Le champion de freeride Aurélien Ducroz hisse les voiles à Marseille avant sa première Route du Rhum en solitaire

REPORTAGE. C'est depuis Marseille, ancrés dans le Vieux-Port, que le Haut-Savoyard Aurélien Ducroz et son bateau Class40 CrossCall se préparent pour le grand départ de la Route du Rhum. Un sacré défi pour l'ancien champion chamoniard de freeride.

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De la montagne en freeride à la course de grand large à la voile, et toujours en compétition. Aurélien Ducroz est en ce moment à quai à Marseille, où France 3 Alpes l'a rencontré. Il se prépare à embarquer pour la grande traversée. Et il n'a pas choisi n'importe quel cap : la Route du Rhum.

Le 6 novembre, 55 Class40 mettront les voiles au départ de Saint-Malo (Ille-et-Vilaine), et il sera de ceux-là. Une première pour lui. Alors dans la cité phocéenne, le Chamoniard s'est concocté un entraînement intense. Ses émotions sont mêlées, il se dit "un peu inquiet sur certains points, mais impatient de vivre cette aventure".

En ce début septembre, alors qu'il sort tranquillement son bateau de l'abri du Vieux-Port, tout en manœuvrant, il se confie en quelques mots à notre équipe, à quelques semaines du grand départ.

Dans mon esprit, il y a un peu de tout. Forcément, un peu d'appréhension, mais surtout énormément d'excitation.

Aurélien Ducroz

à France 3 Alpes

Et il ajoute : "Oui, il y aura des moments difficiles, je le sais. Mais voilà, tu penses aussi que tu vas participer à cette course légendaire, à cette chance d'être, quelques heures après le départ, dans les Alizés, pleine balle au portant, tout seul sur ton bateau. Dans mon esprit, il y un peu de tout. Forcément, un peu d'appréhension, mais surtout énormément d'excitation"

Aurélien comptait sur la Drheam-Cup - le grand prix de France de course au large - pour peaufiner, en solitaire, les derniers détails à quelques mois de la grande échéance. Il a dû y renoncer.

Il s'est aujourd'hui remis, et dans quelques semaines, le Chamoniard va vivre deux semaines seul sur son bateau de plus de 12 mètres de long, de la catégorie des Class 40. Un type de bateau très en vogue, certes, mais qu'il faut savoir apprivoiser, surtout quand les conditions météo sont délicates, comme ce jour où notre équipe de France 3 Alpes était à bord lors de cette sortie d'entraînement à Marseille : "Là, vous avez vu, on a passé les îles Frioul et tout à coup, on s'est retrouvés hyper vite à 35 nœuds (près de 70 km/h, NDLR). Il faut être très vigilant, ce sont des bateaux très toilés. L'anticipation, sur ces bateaux, c'est vraiment la clé pour ne pas se retrouver en retard sur les événements".

Cette épopée sportive mythique à la voile se joue sur le plan physique, mais aussi mental. Aurélien Ducroz a le physique, c'est clair. Le Haut-Savoyard s'est forgé depuis longtemps à la discipline d'un grand sportif. Et ses faits d'armes en ski freeride en disent long : double champion du monde dans la discipline, c'est un surdoué de la glisse.

Issu d’une famille de guides de haute montagne et de moniteurs de ski, la montagne est son patrimoine génétique. Il a commencé la compétition en saut à ski avec une qualification en équipe de France et trois titres de champion de France junior.

Le même plaisir de la glisse

A 40 ans, il est bien loin d'être un néophyte dans le monde des "voileux", des "vat-en-mer", comme on dit chez les marins qui l'ont d'ailleurs très vite adopté, et même formé volontiers.

En parallèle de sa carrière de freerider, dès 2011, il s’aligne au départ de la Mini Transat, accumule les expériences de courses au large : Mini, Figaro, Imoca, class40, Diam24...

En juin dernier, il décroche même le titre de champion du monde de Class40 à La Rochelle, en équipage, devançant Matthieu Perraut et Antoine Carpentier. 

Bref, le virus de l'océan l'a piqué, comme celui de la montagne auparavant, et le Chamoniard se sent aujourd'hui "aussi à l'aise dans ces deux éléments qui ont tant de points communs : le même goût de la liberté et le plaisir de la glisse".

Une façon complètement différente de gérer ses émotions.

Aurélien Ducroz

à France 3 Alpes

"En mer, il y a deux choses à prendre en compte : l’élément et la trajectoire. C’est exactement ce que je fais en ski", compare-t-il. En revanche, contrairement à ce que l'on pourrait croire, sur le grand océan, compétition ou non, tout est sensiblement différent, selon sa propre expérience.

Il a fallu apprendre à "surveiller les voiles, la vitesse du bateau en permanence, vérifier tous les paramètres, vérifier l'électronique et peaufiner la vitesse de performance qu'on veut en permanence."

Facile, imagine-t-on, quand on a cumulé les titres et les expériences en compétition en montagne ? Pas si simple, répond le Chamoniard : "Le mental maximal du freerider, cela se fait sur de très courtes durées alors que là, c'est peut-être moins intense d'un coup, suivant les moments, mais sur deux, trois semaines de course, voire plus comme sur un Vendée Globe, c'est une façon complètement différente de gérer ses émotions, a fortiori quand on est seul à bord".

Il n'empêche, le plus alpin des marins a le mental d'un "combattant", celui d'un champion top niveau. Il ne se laisse pas facilement embarquer par l'improvisation. Des réflexes qu'il a bel et bien acquis en montagne, et qui sont depuis longtemps ancrés dans l'esprit et le comportement du skieur, devenu aussi skipper.

Il faut se regarder soi-même pendant une course.

Aurélien Ducroz

à France 3 Alpes

"L'humain est très important. Il faut se regarder soi-même pendant une course pour être sûr qu'on est capable de tenir. Là, pendant l'entraînement, on l'a vu, la vitesse du bateau s'est emballée très rapidement, rien qu'ici en Méditerranée, tout peut devenir parfois très compliqué", remarque Aurélien Ducroz.

En effet, ce jour-là, il a fallu réagir vite, tirer des ris dans les voiles, et subir l'assaut des vagues. Même trempé, Aurélien garde son calme et son humour face au vent qui a forci d'un coup.

Il sait que, dans quelques semaines, il sera seul à bord. Alors quelles que soient les conditions, il mène la "barque" et veille aux réactions de son bateau dont il a lui-même lancé et supervisé la construction.

 

Et il l'assure, il existe tout de même une différence fondamentale avec le ski : "Il faut vérifier l'ensemble du bateau assez régulièrement, s'assurer que tout se passe bien à droite à gauche, détecter toute anomalie ou usure avant que ça devienne un problème. Oui, il y a beaucoup de paramètres à prendre en compte. Pendant cette course qui va durer 20 jours, il faut s'astreindre à adopter cette routine de vigilance en mer".

Dans quelques jours, il mettra le cap sur Lorient, puis rejoindra Saint-Malo. Destination : la Guadeloupe en solitaire.

Professionnels et amateurs au départ : l'ADN de cette grande course au large

Créée en 1978 par Michel Etevenon, la Route du Rhum - Destination Guadeloupe est la reine des courses transatlantiques en solitaire. Depuis 44 ans, elle relie Saint-Malo (Bretagne) à Pointe-à-Pitre, en Guadeloupe, et regroupe sur une même ligne de départ le plus grand plateau de la voile océanique. Cette transatlantique, d’une distance totale de 3 542 milles a la particularité de rassembler, tous les quatre ans, les grandes figures de la voile, les professionnels comme les amateurs. 

L'ADN de cette transatlantique reste la diversité, le mélange des genres et le credo de la Route du Rhum - Destination Guadeloupe "où un postier et son voilier de série peuvent prendre le même départ que le skipper professionnel aux commandes d’une bête de course en carbone", indiquent encore cette année les organisateurs de la course. 

Six catégories sur la ligne du départ

Dimanche 6 novembre, ils seront 138 solitaires à s’élancer au large de Saint-Malo. Les Class40 comme celui d'Aurélien Ducroz, mais aussi les ULTIM 32/23, les IMOCA, les OCEAN FIFTY (anciens Multi50), les RHUM Multi et RHUM Mono.

Le record actuel est détenu par Francis Joyon, dernier vainqueur de l’édition 2018, après 7 jours 14 heures 21 minutes et 47 secondes en mer.

Pour tout savoir sur la Route du Rhum, parcours, skippers, historique et conseils pratiques, c'est ici, sur le site de la course.

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