Après des signalements portant sur des violences sexuelles, le député isérois Hugo Prevost a été exclu du groupe LFI à l’Assemblée nationale. Dans le milieu syndical étudiant de Grenoble, dans lequel il a débuté sa carrière politique, les langues se délient. D’anciens camarades parlent de méthodes de "management toxique" et de "harcèlement moral" sur des militants.
Depuis que La France Insoumise a exclu le député de l'Isère Hugo Prevost de ses rangs, c’est la grande agitation au sein des organisations étudiantes grenobloises. Car c’est dans cette communauté militante que le député isérois de 25 ans a fait ses armes en politique, avant de grimper les échelons nationaux du syndicat Union étudiante.
Dans un communiqué diffusé en parallèle de son exclusion, l’Union étudiante explique avoir recueilli des témoignages faisant état de "faits de harcèlement moral et sexuel, de schémas de prédation, de faits graves pénalement répréhensibles à caractère sexuel". L'organisation parle également d'un comportement "violent" de la part d’Hugo Prevost au sein du syndicat, dans le but de "maintenir sa position" et les "pouvoirs qui y sont associés".
Communiqué : Les agresseurs n'ont pas leur place dans nos orgas
— L’Union Étudiante (@unionetudiante_) October 8, 2024
Nos orgas ne sont pas imperméables au patriarcat, nous nous devons de nous prémunir à tous les niveaux contre la survenance des VSS. Nous nous tenons aux côtés des victimes de violences et leur disons notre soutien. pic.twitter.com/fH8pRnB0IP
"C'était de notoriété publique"
"J’avais connaissance de faits de harcèlement moral et sexiste. C’était de notoriété publique", confesse Pauline*, une militante de l’Unef (Union nationale des étudiants de France) qui a côtoyé Hugo Prevost entre 2017 et 2019, avant que ce dernier ne co-fonde l’Union étudiante.
Cette dernière assure n’avoir pas eu connaissance de faits de violences sexuelles, mais parle d’un "management très offensif". "Il mettait énormément de pression sur les militants, surtout les femmes d’ailleurs, à l’approche des élections. C’était des appels à 23 heures, des pressions pour s’investir à 100 %. Il était connu pour essorer les militants pendant les élections et les jeter ensuite", raconte la jeune femme.
"Il menait un management toxique, c’est quelque chose de connu depuis longtemps, confirme Lucie, membre du syndicat Solidaires étudiant.e.s Grenoble. En période d’élections, on a déjà vu des étudiantes arriver en larmes à un tractage car elles étaient en retard et avaient peur de se faire engueuler".
"Des combustibles à cramer"
Des témoignages qui corroborent les faits relatés par l’Union étudiante. "Par sa position hiérarchique, Hugo Prevost a théorisé le fait de pousser les militants jusqu’à l’usure en les considérant comme un combustible à cramer", peut-on lire dans le communiqué du syndicat.
Tous les militants syndicaux contactés pour cet article ont affirmé avoir eu connaissance de ces pratiques managériales "toxiques". Mais aucun n’a entendu parler de faits de violences sexuelles dont est accusé le jeune député isérois. "Aucun des faits, à notre connaissance, n'a eu lieu à Grenoble", a déclaré sur France Bleu Isère la présidente de l’Union étudiante à Grenoble, Camille Pagiras.
Une remise en question
Depuis la révélation de l’affaire, les organisations syndicales étudiantes s’interrogent : comment éviter que des comportements similaires se reproduisent ? De son côté, l’Union étudiante annonce vouloir mettre en place un plan d’action, avec une réforme de sa cellule de lutte contre les violences sexistes et sexuelles, la multiplication de formations sur le consentement ou encore l’instauration de réunions non-mixtes pour faciliter la parole des femmes et des minorités.
"Je trouve ça très hypocrite, lâche Pauline. Ils savaient mais personne n’a rien dit tant que des voix ne s’élevaient pas. Au final, tout ce qu’ils proposent, c’est des changements de procédure. Alors que c’est un problème de projet de société, de mode d’organisation".
"Ce n’est pas la première fois que ça arrive dans une organisation étudiante, que ce soit à l’Union étudiante ou à l’Unef, reconnaît Léonce Doulat, secrétaire de l’Unef Grenoble. Quand la volonté de gagner des élections et des sièges prend le pas sur les revendications féministes, le risque de basculer sur des rapports de domination est grand. La preuve, Hugo a eu des formations de prévention aux violences sexistes et ça n’a rien changé".
Pour Lucie, cette affaire "appelle à une prise de conscience structurelle du syndicalisme étudiant". "Tout le monde doit se poser des questions, aucune organisation n’est à l’abri de ça. Par contre, il ne faut pas se cacher et il faut trouver des solutions, déclare-t-elle. Nous, chez Solidaires étudiant.e.s Grenoble, on fait des réunions non-mixtes pour que les personnes qui vivent une oppression aient la parole et n’aient pas la pression de la hiérarchie".
Depuis la révélation de l’affaire et son exclusion de La France Insoumise, Hugo Prevost et son équipe restent injoignables.
* Le prénom a été modifié à la demande de l'intéressée.