L'histoire est absolument incroyable : C'est un mineur d'or du Canada qui a fait en 2016 cette sidérante découverte, une petite louve grise, conservée intacte, manifestement morte dans sa tannière il y a près de 57 000 années. Baptisée "Zhùr", elle livre ses secrets
C'est tout à fait par hasard que Neil est tombé sur la dépouille du petit animal dans les champs d'or où il se rend tous les jours. Il reconnaît avoir pensé "à un chien tombé dans un trou', mais a tout de même pris la précaution de l'installer dans une bassine, jusqu'à ce que la nouvelle se propage, intrigue, et intéresse les responsables du patrimoine du gouvernement du Yukon.
57 000 ans et quasiment intacte
Quatre ans après sa découverte dans ces champs aurifères près de Dawson, la femelle louveteau baptisée Zhùr par les autochtones et âgée de 57 000 ans partage peu à peu ses secrets avec la communauté scientifique.
« Elle est tellement complète. Elle est tellement incroyable. Elle est si intacte. Je veux dire qu’elle a même sa fourrure, tout est là », se réjouit Julie Meachen, paléontologue spécialiste des vertébrés de l’Université de Des Moines et auteur principal d’une étude publiée ce lundi 21 décembre dans la revue Current Biology..
C'est sur la page Facebook d'EyeontheArtic ( en anglais) que la journaliste Cheryl Kawaja, pour CBC North raconte cette incroyable odyssée archéologique et ..humaine
Les chercheurs ont été stupéfaits de découvrir que les organes internes de l’animal étaient même intacts.« Nous pouvons apprendre tellement plus d’un animal avec sa peau, sa fourrure et ses organes qu’avec ses seuls os. Il y a tellement de détails à son sujet. Et elle a vécu il y a 57 000 ans, je veux dire que c’est assez incroyable que nous puissions obtenir tous ces détails d’elle alors qu’elle vivait il y a si longtemps. " s'enthousiasme Julie Meachen.
Grâce à divers tests et analyses, l’équipe de chercheurs a pu déterminer que Zhùr, « loup » dans la langue autochtone des Han, n’avait que sept semaines lorsqu’elle est morte dans sa tanière.
Les tests génétiques ont également révélé "qu’elle ne s’apparentait pas aux loups que l’on trouve aujourd’hui en Amérique du Nord, mais qu’elle se rapprochait plutôt des loups de l’ère glaciaire qui parcouraient l’Europe".
" Et c’est vraiment intéressant, car cela nous dit qu’il y a eu un changement majeur de population qui s’est produit en Amérique du Nord avec les loups gris à la fin de l’ère glaciaire. " explique Grant Zazaul, paléontologue yukonnais.
Les scientifiques disent "avoir été très surpris de découvrir, grâce à des tests réalisés sur ses tissus et poils," que le dernier repas de la petite louve était constitué de saumon." Un régime alimentaire loin du bison, du caribou ou du bœuf musqué "comme s’y attendaient M. Zazaul et ses collègues.
Une cérémonie selon les rites ancestrals indiens pour son retour
Si la découverte de Zhùr touche grandement la communauté scientifique, elle est également célébrée par la Première Nation Tr’ondek Hwech’in.« Nous sommes liés à cette petite louve », confie Debbie Nagano, directrice du patrimoine de la première nation et membre du clan du loup.Peu après sa découverte initiale, Zhùr a été ramenée dans la communauté pour une cérémonie spéciale de bénédiction avec les aînés et a reçu son nom.Mme Nagano dit qu’avant de partir pour des analyses, la première nation a travaillé avec les scientifiques pour "s’assurer que Zhùr ne soit pas traitée comme un simple spécimen.
"Zhur doit aussi être respectée spirituellement"
" Ce côté est très important pour nous. Il y a un lien avec elle. Nous ne voulons pas qu’elle soit traitée comme un simple artefact. Nous voulons vraiment qu’elle puisse aussi être respectée. Pas seulement de la façon dont elle est respectée physiquement, elle doit aussi être respectée spirituellement. affirme Debbie Nagano, directrice du patrimoine de la première nation et membre du clan du loup.
Zhùr, à sa façon, a également "contribué à développer de meilleures relations entre la Première Nation et les scientifiques, ainsi qu’avec le gouvernement et la communauté minière" : « Cette jeune louve nous rassemble de manière positive, nous pouvons tous en tirer des leçons. C’est une bonne raison d’être reconnaissant », ajoute-t-elle
Aussi rare qu’elle soit, Zhùr n’est pas la seule découverte de l’ère glaciaire à être sortie du pergélisol. Les os de mammouths, de bisons et de chevaux ne sont pas rares, mais une momie complète comme la jeune louve l’est, du moins pour l’instant.
« Alors que le réchauffement climatique continue de faire dégeler le pergélisol, un point positif est que d’autres momies congelées exceptionnellement préservées seront probablement découvertes, offrant de nouvelles fenêtres sur le passé », prédit Julie Meachen.
L'occasion de se souvenir d'Ötzi, "l'homme des glaces", découvert à 3.210 mètres d'altitude par les randonneurs allemands Helmut et Erika Simon, le 19 septembre 1991, si remarquablement conservé que la police avait ouvert une enquête pour "recherche des causes de la mort".
La momie, rejetée par le glacier de Val Senales, dans les Alpes italiennes en plein recul du fait du réchauffement climatique, était vieille de plus de 5.000 ans. Aujourd'hui encore, "l'homme des glaces", reste une mine inépuisable de renseignements pour les chercheurs, qui n'ont pas encore percé tous ses secrets.