Le grand voyage des carottes de glace prélevées dans le glacier du Mont Blanc est entamé. Premère étape, l'arrivée à Grenoble dans une "carothèque", un entrepôt qui stocke ces échantillons glacés dont certains vont rallier l'Antarctique et dont d'autres seront mis à disposition des chercheurs.
Depuis la mi-août, 2 carottes de glace de plus de 120 mètres de long ont déjà été extraites du glacier du Mont Blanc dans le cadre de l'opération "Protecting Ice Memory" destinée à sauvegarder la "mémoire" de la glace, menacée par le réchauffement climatique.
Une deuxième carotte de 129,7 mètres de long a été héliportée mercredi après-midi dans la vallée et présentée à la presse avant de rejoindre le même entrepôt ce jeudi. Une troisième carotte doit être forée dans les prochains jours par une équipe de scientifiques français, italiens et russes.
Une de ces carottes, pesant plusieurs tonnes, sera analysée au laboratoire de Grenoble pour constituer une base de données ouverte à tous les scientifiques. Les scientifiques n'ont pas encore fait leur choix mais ils expliquent qu'ils prendront pour Grenoble celle qui sera la moins belle, peut-être avec des fractures de forage, pour réserver les spécimens les plus parfaits à l'Antarctique.
Reportage Xavier Schmitt, Dominique Bourget et Eric Achard
Intervenants: Luc Piard, ingénieur Laboratoire de glaciologie de Grenoble; Jérôme Chappelaz, glaciologue Université Grenoble Alpes/CNRS
Direction l'Antarctique
Deux des 3 carottes vont donc rejoindre d'ici 3 ou 4 ans un "congélateur naturel", une cave de neige à -54°C de moyenne, sur la base franco-italienne Concordia, en Antarctique. L'objectif est de conserver pour des siècles la "mémoire de la glace", une "matière première" extrêmement précieuse pour les scientifiques."Le réchauffement climatique affecte les glaciers à l'échelle mondiale. Or, ces glaciers sont des archives du climat, de l'environnement de la planète", explique Jérôme Chappellaz, directeur de recherche au laboratoire de glaciologie de Grenoble. "Grâce à ces carottes on a pu déjà reconstituer l'évolution du climat avec la composition de l'atmosphère en gaz à effet de serre, en métaux lourds."
"On espère que les générations futures qui auront à leur disposition de nouveaux moyens et outils d'analyse pourront imaginer des stratégies, en tout cas, ils auront la matière pour les conduire, on crée une banque de glace pour les générations futures", a-t-il ajouté.
Des bulles d'air
En se formant sous l'effet des chutes de neige, les glaciers emprisonnent en effet de petites bulles d'air et des impuretés, témoins de l'atmosphère d'il y a plusieurs dizaines, centaines ou milliers d'années.C'est ainsi que les glaciologues ont pu établir le lien entre températures et gaz à effet de serre. Sur les glaciers du Mont-Blanc, les chercheurs peuvent étudier l'évolution de la pollution ou de l'activité industrielle au niveau européen sur une centaine d'années. Avec l'évolution des techniques, les chercheurs espèrent aussi mener des recherches dans quelques années sur les mutations de virus ou de bactéries piégés dans la glace.
Un projet soutenu par l'Universite de Grenoble Alpes, le CNRS et l'Université Ca'Foscari de Venise.