Ce jeudi 2 novembre débute devant les Assises de l'Isère le procès pour homicide volontaire d'un homme de 81 ans. L'accusé s'est exprimé ce matin, des sanglots dans la voix. Il a expliqué qu'il "n'avait plus de courage", qu'il ne supportait plus la dégradation de l'état de santé de son épouse.
Ce matin Hubert Ougier a pris la parole. Des sanglots dans la voix, il a plusieurs fois répété qu'il ne comprenait pas ce qui s'était passé ce jour-là. Il se souvient qu'il n'avait plus de solution, plus de courage...
La veille il était allé voir une assistante sociale avec son fils, pour tenter de mettre en place un système d'aide. Jusqu'alors sa femme refusait toute intervention extérieure. A la suite de cette rencontre, elle s'était montrée très énervée.
Durant la nuit il n'avait pas trouvé le sommeil. Le lendemain il n'avait dit-il, pas l'intention de la tuer, il voulait juste "que cela cesse". Il n'a cessé de répéter "qu'il s'en voulait", "qu'il aurait dû continuer à prendre soin d'elle".
Dans l'après-midi, le tribunal est revenu sur la rencontre des époux Ougier. Là encore, l'accusé n'a pu retenir ses larmes venir lorsqu'il a évoqué "une femme parfaite". Dactylo dans un cabinet de notaire, "c'était une travailleuse" a-t-il dit, "elle a tout quitté pour moi".
C'est à la retraite, à 60 ans, que les ennuis de santé étaient arrivés. Des problèmes de hanche, une opération, et puis ces dernières années, la maladie d'alzheimer qui l'avait changée, la rendant tyrannique, colérique...
Peu avant le drame, elle ne parvenait plus à se laver seule, et avait des difficultés à monter et descendre les escaliers. Il avait envisagé de déménager, mais elle ne voulait pas en entendre parler.
Tous les jours elle voulait sortir, tous les jours il l'amenait au parc à côté de chez eux.
Un geste de désespoir?
Le 29 octobre 2015, Hubert Ougier avait étouffé sa femme avec un traversin, avant de s'ouvrir les veines et la gorge. Il avait été découvert dans sa baignoire. Entendu le lendemain à l'hôpital, il avait expliqué que son épouse, atteinte de la maladie d'Alzheimer et handicapée depuis plusieurs années, était devenue complètement dépendante de lui et qu'il n'arrivait plus à gérer le quotidien.
Dix jours avant les faits, l'accusé a raconté avoir vu son psychiatre pour baisser son traitement, car lui souffrait de dépression. Devant la cour d'Assises, il a confié avoir souvent pensé à se jeter d'une falaise avec son épouse...
La solitude des aidants
Le procès qui s'ouvre aujourd'hui met au jour un problème de société, celui de la prise en charge de la maladie, celui aussi de la solitude et de la détresse des familles, des conjoints confrontés à la souffrance de leur proche.
On les appelle les aidants. Ces hommes et ces femmes au chevet d'un parent malade. Dans le cas de la maladie d'alzheimer, ils sont nombreux.
On estime à 900.000 le nombre de malades d'alzheimer en France. C'est le pays qui compte le plus de cas au monde. D'après l'OMS, les chiffres devraient doubler voire tripler d'ici 2050, avec le vieillissement des populations.
Les débats devraient tourner autour de la notion d'abolition ou d'altération au moment des faits. Le tribunal a évoqué le grand âge de l'accusé et son isolement social.
Jugé pour homicide volontaire sur conjoint, il encourt la réclusion criminelle à perpétuité.
Reportage Isabelle Guyader, Florine Ebbhah et Pierre Maillard: