Combiner la recherche scientifique, l’art et le savoir-faire de la scop Fontanille, usine de fabrication de dentelle en Haute-Loire, pour élaborer une dentelle susceptible de favoriser la restauration des barrières de corail : c’est l’idée d’un projet en cours, Corail/Artefact.
La dentelle de Haute-Loire sauvera-t-elle la barrière de corail ? La scop du Puy-en-Velay Fontanille et l’artiste parisien Jérémy Gobé en tout cas s’y attèlent. Leur projet : créer une dentelle pouvant servir de support au renouvellement des cellules de corail. En effet, à cause du changement climatique, les nouvelles cellules de corail ne se fixent plus au récif, ce qui entraîne à terme son extinction.
L’idée est donc de créer une interface sur laquelle elles pourraient se fixer et se développer, à la manière d’un tuteur pour un arbre. Or, la dentelle a plusieurs avantages : elle est rugueuse, transparente ce qui permet de laisser passer la lumière, et qui plus est biodégradable.
Le projet Corail/Artefact est né dans l’esprit de Jérémy Gobé, 32 ans, alors qu’il visitait Fontanille.
Dans mon travail, je m’intéresse aux artisans qui ont un savoir-faire traditionnel et à la façon de les relier aux enjeux contemporains, climatiques par exemple. Et je travaille depuis un moment avec des coraux, explique le jeune homme. Quand j’ai vu au Puy-en-Velay le Point d’Esprit, qui est un modèle de dentelle, j’ai vu que c’est l’exacte représentation d’une cellule de corail vue au microscope. Donc je me suis dit qu’il y avait quelque chose à faire.
Une réelle symbiose entre le corail et la dentelle
Avec l’aide d’Isabelle Domart-Coulon, chercheuse en biologie marine, l’artiste se met au travail. Des tests en laboratoire ont été effectués, et les résultats sont concluants : la dentelle en coton est bel et bien un substrat compatible et viable pour le corail. "Ça marche au-delà de nos espérances, commente Jérémy Gobé. Il y a une réelle symbiose entre le corail et la dentelle."
Sauver la barrière de corail va toutefois prendre du temps. Le projet est un projet sur le long-terme, qui s’étalera au moins jusqu’à 2021. A partir de l’année prochaine, des tests in situ vont commencer à être menés, peut-être au large de l’Australie, pays particulièrement actif sur la question de la préservation des coraux.
Présentation à Clermont-Ferrand
En attendant, Fontanille a déjà fabriqué 400 mètres de dentelle, avec quatre motifs mimant les coraux constitutifs d’un récif. L'entreprise, d’ordinaire tournée vers la lingerie et le monde médical, se tourne là vers un nouveau secteur : "Une entreprise doit savoir s'adapter, remarque Rolland Arnaud, gérant de la Scop. C'est un projet innovant, citoyen, qui contribue à améliorer l'environnement et qui permet aux sociétaires de s'épanouir."
Le 26 juin au Musée Bargoin à Clermont-Ferrand, le projet sera présenté dans le cadre du Festival des textiles extraordinaires, avec des aquariums d’expérience et des premiers prototypes. Puis à partir de septembre, une installation monumentale sera présentée, à savoir un récif corallien en dentelle, tissé par Fontanille. Ce volet artistique est destiné à sensibiliser le public à l’initiative, mais aussi à attirer l’attention pour trouver des financements : "Nous avons besoin de 400.000 €, indique Jérémy Gobé. Ce qui est vraiment rien pour un projet qui touche le monde entier."
Le changement climatique réchauffe les mers et les océans, ce qui a des conséquences sur le corail, conglomération complexe d’algues microscopiques et de très petits animaux appelés polypes. Lorsque la température de l’eau augmente, le corail expulse les micro-algues qu’il héberge et qui le nourrissent. De fait, le corail blanchit et finit par mourir. La dégradation du récif gêne la reproduction des coraux et la fixation de nouvelles larves, qui dérivent dans l’eau.