L’histoire a fait grand bruit. Un réfugié juif originaire de Vienne a été accueilli enfant au Chambon-sur-Lignon en Haute-Loire. Pour remercier les habitants, il a légué sa fortune à la commune après sa mort. Le réalisateur Jérôme Levy s’est lancé sur les traces de ce mystérieux donateur dans un documentaire diffusé sur France 3.
Cette histoire est allée bien au-delà des frontières du Chambon-sur-Lignon, petite commune de Haute-Loire : “Au début de l'année 2021, un évènement considérable est venu bouleverser la quiétude des lieux. Un homme, Erich Schwam, vient de mourir, et il a légué trois millions et demi d'euros, soit l'intégralité de sa fortune, à la commune en remerciement du refuge qui lui a été offert pendant la Seconde Guerre mondiale. Une histoire vite reprise par les médias du monde entier et un mystère à éclaircir. Qui est cet Erich Schwam ?” s’est demandé le réalisateur Jérôme Levy. Pour le savoir, il a remonté la piste du généreux donateur, de Vienne jusqu’en Haute-Loire en passant par la Belgique.
"Ça m'a touché à double titre"
Jérome Levy s’est plongé dans les archives de l’époque, après avoir entendu l’histoire dans la presse : “Je suis au départ tombé sur cette histoire dans la presse, tout simplement. C'est un collègue journaliste qui m'a dit, “tiens, tu dois regarder ça, ça devrait t'intéresser.” C'est vrai que c'est une histoire dont on a beaucoup parlé à l'époque.” Cette histoire fait également écho a son vécu : “Ça m'a touché à double titre. D'abord, ça m'a touché parce que je connaissais un petit peu le village. Quand j'étais jeune enfant, adolescent, j’allais en vacances dans ce qu'on appelle des homes d'enfants. Par ailleurs cette histoire correspond un petit peu à l'histoire de de ma famille puisque mon père est né pas au Chambon-sur-Lignon, mais pas très loin, dans les Cévennes dans un village qui s'appelle Lassalle. Il est né et a été caché et protégé par des Justes sous le faux nom de Leroy. Il a été déclaré sous ce nom à la maternité d’Alès. Le destin d'Erich Schwam ressemble un petit peu à mon histoire familiale. J’ai voulu partir sur les traces d’Erich, comprendre comment il avait été aidé, comment lui et ses parents en tout cas avaient pu s'en sortir”.
Un parcours semé d'embûches
Grâce notamment à l’aide des habitants du Chambon-sur-Lignon, il parvient à lever le voile sur le parcours chaotique de celui qui n’était qu’un enfant lorsqu’il a dû quitter avec ses parents son domicile de Vienne. " On a un énorme travail qui a été fait par le Chambon-sur-Lignon et particulièrement l'adjointe à la culture, Denise. Avant qu'on soit sur le documentaire, elle avait énormément travaillé. Elle avait contacté beaucoup de gens. Il y a aussi beaucoup de gens qui se sont manifestés, qui ont appelé au départ Denise, puis moi. Ils m'ont contacté en me disant “On connait telle ou telle histoire, telle personne à qui la même chose est arrivée, vous devriez peut-être la contacter.” On a senti en travaillant sur le sujet avec Alexandre Amiel, le producteur, qu'il y avait une volonté de la part de beaucoup de gens d’aider à savoir qui était ce monsieur”, raconte Jérôme Levy.
De belles rencontres
Une dizaine de mois d’enquête et, à l’arrivée, de belles rencontres qui ont marqué le réalisateur : “Il y a beaucoup de gens qui m'ont touché à chaque étape. Le travail de Denise au Chambon-sur-Lignon et la relation qu'on a pu nouer ensemble en travaillant sur le sujet, en cherchant, c'est quelque chose qui m’a marqué. Voir qu'il y avait cette volonté de savoir, de comprendre, c'était quelque chose d’extrêmement touchant. Tout au long du parcours qu'on a fait, en allant dans beaucoup d'endroits dans lesquels il était passé, on a rencontré des gens passionnés, intéressés. Son arrière-petit-cousin, avec sa mère qui vivait à Vienne et qu'on est allé voir, c'était pour moi une très belle rencontre.” Près d’une vingtaine d’intervenants ponctuent son histoire à laquelle Jean-Luc Hees prête sa voix.
Une terre d'accueil
Pour Jérôme Levy, la tradition de l’accueil est ancrée dans les mœurs de ce village : “Il y a cette culture de l'accueil. Ils ont accueilli beaucoup d'Ukrainiens ces dernières semaines, beaucoup plus que ce que la taille de la commune laisserait supposer. Il y a aussi, et c'est consubstantiel à la culture de l'accueil, cette culture de la discrétion qui fait que ça a toujours été une terre d'accueil et de refuge, d'abord pour les protestants et ensuite pour les juifs pendant la Seconde Guerre Mondiale. Cette culture de la discrétion est aussi assez propre au monde protestant. D'ailleurs, au départ, ce n'était pas très facile pour moi d'enquêter sur le sujet parce que parce qu'on me disait "Ici on est discret, on fait les choses, mais on n'a pas besoin de les faire savoir”. Évidemment, notre travail, c'est de faire parler des gens et surtout moi je leur disais : “J'entends ton souhait d’être discret, mais si on veut que ces actes-là soient mis en lumière et qu'ils soient transmis notamment aux jeunes générations, il faut bien en parler.” Le Chambon-sur-Lignon est le seul village français honoré du titre de "Juste" parmi les nations. Pour voir le film “Le Chambon-sur-Lignon, un legs pour l'Histoire”, rendez-vous le 23 mai à 23 heures sur France 3.