Il n'a pas encore officialisé sa candidature, mais son retour dans le débat public ne laisse aucun doute : Alain Carignon briguera un nouveau mandat à Grenoble lors des prochaines élections municipales, son "dernier combat" politique.
Voici deux mois que l'ex-ministre RPR des gouvernements Chirac (1986-88) et Balladur (1993-94), condamné en 1996 pour corruption et emprisonné durant vingt-neuf mois, a commencé à faire campagne, épaulé par une équipe d'anonymes de la société civile.
Une campagne d'affichage ciblant le bilan du maire écologiste Éric Piolle a fleuri dans les rues à l'initiative de son mouvement, baptisé "La société civile avec les citoyens".
À 69 ans, Alain Carignon explique à l'AFP n'avoir "plus rien à perdre" après avoir "tout connu" depuis 1983, date de sa victoire inattendue à Grenoble - qu'il dirigea jusqu'en 1995 - aux dépens de l'emblématique maire socialiste Hubert Dubedout.
Un succès qui a propulsé ce "gaulliste d'une droite ouverte" sur la voie royale d'un destin national. Mais qui l'a également mené du côté obscur du pouvoir, où il a goûté au pire des châtiments infligés à un homme politique: l'inéligibilité.
"Ma force, c'est que je n'ai plus à préparer mon avenir, mais à m'investir avec une idée de transmission. Cette élection sera mon dernier combat", confie ce proche de Nicolas Sarkozy, qui lui a manifesté son soutien en 2002 à la fin de sa traversée du désert.
"J'ai cherché quelqu'un pour reprendre le flambeau, en vain. Je (...) possède le réseau nécessaire pour endosser la fonction. J'ai passé les derniers mois à mûrir mon projet", détaille-t-il.
"Montrer patte blanche"
Dans les rues de Grenoble, personne n'a oublié les péripéties judiciaires de celui qui dirigea également le conseil départemental de l'Isère (1985-97), tout en endossant successivement le costume de député européen (1984-86) et de député de l'Isère (1986-93).
À commencer par ses opposants historiques, qui s'appliquent à rappeler aux Grenoblois ses démêlées avec la justice ou les "dégâts profonds" causés par les deux mandats de ce "papy corrompu", comme ils le surnomment.
Mais cela ne déstabilise pas l'intéressé, qui "assume" quand ses soutiens n'hésitent pas à présenter cette période trouble comme un "atout".
"Il a purgé sa peine, a été réhabilité et a appris de cet épisode. Il en a fait une force. Il est en train de regagner sa crédibilité", estime Frédéric Tosques, un responsable de sécurité informatique qui a rallié son mouvement lancé en juin.
"À ces tartuffes de la morale qui n'ont que ma condamnation à la bouche, je réponds que j'ai conscience d'avoir commis des fautes et qu'il était mon devoir d'en tirer des conséquences: celles d'être plus rigoureux et de m'entourer de gens rigoureux", abonde Alain Carignon.
"Je suis passé au scanner complet de la justice et ne peux davantage montrer patte blanche. Je sais que je vais être plus attaqué et surveillé qu'un autre. J'ai décidé d'être authentique. La meilleure façon de me protéger, c'est de suivre mes convictions".
Autre poids à supporter pour le futur candidat: l'échec de ses précédentes tentatives pour revenir sur le devant de la scène, depuis son élection contestée à la tête de la fédération UMP de l'Isère, en 2003.
En 2007, il est battu au second tour des élections législatives par la future ministre de François Hollande Geneviève Fioraso. Sept ans plus tard, c'est Matthieu Chamussy, son principal opposant local à droite, qui est choisi comme tête de liste par l'UMP pour les municipales, tandis qu'il est rétrogradé à la 9e place.
À seize mois du scrutin, Alain Carignon assure qu'il a une carte à jouer. Reste à savoir s'il la mènera avec le soutien des Républicains, sa famille politique en qui il a une "confiance totale". En coulisses, il se murmure que le patron du parti Laurent Wauquiez lui préfèrerait le sénateur Michel Savin.
Mi-novembre, deux comités de circonscriptions de la fédération iséroise LR ont apporté leur soutien à la liste de l'ancien édile. "Si je ne devais pas être investi, je tracerai mon chemin seul, sans esprit de revanche", balaye Alain Carignon.