Interrogé sur France Inter mercredi 25 octobre, Laurent Wauquiez a critiqué la politique européenne en citant un exemple la lentille du Puy, prétenduement menacée par l'arrivée de lentilles canadiennes permises par la Commission européenne. Sa déclaration est plutôt trompeuse. Analyse.
Il ne manque pas une occasion d’évoquer son fief de Haute-Loire. Invité au micro de France Inter Mercredi 25 octobre, le président de la région Auvergne-Rhône-Alpes répondait à plusieurs questions d’actualité, et a balayé d’un revers de main l’utilisation du glyphosate et le Ceta, accord de libre-échange avec le Canada, en citant l’exemple… de la lentille du Puy.
Le candidat à la présidence de Les républicains réagissait à la décision de la Commission européenne d’interdire progressivement le glyphosate. Il semble d’accord, mais « Il faut un produit de substitution, » dit-il. « Ensuite, […] Quand on interdit chez nous, il faut interdire les produits qui viennent de l’extérieur et qui utilisent les mêmes substances. Je vais prendre un exemple qui me tient à cœur, qui est celui de la lentille verte du Puy-en-Velay, ce qui me permet au passage de faire de la pub pour vos auditeurs. »
Une lentille pure
Il poursuit : « On a interdit beaucoup de produits dans la culture de la lentille verte, ce qui fait qu’aujourd’hui c’est sans doute une des lentilles avec le plus grand degré de pureté et, au fond, de culture naturelle. Mais on laisse rentrer la lentille du Canada, qui elle n’applique absolument pas les mêmes contrôles chez nous, sans même qu’il y ait d’information du consommateur. »
De cette observation, il tire une conclusion : l’Union européenne menace la lentille du Puy: « C’est cette folie que je n’aime pas dans l’Europe où, au fond, on fait chez nous tout le travail, mais on laisse rentrer tous les produits étrangers sans le moindre contrôle, ni sans une information suffisante. »
Laurent Wauquiez a raison sur un point : la culture des lentilles du Puy a un cahier des charges bien précis, bien plus que les lentilles canadiennes. Ces normes sont dues à l’Appellation origine protégée (AOC) dont bénéficient les légumineuses de Haute-Loire. Celles-ci doivent être semées et récoltées à des dates et dans des zones bien définies.
La liste des communes l'AOP lentille du Puy peut être produite
Une différence de produit indiquée pour le consommateur
Mais le président de région se trompe sur la prétendue invasion des lentilles canadiennes autorisée par l’Europe. Le Ceta, qui devrait, selon le secrétaire d’État Jean-Baptiste Lemoyne, être soumis aux députés en 2018, permettait pour la première fois la reconnaissance de 173 indications géographiques protégées européennes (IGP), dont 41 françaises.
Les Canadiens ne pourront donc plus vendre leur produit sous le nom « lentilles du Puy », protégeant ainsi la qualité de la production altiligérienne à l’étranger.
L’utilisation du glyphosate pour les AOP est totalement prohibée alors qu’elle est autorisée en Amérique du Nord. Les deux produits sont donc de qualité radicalement différente, n'occupent pas le même marché, et le consommateur en sera donc informé grâce au label européen AOP reconnu par le Ceta. L'exemple était donc mal choisi.