Site emblématique des JO de Grenoble en 1968, le tremplin de saut à ski de Saint-Nizier-du-Moucherotte (Isère) est à l'abandon depuis des décennies. Un avocat grenoblois porte un projet visant à lui donner une nouvelle vie pour en faire un lieu culturel.
La gigantesque cathédrale de béton, surplombant Grenoble depuis le massif du Vercors, semble plongée dans un long sommeil depuis plus de 30 ans. Grignoté par la verdure et usé par le temps, le tremplin de saut à ski de Saint-Nizier-du-Moucherotte (Isère) est en danger.
"Il se dégrade et c'est vraiment le moment d'intervenir. C'est peut-être l'une des dernières chances de le conserver intact. C'est une année olympique, on parle beaucoup de bâtiments durables et de Jeux durables. Cela serait le symbole que c'est faisable", estime Jean-Pierre Quentin, membre de l'association d'habitants Mémoire saint-nizarde.
Infrastructure phare des JO de Grenoble
L'avocat grenoblois Arnaud Dollet, passionné d'architecture et "fan de béton", a découvert le site il y a trois ans. Tombé amoureux de la structure inspirée de l'univers du Corbusier, il s'est mis en tête de la restaurer.
"Je ne connaissais pas ce lieu jusqu'en mars 2021. Comme aujourd'hui, il y avait un peu de neige et quand j'ai vu ces bâtiments, je suis tombé en arrêt. (...) Je trouve que le lieu est complètement exceptionnel", décrit le porteur du projet, s'étonnant "qu'on ne puisse pas mettre en valeur ce patrimoine."
Infrastructure iconique des Jeux olympiques de Grenoble, le tremplin de saut à ski a connu son heure de gloire en 1968. Les images de sportifs semblant s’envoler au-dessus de Grenoble ont fait le tour du monde pour les premières olympiades de l'histoire diffusées en couleur à la télévision devant quelque 5 millions de téléspectateurs.
Mais une fois les JO achevés, le tremplin de 90 mètres n'a presque plus jamais servi, perdant son homologation en 1990. L'infrastructure a été utilisée comme décor pour quelques événements, comme le saut à moto du cascadeur Alain Prieur qui y a battu le record du monde en 1988 devant près de 8 000 spectateurs.
Un site d'art et d'architecture
Malgré les nombreux projets de réhabilitation - plus ou moins réalistes - proposés depuis plusieurs décennies, aucun n’a jamais abouti. Celui d'Arnaud Dollet, qui pourrait être retenu cette année par la Fondation du patrimoine, apparaît solide. Il rêve notamment d'y ouvrir un musée sur l'histoire des Jeux olympiques de Grenoble et une galerie d’art à ciel ouvert "pour rendre aux gens ce qu'est ce lieu, sa valeur architecturale".
"À l'époque, il y avait déjà cette connivence entre l'art et l'architecture", remarque l'avocat, évoquant la collaboration entre l'architecte du tremplin Pierre Dalloz et sa femme Henriette Gröll, artiste peintre. "J'ai envie de restituer et de mettre en avant l'art et l'architecture, restaurer les bâtiments et leur donner une vocation de découverte artistique, de promenade, de valorisation", résume-t-il, accoudé à une rambarde de la tour des juges où il envisage d'ouvrir un bistrot de gastronomie locale.
Il est très dommage que les gens n'aient pas un lieu pour découvrir ou redécouvrir ce patrimoine olympique, cette culture, notamment le jeune public. C'est quelque chose qu'on leur doit et qu'on doit à l'histoire.
Arnaud Dollet, avocat et porteur de projet pour le tremplin de saut à ski
La mairie de Saint-Nizier-du-Moucherotte, propriétaire du site, soutient le projet mais n’a pas les moyens de le financer. "Dès qu'on parle de projet de réhabilitation, dès qu'on dit qu'il peut y avoir une petite lumière pour réhabiliter le site et lui faire retrouver son éclat, les yeux pétillent. On a envie d'y croire, même s'il faut rester très prudents. Nous sommes bien conscients que la réhabilitation d'un tel site de 12 hectares se chiffre en millions d'euros", souligne le maire (SE), Franck Girard.
Pour donner vie à son projet, l’avocat est en train de monter un dossier dans l'espoir d'obtenir des subventions des collectivités locales et de l'Etat. "Des pistes, il y en a beaucoup. Une fois que le projet sera mûr, je pense qu'on devrait réunir les fonds qui nous sont indispensables à sa réalisation", espère Arnaud Dollet qui aspire plus que jamais à rendre de sa superbe à ce monument, pierre angulaire de l’histoire des Jeux olympiques de Grenoble.