Des archives familiales de Rose Valland ont été remises ce jeudi 21 septembre au musée de la Résistance de Grenoble. Ces documents viennent éclairer le parcours de la résistante iséroise qui, par son travail d'espionnage, a permis la restitution d'œuvres d'art spoliées par les nazis pendant l’occupation.
Elle a sauvé, au péril de sa vie, des dizaines de milliers d'œuvres d'art. Et pourtant, le travail de la résistante iséroise Rose Valland est resté dans l'ombre. Attachée de conservation bénévole au musée du Jeu de paume de Paris pendant la Seconde Guerre mondiale, la jeune femme était aux premières loges des spoliations d'œuvres d'art par les nazis.
Tableaux et sculptures pillés à des familles juives déportées ou dérobés dans les collections nationales transitaient alors par ce musée avant d'être envoyés en Autriche ou en Allemagne. Rose Valland s'est alors lancée dans un vaste travail d'espionnage, consignant tous les détails des pillages dans ses carnets. Des écrits aujourd'hui indispensables à la restitution de biens culturels.
"Elle a fait ce travail sans chercher de reconnaissance. Le propre des femmes qui ont eu des actions de résistance, c'est qu'elles ont agi parce qu'elles trouvaient cela normal", remarque la directrice du musée de la Résistance de l'Isère, Alice Buffet. "Rose Valland le fait parce qu'elle voit tous ces chefs d'œuvre partir et elle se dit qu'il faut se souvenir, qu'il faut qu'il y ait une mémoire de ce qui a été pillé, spolié. C'est grâce à ce travail qu'elle fait au Jeu de paume pendant la guerre qu'elle pourra ensuite ramener en France plus de 60 000 œuvres d'art."
"Fière et passionnée"
Cette enquête hors du commun l'a menée de la propriété d'Hermann Göring, dirigeant de premier plan sous le Troisième Reich, à des mines de sel en URSS où elle a récupéré des tableaux. Rose Valland a passé dix années de sa vie en Allemagne pour retrouver la trace des œuvres spoliées. "Des péripéties de film", sourit sa petite cousine, Christine Vernay, résolue à faire vivre la mémoire de la résistante. Elle a remis, jeudi 21 septembre, des archives familiales, dessins d'études et photos d'époque de Rose Valland, au musée de la Résistance de Grenoble.
Elle n'avait peur de rien, dès le départ.
Christine Vernay, petite cousine de Rose Vallandà France 3 Alpes
De sa grand-tante, Christine Vernay conserve quelques souvenirs d'enfance. L'image d'une femme "fière et passionnée", résolument moderne, au "fort caractère". "Elle n'avait peur de rien, dès le départ", se rappelle-t-elle. Issue d'une famille modeste de Saint-Etienne-de-Saint-Geoirs, en Isère, rien ne destinait Rose Valland à gravir les échelons dans le milieu de la culture, alors très masculin.
Fille de maréchal-ferrant, issue d'une famille modeste, elle intègre l'école normale d'institutrice de Grenoble avant de se tourner vers les arts plastiques, l'Ecole des Beaux-Arts de Lyon puis celle du Louvre à Paris. "Elle avait ce talent de l'art", décrit Alice Buffet, évoquant les dessins d'études de la jeune femme, natures mortes et nus artistiques.
Un parcours dans l'ombre
"Elle avait déjà cette volonté de réussir et de faire mieux. Aller de l'avant", insiste Christine Vernay. "Elle a assumé tous ses choix à une époque où ce n'était pas du tout admis. Elle passait outre et elle a vécu sa vie comme elle le souhaitait, ce qui est aussi une forme de courage exceptionnel", ajoute-t-elle, mentionnant sa vie partagée avec une autre femme.
Enterrée dans son village natal en 1980, Rose Valland a peu connu la lumière de son vivant. Récipiendaire de la Légion d'honneur et de la médaille de la Résistance, elle est davantage reconnue à l'étranger où elle a été décorée. "Elle n'a pas été récompensée à la juste valeur de ses qualités, mais elle était très fière d'être là où elle était", assure sa petite-cousine.
Les archives qui jalonnent le parcours extraordinaire de Rose Valland permettront de documenter un parcours de vie consacré à l'art. Un espace lui sera dédié dans le futur musée de la Résistance qui s'installera dans l'ancien palais de justice de Grenoble, pas avant 2026.