Il a 10 ans, Malik Boutvillain, Echirollois de 32 ans, se volatilisait lors d'un footing. Depuis, sa famille se démène inlassablement pour élucider sa disparition. Mercredi, une fresque représentant le regard de Malik a été inaugurée dans son quartier.
A l'entrée du quartier qui l'a vu grandir, son immense regard rappelle la plaie béante laissée par son absence. C'était le 6 mai 2012 à Echirolles (Isère). Malik Boutvillain, 32 ans, partait faire un footing lorsqu'il a disparu sans laisser de traces. Le début d'un long combat mené par ses proches pour connaître la vérité.
"Je voulais marquer le coup pour les dix ans de la disparition de Malik. Je voulais qu'on parle de lui et surtout, qu'on ne l'oublie pas", témoigne la sœur du disparu, Dalila Boutvillain, devant l'immense fresque inaugurée jeudi 5 mai.
Celle qui, depuis dix ans, se bat pour que l'affaire ne tombe pas dans l'oubli souhaite que le dossier rejoigne le pôle judiciaire des "cold cases" créé à Nanterre fin février. Au moins 240 dossiers de crimes en série ou non élucidés sont déjà étudiés par les magistrats de cette juridiction nationale.
"Même s'ils ne le traitent pas tout de suite, parce que je sais qu'il y en a plein d'autres avant, ce n'est pas grave. Au moins, il ne sera pas oublié sous une pile de dossiers à Grenoble", souhaite-t-elle.
C'est un artiste du Grenoble street art festival, Killah-one, qui a réalisé la fresque. De Grenoble-Alpes métropole à la ville d'Echirolles, le projet a toute de suite fait l'unanimité. A travers Malik, c'est le deuil impossible de nombreuses familles de personnes disparues qui s'exprime. Quelque 10 000 affaires similaires sont recensées chaque année en France.
"Il nous semblait naturel d'être à leurs côtés, de faire de cette fresque un moment de recueillement, de soutien à la famille. Il faut faire en sorte que le souvenir de Malik ne s'efface pas, que le combat mené par cette famille en matière de justice puisse aboutir", témoigne le maire (PC) d'Echirolles, Renzo Sulli.
"C'est inhumain"
Avec la réalisation de cette œuvre, la famille espère interpeller une justice souvent décriée pour être peu réceptive sur ces cas de disparitions inexpliquées. L'affaire Malik Boutvillain en est le condensé. Le soir même de la disparition de son frère, Dalila se rendait à la police qui lui disait d'attendre 48 heures. Jour férié, personne n'est disponible pour prendre sa déposition, la famille doit encore patienter et commence elle-même son enquête.
L'affaire est classée sans suite deux ans plus tard avant sa réouverture, en 2018, à la lumière de l'affaire Nordahl Lelandais. La disparition de Malik Boutvillain a été réexaminée par les enquêteurs de la cellule Ariane afin d'établir un éventuel lien avec l'ancien militaire. Cette piste a finalement été écartée sans que la famille en ait été informée.
"Quand un juge clôture une affaire sans recevoir la famille pour expliquer ses raisons, c'est inhumain, estime Me Bernard Boulloud, l'avocat de la famille Boutvillain. La justice a oublié, dans ces affaires, de mettre de l'humain dans les rouages."
La famille redoute que l'enquête sur la disparition de Malik Boutvillain s'oriente vers un non-lieu. Si tel était le cas, le dossier ne pourrait jamais être traité par le pôle judiciaire dédié aux "cold cases". "Si le non-lieu est prononcé, nous ferons appel", affirme Me Boulloud. "Tant que le dossier n'y est pas, promet Dalila Boutvillain, je ne lâcherai rien."