UTMB 2024. "On voit des comportements de zombie" : au dernier ravitaillement, la fatigue et la chaleur assomment les coureurs

Comme tous les ans, les coureurs amateurs de l'UTMB doivent gérer une immense fatigue pour rallier la ligne d'arrivée à Chamonix. Cette année, ils ont aussi fait face à des températures élevées dans la journée et un froid "glacial" lors de la première nuit. Reportage à Vallorcine, dernier ravitaillement avec assistance de la course.

Il est 9 heures et le soleil, caché par les montagnes, n'a pas encore atteint la tente du ravitaillement de Vallorcine. Quelques coureurs y arrivent d'un pas las, après 39 heures de course sur l'UTMB. Ils en sont au kilomètre 158 sur les 176 que compte le mythique ultra-trail du Mont-Blanc.

À l'intérieur du barnum, l'odeur de transpiration et de chaussettes se mêle à l'humidité du matin. Un relatif inconfort qui est loin de déranger la soixantaine de traileurs amateurs présents. Ils ont connu pire depuis leur départ vendredi à 18 heures. Tous y trouvent même un refuge : ils ont de quoi s'hydrater, s'alimenter et peuvent se reposer sur les quelques bancs ou lits de camp mis à disposition.

Liselotte, bénévole pour le staff médical, surveille quelques coureurs endormis : "Ils arrivent fatigués ici. Ce n'est pas étonnant. Mais finalement, ils ne sont pas dans un si mauvais état. Certains ont encore la motivation d'aller jusqu'au bout. Ils sont empruntés, ils ont des ampoules, des muscles bien contracturés. Mais dans l'ensemble, ils ne sont pas trop mal."

À Vallorcine, dernier important point de ravitaillement avec assistance de la course, les participants ont le sourire mais le visage fatigué. Ils savent qu'ils parviendront à boucler la boucle. Mais, après quasiment deux jours d'effort, tout devient difficile. "On n'est pas très loin des barrières horaires. Donc ce n'est pas vraiment le lieu où il faut trop se reposer", raconte Clément qui remplit ses gourdes avant de manger et de repartir. La barrière horaire de Vallorcine est fixée à 11h15 du matin. Au-delà, les coureurs qui arriveront à ce ravitaillement seront stoppés par l'organisation et ne pourront pas franchir l'arche d'arrivée à Chamonix.

Chaleur et "températures glaciales"

Lors de cet UTMB 2024, il a fallu composer avec des conditions climatiques particulières. Peu avant le départ, l'organisation de la course avait activé le "kit canicule" au vu des importantes chaleurs attendues. Celles-ci ont fait des dégâts. Peu après midi, 991 inscrits ont décidé d'abandonner. Soit un peu moins que le nombre de finishers : 1 342.

"Vendredi, au moment du départ, il faisait très chaud. En Italie, le ciel était assez voilé donc ça allait encore. Ce que je n'avais pas anticipé, c'est plutôt la fraîcheur de la soirée. Dans la nuit de vendredi à samedi, c'étaient des températures vraiment glaciales. C'était une surprise pour beaucoup", poursuit Clément.

Jean-Benoît, lui, a été une des victimes de cette chaleur : "Je suis au bout du rouleau. J'ai eu des soucis avec la chaleur. Je sortais de Courmayeur, je me sentais super bien, j'étais bien placé, j'avais bien mangé, je repartais propre... Puis vers le refuge Bertone, le soleil a commencé à taper. En tant que bon Breton, je ne supporte pas la chaleur. J'ai commencé à me sentir mal, je n'avais plus d'énergie, le cœur s'emballait. Puis, j'ai une tendinite au pied."

"J'ai voulu déposer les armes à Trient, mais un infirmier a dit que je pouvais poursuivre. Donc me voilà. J'ai fait une petite sieste de vingt minutes, je me restaure puis je vais repartir", souffle le Lorientais.

Des hallucinations en fin de course

Puis à ces fortes chaleurs ou ces températures "glaciales", se rajoute la fatigue extrême que beaucoup de coureurs amateurs subissent. Pour nombre d'entre eux, les heures de sommeil pendant l'épreuve se comptent sur les doigts d'une main. Tout au plus. Ce qui peut, dans certains cas, provoquer des hallucinations : "Pendant cette course, j'ai vu un rocher qui ressemblait à une vieille grand-mère avec son fichu sur le dos. Mais sur d'autres épreuves, je voyais parfois des brins d'herbe danser ou des troncs d'arbre prendre des formes de lutins. C'était plutôt sympa comme hallucination, ce n'est jamais quelque chose de terrible", sourit Nathalie, bien accompagnée par Antoine, son compagnon.

Mais le manque de sommeil peut avoir de lourdes conséquences sur la performance et la santé des coureurs. Dans un coin du barnum, Louise et Logan surveillent leur arrivée derrière leur ordinateur. Étudiants à l'université de la Côte d'Opale, ils effectuent un travail de recherches sur le sommeil et l'activité sportive lors de l'UTMB. "Ce que l'on peut déjà tirer comme conclusion, c'est que ceux qui font une sieste récupèrent et ont donc de meilleures capacités cognitives et de meilleures performances assez rapidement. Faire une sieste de 20 minutes, ce n'est pas de la perte de temps, c'est anticiper cette déficience cognitive", explique Louise.

"À l'inverse, ceux qui préfèrent ne pas dormir sont beaucoup moins lucides. Ils ne vont plus savoir s'habiller, ils ne vont plus comprendre ce qu'on leur dit exactement, ils vont essayer de boire trois fois dans un verre vide... La première nuit, ça va encore. Mais la deuxième nuit sans sommeil, personne n'est vraiment habitué à ça. C'est à ce moment-là que l'on voit des comportements de zombie. Ça peut devenir dangereux. Au ravitaillement, ce n'est pas très grave de faire tomber vingt fois ses bâtons. Mais dans la montagne, c'est autre chose", poursuit-elle.

Nathalie est loin d'en être à ce stade : "Cette nuit, je n'étais pas très fraîche. Mais là, c'est le matin, il fait beau et on est presque arrivé. Ça devrait le faire. Ça va être beaucoup d'émotions, c'est une course que je prépare depuis 12 ans. C'est un peu un rêve qui se réalise."

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