Les cristalliers, ces chasseurs de minéraux, sont parmi les premiers témoins du réchauffement climatique en montagne. Avec le recul des glaciers, ils découvrent des zones riches en cristaux inconnues jusqu’alors, mais cela rend aussi la pratique plus dangereuse.
C'est l'une des plus jolies trouvailles de Joël Leroux. "Une pièce emblématique du Mont-Blanc", dit le cristallier en tenant dans sa main un quartz à âme fumé découvert il y a quelques années au pied du glacier du Tour Noir, dans le massif du Mont-Blanc en Haute-Savoie. Ce cristal se trouvait dans un four, une cavité creusée dans une paroi rocheuse dont l'entrée est devenue visible au gré de la fonte des glaces.
"Le four était à ras la glace. Si on était venu deux jours avant, on ne l’aurait pas vu, et trois jours après, il était complètement visible. On a cassé un peu de glace et on a trouvé un four avec quelques centaines de quartz à âme", se rappelle Joël Leroux. "Un coup de chance" pour le cristallier qui s'était arrêté là par hasard pour déjeuner.
Phénomène à double tranchant
Le recul des glaciers fait apparaître de nouveaux fours, des ouvertures naturelles dans lesquelles se sont développés ces précieux minéraux pendant 15 à 30 millions d’années. Mais pour les trouver, les cristalliers doivent s’aventurer en été dans des zones accidentées, parfois difficiles d’accès. Ils sont, avec les guides, parmi les premiers témoins du réchauffement climatique en montagne.
"Il faut parler du danger. Il y a certains endroits dans lesquels il ne faut pas mettre les pieds. Il faut attendre que ça se stabilise et c'est beaucoup plus dur, beaucoup plus dangereux, insiste Joël Leroux. La montagne devient de plus en plus dangereuse. Il y a des risques de chute de pierres, d’éboulement, voire d’écroulement. Parfois, on a peur que tout le versant s’écroule."
Lui garde un souvenir frappant de l'année 2003, marquée par la canicule la plus sévère jamais enregistrée en France. "Nous, cristalliers, on s'est dit que ça allait être une année fantastique. Mais personne n'a trouvé grand-chose parce que quand on allait en montagne, c'était un tel spectacle d'écroulements, de chutes de pierres ininterrompues qu'on regardait, c'était spectaculaire, mais on osait aller nulle part", se souvient le cristallier.
"Encore de très belles découvertes" en perspective
Malgré un risque accru par le réchauffement climatique, la pratique continue d'attirer de nouveaux adeptes. "Il faut être passionné, sinon on n'y va pas. On ne risque pas sa vie si on n'a pas la passion qui nous y mène", résume Jean-Luc Baqué, lui aussi cristallier. Leurs découvertes les plus marquantes sont exposées au musée des cristaux de Chamonix.
"Une grande partie du massif n’a pas encore été explorée totalement, même s'il y a une trentaine de cristalliers très actifs en permanence sur le massif, ajoute-t-il. Comme on est des petites fourmis au milieu de cet immense massif, on peut penser qu’il y a encore de très belles découvertes qui auront lieu." Cinq-cents ans après les premières découvertes de cristaux en montagne, quartz, fluorine et hématite continuent d’enrichir chaque année la collection du musée de Chamonix.