Établissement bloqué, étudiants interdits d'accès : pourquoi Sciences Po Grenoble se retrouve dans la tourmente

Depuis le lundi 19 février, des étudiants de l'Institut d'Études politiques de Grenoble bloquent leur établissement pour protester contre la délégation des services d'entretien à une entreprise privée. Après un vote en assemblée générale, les étudiants ont décidé de poursuivre le mouvement, au moins jusqu'au 23 février.

Devant l'entrée de Sciences Po Grenoble, ce 22 février, quelques étudiants affrontent la pluie pour affirmer leur présence sur le parvis de l'établissement. Depuis lundi 19 février, ils bloquent l'Institut d'Études politiques (IEP). Une décision votée à une très large majorité par une centaine d'étudiants réunis en assemblée générale. Dans leur ligne de mire, la privatisation des services d'entretien de l'IEP à une entreprise privée extérieure. Trois salariés seraient concernés par ce changement.

Établir un "rapport de force"

La décision de blocage a été renouvelée ce jeudi 22 février, au moins jusqu'au lendemain. "Pour nous, la mobilisation est réussie. Elle s'est déroulée dans le calme, nous avons pu parler aux étudiants de ce qui est un projet politique de la direction", affirme sans détours Maël Mesplou, membre du syndicat OURSE (Organisation universitaire pour la représentation syndicale étudiante) à Sciences Po Grenoble.

Selon les étudiants rencontrés, la direction de Sciences Po Grenoble aurait annoncé ce projet d'externalisation en avril 2023. Mais c'est seulement en décembre 2023 que la situation aurait vraiment évolué, avec la convocation en urgence du Comité social d'administration.

Le 30 janvier dernier, la question de l'externalisation des services d'entretien a ensuite été soumise au vote consultatif de cette instance de dialogue social. Résultat : deux voix pour, deux voix contre et une abstention. Dans un document transmis à tous les personnels de l'IEP,  la liste CGT-FSU-SUD demande à connaître "le coût réel de la prestation prévue – en incluant les frais de gestion du prestataire, et le coût actuel du service nettoyage." Ils pointent aussi l'ajout de "plusieurs strates de difficultés", et une "dégradation des conditions de travail pour les agents qui passent vers des services externalisés". Selon la direction de Sciences Po Grenoble, cette externalisation représenterait "le même coût financier pour l’établissement."

"Le CSA a été convoqué en urgence. Aucune expertise n'a été réalisée sur le sujet. La direction porte un projet qui n'est pas abouti et qui n'a pas de calendrier", assène Maël Mesplou. L'étudiant en master 2 Transition écologique ne mâche pas ses mots : "C'est une casse du service public, une dégradation des relations dans l'établissement. Privatiser, c'est précariser."

Privatiser, c'est précariser.

Maël Mesplou

Membre du syndicat étudiant OURSE

Selon lui, le choix de l'externalisation n'aurait que des conséquences négatives pour les trois agents d'entretien concernés, tous en CDD : "Ils ont des conditions de travail confortables au regard de leur secteur : à temps plein, sans travail de nuit, sur un seul site et sans interruption dans leur journée. Mais ils sont aujourd'hui dans une situation de détresse. C'est un choix politique, le ménage ne semble pas mériter d'avoir des salariés en CDI." Dans un communiqué, le syndicat étudiant OURSE précise que "leurs contrats ne sont pas appelés à se renouveler au-delà de la durée du marché public (1 an)."

La direction de l'IEP déclare que "des clauses sociales et environnementales approfondies" ont été incluses et que "les agents sont actuellement en CDD de droit public, lesquels sont limités à un an en fonction de différents facteurs, notamment réglementaires et budgétaires. Les supports de postes sont en effet octroyés par le ministère chaque année. L'article L.1224-3-1 du Code du travail impose leur reprise par la société privée pour la même durée que le marché public qui est d'un an renouvelable une fois et a minima dans les mêmes conditions de rémunération." Elle ajoute avoir demandé "à ce que les personnels soient repris si possible en CDI pour leur garantir une stabilité de l’emploi et renforcer leurs perspectives de carrière, par exemple pour devenir chef d'équipe."

Trois étudiants interdits de paraître dans l'établissement

Selon Maël Mesplou, la direction "empêche la liberté d'expression, d'affichage et de tractage. On veut nous empêcher de dire les choses." L'étudiant en cinquième année est une des trois personnes à avoir reçu un courrier leur signifiant l'interdiction d'accéder à l'établissement pendant trente jours. Maël Mesplou se dit prêt à déposer un recours auprès du tribunal administratif "contre une décision arbitraire, totalement scandaleuse".

Contactée, la direction de l'IEP "dénonce les fausses informations qui sont relayées, appelle à une fin immédiate du blocage et reste ouverte au dialogue." Elle explique "qu'il ne s'agit pas d'une sanction mais d'une mesure provisoire au regard du trouble causé aux 2 000 étudiants de l'établissement et des dégradations du mobilier de l'établissement qui ont été recensées à cause du blocage."

Elle précise également que "cette mesure a été prise dans le strict respect des dispositions du code de l'Éducation (article R.712-8) qui prévoit que la mise en œuvre du contradictoire n'est pas nécessaire tant que des poursuites disciplinaires n'ont pas été engagées, ce que la Direction envisage sérieusement au regard de la gravité des dommages causés."

La direction de l'IEP dénonce les fausses informations qui sont relayées, appelle à une fin immédiate du blocage et reste ouverte au dialogue.

Direction de l'IEP de Grenoble

Communiqué

Dans un communiqué, les syndicats FERC Sup-CGT et SUD Éducation de l’IEP de Grenoble et de l’Université Grenoble-Alpes expriment leur "indignation" et dénoncent "des sanctions 'pour l’exemple' qui ont toujours été antagoniques avec les principes de bon fonctionnement des institutions démocratiques."

Les étudiants, eux, appellent à poursuivre la mobilisation. Une nouvelle assemblée générale sera organisée le 4 mars prochain, après la semaine de vacances scolaires, pour décider de la suite à donner au mouvement.

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