, mais on en a besoin". Pour toutes les autres, en revanche, il va falloir sortir du tout ski. "Elles sont 140 en France à devoir se poser la question de leur modèle de développement économique".

L’avenir est sûrement dans le nordique. Ces 18 activités, de la raquette aux chiens de traineau, du ski de randonnée au biathlon, ont eu beaucoup de succès l’hiver dernier. C’est une économie plus diffuse sur le territoire, donc meilleure pour l’environnement. "Mais, attention !, prévient Samuel Houdemon, le nordique, c’est 10 millions de chiffre d’affaires par an, l’équivalent d’à peine deux mois d’exploitation d’une station comme Val-d’Isère". Guide de moyenne montagne à Lavigerie, près du puy Mary (Cantal), Stéphane Serre a vu les visiteurs affluer en masse cet hiver. Et, lui aussi, prévient : "Il faut préserver notre pépite. C’est très bien que les gens aillent en montagne mais il faut une réflexion en amont. Plus de fréquentation, c’est plus de voitures : on les gare où ? C’est plus de déchets aussi, ici on a même vu des touristes donner à manger aux marmottes, cela ne se fait pas". Et puis, il y a le problème de la sécurité : "Les gens arrivent avec leur téléphone et leur GPS qui leur indique les chemins de randonnée. Et ils s’y engagent, sans mesurer le danger".

"Il faut qu’on trouve de nouveaux modèles", estime Claudine Braize, propriétaire à Morzine. Elle, a déjà fait sa mue. Elle a transformé son chalet de 450 m², qu’elle louait à des touristes anglais 9000 euros la semaine, en espace de co-working pour des personnes désireuses de télétravailler à l’air pur de nos montagnes. Cela lui rapporte quatre fois moins, mais cela lui convient : "Nous étions arrivés à des prix de location exagérés. Il faut qu’on trouve de nouveaux marchés".

 

Enquêtes de région "La montagne dans tous ses états", une émission diffusée le mercredi 7 avril 2021 sur France 3 Auvergne-Rhône-Alpes et disponible en replay sur france.tv


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