Invité de Match Retour cette semaine : Ludovic Lemoine, champion d'escrime handisport. Avec Jean-Luc Roussilhe, il évoque sa discipline et surtout la qualification en cours pour les jeux paralympiques de Rio.
Jean-Luc Roussilhe : Ce soir dans Match Retour, nous recevons un champion du monde handisport, un champion du monde d'escrime : bonsoir Ludovic Lemoine ! Vos résultats la semaine dernière en Hongrie : une médaille en équipe, une médaille en individuel. Contrat rempli, on peut le dire ?
Ludovic Lemoine : Plus que rempli ! C'est un championnat du monde, c'est bien sûr un rendez-vous majeur et c'est aussi et surtout un gros jalon sur le parcours de qualification pour les jeux paralympiques de Rio qui seront l'année prochaine. Les coefficients de points sont très importants et c'était très important de bien y figurer. Moi et mes collègues, on a fait mieux qu'y figurer. Réussir à faire des podiums, c'est quelque chose de vraiment fabuleux !
JLR : C'est vrai qu'il y a de la concurrence dans cette préparation olympique, mais les chinois qui dominent habituellement la discipline n'étaient pas là ?
LL : Ils n'étaient pas là par équipe pour une raison dont on n'a pas eu connaissance.
JLR : Stratégique ?
LL : C'est possible ! Ils ont été là en individuels et ils ont été très forts, mais dans l'épreuve par équipe, ils ne sont pas alignés. Du coup, nous on en a très bien profité avec l'équipe de France pour gagner la médaille d'or au fleuret et les collègues épéistes ont aussi remporté la médaille d'or. Ça permet à la France de revenir avec deux belles médailles d'or !
JLR :L'objectif, ce sont les JO ? On rappelle que vous avez été vice-champion olympique en 2012, c'est un bon souvenir ?Une médaille aux JO, c'est tellement bon ! C'est le graal du sportif !
LL : Évidemment, je n'arrête pas de me le repasser encore et encore, c'est tellement bon ! C'est le graal du sportif. Il n'y a pas de mots pour dire à quel point c'est vrai.
JLR : Ca change la vie, une médaille olympique, trois ans après ?
LL : Changer la vie, non parce qu'on reste quand même un sport amateur, on reste avec nos vies, nos emplois à côté... Mais ça a quand même largement contribué à me mettre plus à l'aise dans cette nouvelle olympiade avec des partenaires qui m'ont suivi, des aménagements par rapport au travail. Je me retrouve dans une situation plus sereine qu'il y a 4 ans, il faut bien le dire.
JLR : La sélection pour les jeux de Rio n'est pas encore acquise, c'est compliqué, c'est un vrai parcours du combattant ?Un escrimeur sur deux capable de faire un podium ne fera pas les jeux...
LL : Exactement. Pour donner une image, sur le circuit mondial, il y a environ 25 athlètes qui peuvent faire un podium à tout moment. Sachant qu'aux jeux de Rio, il y aura 12 places, ça veut dire qu'un escrimeur sur deux capable de faire un podium ne fera pas les jeux. Donc il faut essayer d'être du bon côté, de pouvoir défendre ses chances !
JLR : Vous parliez de la vie de tous les jours. Vous avez été amputé en 1991. On a parlé dans notre journal des problèmes d'accessibilité pour les handicapés. Vous en souffrez ?
LL : Ma chance, c'est que comme je me déplace en béquilles, je suis relativement "tout-terrain". Je peux facilement m'adapter si il y a des marches. C'est vrai que ça peut être parfois problématique. Il y a des efforts à faire, mais on sait que c'est toujours dur. A la différence de certains pays anglo-saxons, on a un patrimoine immobilier et culturel beaucoup plus riche et donc plus dur à aménager. C'est vrai que c'est toujours dommageable de ne pas avoir la pleine accessibilité, mais il faut aussi ne pas oublier qu'on a un riche héritage culturel.
JLR : On revient sur l'aspect "compétition", sur la préparation de ces jeux qui va se poursuivre avec des manches de coupe du Monde. Vous êtes toujours au club de la Rapière de Chamalières ?Mon club, c'est ma maison : je passe cinq jours par semaine à l'entraînement !
LL : C'est ma maison ! J'y passe cinq jours par semaine à l'entraînement, sans arrêt, que ce soit de l'entraînement technique avec mon maître d'arme Thierry Métais ou aussi de la préparation physique et mentale avec Benoit Heintz qui m'accompagne. Il avait commencé à me suivre sur la préparation mentale pour les jeux de Londres avec le résultat qu'on connaît donc a montré qu'on est un tandem qui marche très bien. De ce fait, on a décidé de renforcer la préparation physique puisqu'il est aussi qualifié dans ce domaine là. Les entraînements se sont largement intensifiés. Il m'a accompagné en Hongrie la semaine dernière, et vu le résultat je pense que c'était une bonne idée.
JLR : Vous êtes en fauteuil pendant la compétition, c'est vraiment du sport de haut niveau en terme de préparation !
LL : Exactement. L'escrime handisport se fait en fauteuil roulant, peu importe le degré de handicap. Après, la force des déplacements fait que ça sollicite réellement tous les muscles situés au-dessus de la ceinture, donc c'est important d'avoir une bonne condition physique pour pouvoir répondre présent si le match est vraiment accroché.