L'année la plus sèche de l'histoire n'est pas restée sans conséquences pour le sommet le plus haut d'Europe. Dans un premier rapport transfrontalier sur le changement climatique, le croisement des données entre les trois pays de l'Espace Mont Blanc donne images et perspectives sur un milieu en grande souffrance.
"On peut dire que pour l'environnement de l'Espace Mont-Blanc, l'année 2022 aura été vraiment l'annus horribilis !" Jean-Pierre Fosson, directeur de la Fondazione Montagna Sicura de Courmayeur (Vallée d'Aoste), ne mâche pas ses mots pour commenter le premier bilan environnemental de l'année écoulée.
Dans le cadre de l'Espace Mont-Blanc, la structure de coopération transfrontalière réunissant Savoie, Haute-Savoie, Vallée d'Aoste (Italie) et Valais (Suisse), il a fait travailler l'équipe scientifique de sa fondation sur les données venues des trois pays. Et le constat est saisissant.
Les glaciers ont fondu quatre fois plus vite en 2022
Parmi les sept indicateurs retenus par l'étude transfrontalière, c'est certainement celui du bilan de la fonte des glaciers qui est le plus révélateur. "Le bilan de masse des glaciers établit sur les trois glaciers d'Argentière en France, du Ruitor en Italie, et du Giétro en Suisse, nous révèle que cette année, l'ensemble de nos glaciers a fondu quatre fois plus vite que lors des 20 dernières années", explique encore Jean-Pierre Fosson.
Autre indicateur de l'étude présentant le signe d'une dégradation encore plus directe du réchauffement de l'environnement autour du toit de l'Europe : celui des températures.
Depuis 2010, +43 % de journées à plus de 25 °C en altitude
En croisant l'historique des températures relevés par Météo-France, Météo Suisse et l'Arpa vallée d'Aoste, l'étude des "journées d'été" met en évidence l'augmentation spectaculaire du nombre de jours de l'année où la température dépasse les 25 °C. Particulièrement dans les altitudes comprises entre 1 000 et 2 000 mètres.
"L'augmentation des températures dans ces altitudes peut, certes, offrir des avantages en favorisant la production de la flore, avec une floraison de plus. Mais il y a aussi de nombreux points noirs à cette situation, tels l'augmentation du nombre de jours de canicule, les gelées tardives ou encore la diffusion d'agents pathogènes nocifs".
Le corollaire de ce réchauffement plus rapide des pays du Mont-Blanc, c'est la baisse, particulièrement forte dans les fonds de vallées, du nombre de "jours de glace" : entre 0 et 1 000 mètres d'altitude, près de 50 % de jours en moins où la température est inférieure à 0 °C. Une situation guère plus brillante en altitude avec presque deux semaines de moins de températures en dessous de 0 °C en seulement 10 ans.
Nécessité d'actions à l'échelle individuelle
Rappelant en conclusion que "le poids du prix à payer au changement climatique dans l'Espace Mont-Blanc dépendra des actions engagées dès maintenant aux niveaux régional, national et supranational", ce premier bilan annuel insiste sur la nécessité de faire évoluer les modes de vie des habitants pour limiter leur impact sur l'environnement.
"Cette région transfrontalière, où se côtoient les reliefs les plus exceptionnels et les activités humaines de vallées très contrastées, constitue un excellent laboratoire pour étudier l'évolution des écosystèmes et la recherche de nouvelles stratégies d'adaptations à la nouvelle donne climatique", lit-on également dans ce rapport.