Addict aux descentes vertigineuses dans la poudreuse, Aurélien Ducroz aime tout autant les longues traversées de l'Atlantique. Le champion du monde de ski extrême a réussi à embarquer ses sponsors de la montagne dans un projet en mer, avec la construction d'un bateau.
La saison de ski n'est pas tout à fait terminée et Aurélien Ducroz profite de la neige en Corse et au Kirghizstan pour s'offrir des virées à toute allure. Le Chamoniard est un skieur professionnel, version freeride, la discipline sauvage du ski où il a excellé avec deux titres de champion du monde (2009, 2011) avant de se retirer des compétitions en 2015. Les pieds dans la neige, il a en tête son projet en cours: celui de faire construire un bateau, un class40 (monocoque de 12 m). Car la voile s'est immiscée dans sa vie il y a quinze ans et depuis, il navigue entre mer et montagne. "Ce sont les deux seuls endroits où il n'y a plus de règles, deux milieux de responsabilité énorme, c'est toi qui t'imposes tes propres règles, tu n'es guidé par personne. On n'a plus d'espace de liberté comme ça, c'est fini", souligne à l'AFP le 'marin-rider', qui a vu ses rêves olympiques ruinés après une blessure alors qu'il évoluait en équipe de France de saut à skis.
Révélation
Sa rencontre avec le monde de la course au large se fait presque par hasard. En 2008, on lui demande d'être le parrain d'un bateau, celui d'Adrien Hardy et il se passionne alors pour son aventure. En 2009, Ducroz est sacré champion du monde de freeride et reçoit une prime de 30.000 euros, soit le prix d'un bateau de la classe mini (petit voilier de 6,50 m), qu'il achète aussitôt. "On met le bateau à l'eau, je ne connais personne. Je suis à Lorient et il n'y a pas de moteur sur les mini, je ne peux pas sortir du port... J'ai attendu quatre jours avant de trouver quelqu'un qui pouvait venir naviguer avec moi !", se souvient le sportif de 38 ans. "Une fois parti sur le mini en 2011 ça a été une révélation, je me suis senti hyper bien en mer, techniquement j'étais à la rue, ça faisait six mois que je faisais du bateau mais au bout de 2, 3 jours au large, je vivais une aventure incroyable et en plus je faisais la course, tous les jours je doublais des mecs. Je m'étais éclaté", explique le Savoyard, qui décide alors de jouer dans les deux univers.
Exceptionnel et atypique
Depuis, il compte à son actif trois Transat Jacques-Vabre, dont une aux côtés du vainqueur du dernier Vendée Globe Yannick Bestaven - "Vingt-deux jours d'affilée avec un Yannick qui te donne tout, c'était fou !" -, trois Tour de France et une transat Québec - Saint-Malo.
Tout en gardant son activité ski, il a réussi à monter un projet voile, initié en 2017 et dans lequel ses cinq partenaires historiques (Crosscall, Greenweez, Herbelin, Mila et Helly Hansen) se sont engagés.
Il a emprunté 800.000 euros auprès d'une banque pour faire construire le voilier, auxquels s'ajoutent 400.000 euros par an de budget de fonctionnement. Le bateau sera étrenné lors de la Route du Rhum en 2022 avant d'être vendu, pour espère-t-il, envisager le Vendée Globe. "De l'extérieur, t'as l'impression que c'est un fou, en tout cas il fait des choses un peu folles, mais c'est quelqu'un de très raisonnable. Son parcours reste exceptionnel et très atypique, y en a pas 150.000 des skieurs ou des montagnards qui sont allés faire du bateau", relève à l'AFP, l'un de ses copains, François Gabart. Le ski plié, Ducroz va passer les sept prochains mois en Bretagne, lui, le Savoyard qui aurait dû être guide de haute montagne, comme c'est le cas dans sa famille depuis cinq ou six générations. "C'est assez drôle, c'est le seul truc dans ma vie que je n'ai jamais fait. Je me dis que tout n'est pas forcément écrit", relativise-t-il.