Alors que Kilian Jornet et Zach Miller ont appelé d'autres coureurs élites à ne pas participer aux courses de l'Ultra-trail du Mont-Blanc en 2024, la direction de l'UTMB a souhaité réagir. Elle regrette notamment de ne pas avoir été directement contactée par les pointures de la discipline.
Quelques jours après l'appel au boycott de Kilian Jornet et Zach Miller, stars de l'ultra-trail, la direction de l'UTMB a souhaité réagir ce lundi 22 janvier. Catherine Poletti, fondatrice de la course de Chamonix, et Isabelle Viseux-Poletti, directrice de l'UTMB, regrettent de ne pas avoir été directement contactées par les coureurs.
Pointées du doigt sur des choix stratégiques, notamment sur une course au Canada, le prix des inscriptions ou encore le partenariat avec le constructeur automobile Dacia, elles ont souhaité donner leur version des faits. Entretien.
France 3 Alpes : Comment avez-vous réagi à la lecture du courrier de Kilian Jornet et Zach Miller ?
Catherine Poletti : On a appris cette nouvelle par des amis et un entraîneur de trail, habitant à Chamonix, qui s'était ému de l'objet de ce courrier. Aujourd'hui, nous organisons toutes les courses de l'UTMB pas simplement pour les élites, mais pour tous les coureurs. Les élites sont importants, car ils aident à la médiatisation de l'épreuve.
Nous sommes en contact fréquent avec eux. On regrette qu'ils envoient un e-mail, entre eux, sans même nous en parler. Ils sont bien capables de nous expliquer leur volonté, notamment sur les politiques de grossesse. Nous n'avons pas la science infuse et notre politique, sur ce sujet, a été modifiée grâce à nos échanges. Là, on regrette qu'ils ne nous aient pas appelés directement pour nous faire part de ce qui n'allait pas. On aurait pu leur répondre directement plutôt que d'étaler ça sur la place publique. (...) On a été un peu déçus qu'ils réagissent ainsi.
Isabelle Viseux-Poletti : Il est vrai que ces derniers temps, certains élites se sont émus, à raison, des conditions d'inscription pour l'UTMB Mont-Blanc. Donc on a modifié ces conditions en accord avec eux. Des réflexions communes qui vont dans le sens de tout le monde, on en a régulièrement. C'est donc dommage qu'ils nous interpellent sur des sujets qui les intéressent directement et qu'ils ne nous consultent pas sur des sujets qui les intéressent indirectement. On va discuter avec eux. Nous avons une réunion prévue avec la PTRA [Pro Trail Runners Association, créée à l'initiative de Kilian Jornet, NDLR] et d'autres coureurs comme Zach.
France 3 Alpes : Selon vous, que vous reprochent ces athlètes ?
Catherine Poletti : Ils n'indiquent rien de précis dans ce courrier. Mais je sais que nous avons déjà discuté avec eux sur le partenariat avec Dacia. Nous avons aussi eu des discussions sur d'autres points. Il y a eu une mésentente sur la course de la Whistler Alpine Meadows [une des nouvelles épreuves du circuit international de l'UTMB qui se déroule au Canada, sur les mêmes lieux qu'une ancienne course organisée par Gary Robbins, un célèbre traileur local, NDLR].
Mais ce qu'ils ne savent pas, c'est que nous avons des échanges très cordiaux avec Gary. À un moment, avant de lancer l'anathème, il faut savoir ce qu'il s'est vraiment passé. On ne peut pas juger sans connaître l'intégralité des faits. Il est possible que nous ayons fait des erreurs de communication. On s'en est excusé directement auprès de Gary, sans passer par la place publique.
Par ailleurs, il existe une autre grosse incompréhension et une méconnaissance des faits : beaucoup pensent que nous avons été rachetés par Iron Man. Ce n'est pas exact. Nous n'avons rien vendu. Iron Man est associé dans l'UTMB Group et est un associé minoritaire. La famille Poletti est toujours majoritaire.
France 3 Alpes : Zach Miller et Kilian Jornet reprochent un manque de considération de la direction envers les coureurs. Quelle a été votre réaction ?
Catherine Poletti : Oui, cela nous a attristés. D'autant plus que c'est faux. Je trouve que le respect doit aller dans les deux sens. On respecte les gens qui nous respectent et vice versa. Aujourd'hui, jeter l'anathème sur les réseaux sociaux en disant qu'on ne les respecte pas, ce n'est pas vraiment nous respecter non plus.
France 3 Alpes : Des athlètes ont aussi constaté l'évolution du prix d'inscription, auquel s'ajoute d'autres frais comme la participation, au préalable, à une course du circuit UTMB. Que répondez-vous à ces reproches ?
Catherine Poletti : Les coureurs ne réalisent pas ce que représente leur inscription. Ils n'hésitent pas à s'inscrire sur le marathon de New York qui coûte bien plus cher et qui est bien plus court. C'est une question de choix et de priorité. Le prix n'est pas élevé par rapport à l'événement qu'on leur propose.
Personne n'est obligé, avec un pistolet pointé sur la tempe, de venir participer à nos courses. Les gens qui veulent venir ont fait un choix.
Isabelle Viseux-Poletti : Sur les coûts de la course, je pense que les gens n'ont pas conscience que nous sommes une entreprise de plus de 70 personnes. Cela représente des charges, on essaie d'être justes et corrects avec nos employés. Derrière, les coûts d'organisation augmentent, encore plus vite pour des événements organisés par une société privée que par des associations.
Nous voulons investir pour le futur, le transport, l'environnement. Alors ces sommes-là ne viennent pas de nulle part. L'année dernière, nous avons investi près de 500 000 euros dans un plan de transport.
France 3 Alpes : Le partenariat avec Dacia a également été critiqué par des coureurs, qui estiment que l'image du constructeur automobile ne correspond pas à celle de l'UTMB...
Catherine Poletti : Dacia était déjà partenaire. Ce partenariat a augmenté lorsqu'ils ont obtenu le naming. Pour l'instant, Dacia nous a permis, tout en ne renonçant pas à nos valeurs, de pérenniser la société.
France 3 Alpes : Zach Miller et Kilian Jornet ont demandé aux autres coureurs s'ils étaient intéressés pour participer à une autre épreuve en 2024. Que représenterait un boycott des coureurs élites ?
Isabelle Viseux-Poletti : Leurs propos n'engagent qu'eux. Nous avons déjà 60 élites inscrits sur nos courses. Je ne sais donc pas si leurs propos seront suivis. Mais, surtout, nous regrettons qu'ils le fassent pour de mauvaises raisons, alors que nous n'avons même pas pu communiquer avec eux.
Puis, l'UTMB n'est pas fait que pour les élites. On a 10 000 coureurs répartis sur l'ensemble des distances, dont une grande majorité de coureurs normaux. Ce qui nous importe, c'est ce qu'ils vont pouvoir ressentir, eux.
Catherine Poletti : Pour moi, ce n'est pas un appel au boycott, mais plutôt à aller courir ailleurs. Le nombre de courses et d'épreuves organisées partout dans le monde permet aux coureurs de faire leur propre choix. Ils peuvent aller là où ils veulent : la communauté du trail running n'appartient à personne.
Il y aura des vainqueurs, quoiqu'il arrive, lors de la prochaine édition de l'UTMB. Nous continuerons de faire des choix. Nous savons que ces choix ne seront pas toujours appréciés de tout le monde, mais nous essaierons qu'ils soient les plus équitables possibles. Personne n'est parfait.