Une peine d'amende a été requise ce vendredi à l'encontre de deux responsables de BFMTV et du Parisien, ainsi que d'un consultant de la chaîne, qui comparaissaient devant le tribunal correctionnel d'Annecy pour avoir publié, il y a un an, des photos de la tuerie de Chevaline.
Le procureur de la République à Annecy, Eric Maillaud, a réclamé 10.000 euros d'amende à l'encontre de chacun des trois hommes, dont le journaliste Dominique Rizet qui avait présenté et commenté les photos incriminées, diffusées en exclusivité par BFMTV, à l'antenne.
M. Rizet, le directeur de la rédaction de BFMTV et le directeur de la publication du Parisien sont poursuivis pour atteinte à l'intégrité d'un cadavre, reproduction illicite d'une scène de crime et recel de violation du secret de l'instruction.
Alors que la défense se retranche notamment derrière la liberté d'informer, le procureur a jugé qu'en la matière, "la ligne rouge avait été franchie" en montrant des photos de la scène de crime où l'on voyait au sol le corps d'une victime, Sylvain Mollier, dont la famille a porté plainte.
"Il n'y avait là qu'un seul objectif: l'audimat, le sensationnel. Et la satisfaction de certains journalistes. C'est une histoire d'ego: regardez ce que moi seul suis capable de vous montrer", a lâché M. Maillaud, ajoutant que "le respect de la dignité humaine fait aussi partie de la déontologie professionnelle des journalistes".
Reportage d'Ariane Combes-Savary, Ingrid Pernet-Duparc et François Hubaud
Ces trois photos, montrant aussi la famille britannique al-Hilli peu de temps avant le drame, avaient été publiées en février 2014 alors qu'un éventuel suspect de la tuerie était en garde à vue.
Le jugement a été mis en délibéré au 29 mai.
Le 5 septembre 2012, Saad al-Hilli, 50 ans, ingénieur britannique d'origine irakienne, sa femme de 47 ans, et sa belle-mère de 74 ans, avaient été tués de plusieurs balles dans leur voiture, sur une petite route forestière proche de Chevaline (Haute-Savoie). Sylvain Mollier, probable victime collatérale, avait également été abattu. L'une des fillettes du couple al-Hilli avait été grièvement blessée tandis que la seconde, cachée sous les jambes de sa mère, s'en était miraculeusement sortie indemne.
L'audience s'est déroulée sans les prévenus, représentés par leurs avocats. "Aucun n'a eu le courage ou la décence de venir aujourd'hui", a dénoncé Me Caroline Blanvillain, avocate de la famille Mollier.
La défense a plaidé la relaxe en contestant toute atteinte à l'intégrité d'un cadavre, qui selon elle est forcément d'ordre physique.
Me Ader et Pierre-Randolph Dufau, avocat de BFMTV, ont ajouté qu'on ne pouvait pas identifier la victime, dont le visage avait été flouté, et qu'on ne pouvait reprocher d'avoir publié les photos sans son consentement puisqu'elle était morte - contestant ainsi la constitution de partie civile des proches.
Ils ont enfin balayé le recel de violation du secret de l'instruction au motif que l'auteur de la fuite n'a pu être identifié. Le procureur a indiqué que l'enquête sur ce point serait classée sans suite, précisant au passage que les photos publiées proviendraient d'un DVD communiqué aux nombreux enquêteurs de l'affaire, ayant servi aussi lors d'une présentation de l'affaire à la hiérarchie de la gendarmerie nationale.