Le lac Blanc dans la réserve naturelle des Aiguilles Rouges attire de plus en plus de touristes pour sa vue sur le massif du Mont-Blanc. Trop de touristes pour la fragilité de l'écosystème. Verbalisation, sensibilisation, interdiction de baignade : des mesures de restriction sont prises pour tenter de conserver ce joyau des Alpes.
"Je suis désolée, c'est une amende". En ce matin ensoleillé, Marion Guitteny, conservatrice de la réserve naturelle des Aiguilles Rouges, verbalise deux jeunes Allemandes venues bivouaquer face au mont Blanc, au-dessus de Chamonix, hors des horaires autorisés. Il est 9h15, les touristes ont dépassé l'heure tolérée pour les campements des randonneurs. Il leur faudra régler une amende de 68 euros.
Limitations et contrôles punitifs font partie des mesures prises pour protéger la réserve naturelle et ses lacs des risques du surtourisme. Ces joyaux alpins offrent une vue imprenable sur le massif du Mont-Blanc, avec une randonnée familiale accessible. Après une ascension en téléphérique depuis Chamonix, il faut deux heures de marche pour atteindre le Lac blanc, à 2350 m d'altitude.
Un site "non représentatif" de la fréquentation dans la vallée de Chamonix
Le site voit passer 1000 à 1500 personnes par jour en moyenne en été, selon une estimation de l'association chargée de sa conservation.
"C'est l'un des points chauds à traiter" dans la vallée de Chamonix, reconnaît Éric Fournier, le maire de cette commune du Pays du Mont-Blanc, territoire qui compte environ 13 000 habitants et 82 000 lits touristiques, avec une fréquentation estivale en hausse de 5% en 2022.
L'élu insiste cependant sur le caractère "non représentatif" du site par rapport aux autres espaces naturels de la vallée qui, selon lui, ne pâtit "pas de surfréquentation".
Beaucoup viennent au lac à la journée, mais certains préfèrent dormir sur place, en refuge ou sous tente. Cette nuit-là, une quarantaine de toiles se sont déployées autour des lacs de Chéserys, seul spot où le bivouac est toléré, en contrebas du lac Blanc.
Une centaine de tentes de bivouac le 14 juillet
"Le soir du 14 juillet, on en comptait une centaine", se souvient Marion Guitteny. Les désirs d'évasion liés à l'effet "après-covid" touchent ce site très "instagrammable".
Pour mieux "objectiver la situation", les pouvoirs publics s'emploient à trouver de nouvelles méthodes de comptage. Le flux est plus difficile à mesurer que pour d'autres "points chauds" de la vallée, comme le téléphérique de l'Aiguille du Midi ou le train de la Mer de Glace qui ont vendu respectivement 345.000 et 205.000 tickets en 2022.
En attendant, le lac Blanc bénéficie depuis cet été de nouvelles mesures de protection. Mi-juillet, France 3 Alpes avait assisté à la mise en place de cordons pour dissuader les sorties de sentier.
"Avec le temps, cela crée de nouvelles sentes et on voit rapidement qu'il n'y a plus de végétation. Avec les orages et le reste, on a vite beaucoup d'érosion", nous expliquait Capucine Pernelet, éco-garde de la réserve. Car à 2 300 mètres d'altitude, le milieu est particulièrement fragile. Il s'agit donc de préserver la végétation et la faune en réduisant le nombre de sentes.
Baignade interdite, la gardienne du refuge fait la police
Un système d'auto-déclaration du bivouac a été mis en place, les opérations de sensibilisation des promeneurs se multiplient et cet été, la baignade est interdite en juillet et août.
L'heure du déjeuner cristallise l'affluence sur le site idéal pour un pique-nique avec vue. Et malgré les grands panneaux précisant les différents interdits, le message a parfois du mal à passer. "Depuis le début de la saison, on a déjà dû crier trois ou quatre fois sur des gens en sous-vêtements, prêts à se baigner", raconte Marion Armand, la gardienne du refuge voisin.
La baignade, interdite pour des raisons de sécurité, est passible d'amende. "Je l'ai vu sur les panneaux, ça me semble normal", souligne Esther Vos, une jeune Hollandaise accompagnée de ses parents, tandis qu'un jeune échappant à la surveillance plonge dans l'eau froide du lac Blanc.
"Le fléau" des drones
Autre "fléau", les drones, interdits en réserve naturelle. En l'espace de 15 minutes, Marion Guitteny intercepte deux appareils. "Désolé, on ne savait pas", plaide un couple d'Anglais. "Les drones, on en voit de plus en plus", soupire la conservatrice qui veille à effacer les images illicites.
En prévision du prochain renouvellement du plan de gestion de la réserve naturelle, les acteurs locaux réfléchissent à d'autres mesures de régulation : renforcement des moyens humains, politique tarifaire adaptée au mode de séjour... "On ne peut pas être open bar", balaie le maire de Chamonix.
Instaurer des quotas, "un aveu d'échec"
L'édile préconise "une pédagogie beaucoup plus forte" face à un nouveau public, apparu après la crise sanitaire et moins averti sur les bons gestes en montagne. Pas question pour lui d'instaurer des quotas pour accéder aux lacs de Chamonix, à l'instar de ce qui se fait dans les calanques de Marseille ou l'île bretonne de Bréhat : "Ce serait un aveu d'échec", même si certains, dans la vallée réclament des mesures radicales pour limiter la surfréquentation.
De l'autre côté de la vallée de Chamonix, l'attractivité du massif du Mont Blanc, haut lieu de l'alpinisme et de la randonnée pédestre - avec plus de 20.000 ascensionnistes par jour - a déjà poussé les autorités à limiter les accès à ceux disposant de réservations dans les refuges, instaurant un quota de fait.