Alors que le déconfinement approche à grand pas, les salles de cinéma vont devoir patienter. Le gouvernement devrait se prononcer fin mai sur leur réouverture. En attendant, certains comme le Club, à Grenoble, proposent leurs films via une plateforme numérique.
Ce mercredi 6 mai, le président de la République Emmanuel Macron a assuré son soutien au monde de la culture. Une intervention qui fait suite à la tribune publiée dans Le Monde par de nombreux artistes, choqués qu'Edouard Philippe, dans ses interventions, ne cite pas la culture comme un secteur d'activité.
Plusieurs mesures ont ainsi été annoncées, dont l'année blanche très attendue pour les intermittents du spectacle. Côté cinéma, un fond d'indemnisation va être créé pour les tournages annulés. Concernant les salles d'accueil du public, il a redit ce que le premier Ministre avait déjà précisé, leur réouverture devrait être examinée fin mai début juin.
Pour les salles obscures rien de nouveau, donc. Il va falloir patienter et continuer à espérer une réouverture en juin.
"On fait des scénarios, des suppositions", rapporte Patrick Ortega, le directeur du cinéma d'Art et d'Essai Le Club à Grenoble. Sa salle, réputée pour sa programmation engagée, a fermé ses portes comme les autres au début du confinement.
Les semaines, les jours se sont écoulés. Au début Patrick Ortega publiait chaque jour des photos détournées de film, plutot caustiques. Puis il a décidé de participer à l'initiative de La 25e Heure. Il s'agit d'une plateforme qui donne la possibilité aux cinémas de proposer leur programmation en diffusant les films, comme dans une salle de cinéma virtuelle.
A la différence de la VOD ou du streaming, les films sont diffusés en direct.
Maintenir les débats sur les sujets de société après les séances
"Au départ on ne savait pas trop quelle attitude adopter. On a été pris de sidération, comme tout le monde", explique Patrick Ortega. "On s'est demandés quelle valeur ajoutée on pouvait apporter chez les gens. En temps normal, ce sont les rencontres que l'on organise entre le public et les équipes des films."
C'est ainsi que Le Club a commencé à proposer sa programmation via La 25e Heure, des séances suivies de débats sous forme de "chat". "Il y a le covid, mais pendant ce temps, le monde continue à tourner, avec ses injustices", poursuit Patrick Ortega,"il y a plein de sujets à aborder".
Le Club a choisi la continuité de ces débats. Des films comme "Papicha", Libre" ou "J'veux du soleil" avaient déjà été projetés au Club et avaient donné lieu à des rencontres. C'est le cas à présent aussi sur le site de La 25e Heure. La programmation du cinéma grenoblois est du reste très axée sur les documentaires.
Dans ses choix, Le Club marque son engagement. "On choisit des distributeurs particulièrement fragiles", explique Patrick Ortega, "parce qu'ils prennent des risques avec des films. Ce sont de vrais paris éditoriaux".
200 salles proposent leurs films sur le site La 25e Heure. Une cinquantaine de films est à l'affiche.
Soutenir son cinéma de quartier
Le principe de la salle virtuelle est de soutenir les salles de proximité. Lorsque vous entrez sur le site, vous choisissez votre cinéma via un système de géolocalisation, dans un rayon de quelques dizaines de kilomètres. Puis vous payez votre ticket d'entrée. L'argent est partagé entre le site internet, le distributeur du film et la salle de cinéma. Le prix d'une place pour un film proposé par Le Club est de 5 euros.
Ainsi, votre achat permet de soutenir votre salle préférée, celle où vous avez vos habitudes, votre cinéma de quartier.
"C'est une démarche très symbolique", précise Patrick Ortega, "ce ne sont pas ces recettes qui vont compenser celles que nous n'avons plus depuis le confinement". Car si l'équipe du Club (huit personnes au total) a été mise en chômage partiel, les charges, elles, courent toujours.
"La vraie aide, c'est celle que nous attendons pour la réouverture", poursuit le directeur du Club. "Il y aura une réticence au début, c'est sûr. Mais pendant le confinement, les gens se sont rendus compte qu'il fallait privilégier les producteurs locaux, la proximité. J'espère que ce sera pareil avec leur cinéma. Notre public ce sont les gens qui habitent dans le quartier."
Un "après" très incertain
Pour l'après confinement, l'avenir des petits cinémas reste incertain. Le public se précipitera-t-il dans les salles obscures avec avidité, après des semaines d'abstinence ? Ou craindra-t-il de s'enfermer dans un lieu confiné ? Difficile à dire. "On s'attend à une fréquentation proche des 35%", prédit Patrick Ortega.
Comme le cinéma le Méliès et d'autre salles alpines, Le Club redoute le syndrome de la salle vide.
"Juste avant le confinement on a commencé à mettre en place des mesures pour rassurer le public, 1 fauteuil sur 2, 1 rang sur 2", poursuit-il. "On réfléchit à l'après. J'imagine qu'il n'y aura pas plus de 2 ou 3 séances dans la journée, pour pouvoir désinfecter les salles après chaque séance. Il y a des systèmes de pulvérisation qui vont être mises en place pour assainir l'air". Les clients porteront des masques, cela semble logique. Du gel hydroalcoolique sera mis à disposition.
Reste l'espoir, car rien ne vaut le plaisir d'une séance de cinéma, de se caler dans son fauteuil, et se laisser happer par le grand écran, emporté par le gros son...
"Un bijou est magnifique dans son écrin, c'est pareil pour les films et la salle de cinéma" conclut Patrick Ortega. Qui pourrait le contredire ?