Sciences : un chercheur grenoblois a étudié l'impact de la fonte des glaces sur l'élévation du niveau des mers

La fonte de la calotte glaciaire de l'Antarctique pourrait faire monter le niveau des mers de 30 centimètres. C’est le résultat d’une étude menée par des scientifiques de 13 pays différents. Nicolas Jourdain, chercheur grenoblois, nous en explique les causes et les conséquences.

La fonte de la calotte glaciaire de l’Antarctique et du Groenland pourrait contribuer significativement à l’élévation du niveau des mers, respectivement jusqu’à 14 et 30 centimètres. C’est le résultat d’une étude menée conjointement par des glaciologues, des océanographes et des climatologues de 13 pays, dont des chercheurs de l’Institut des géosciences de l’environnement (IGE), un des laboratoires de l'Observatoire des Sciences de l'Univers de Grenoble.

"Des chercheurs participent à un effort international", tweete l'institut des géosciences de l'environnement :


Nicolas Jourdain, chercheur à l’IGE répond à nos questions.


Qu’y a-t-il de nouveau dans cette étude ?

Jusqu’à présent, les projections concernant la contribution des calottes glaciaires à l’élévation du niveau de la mer prenaient mal en compte les effets de l’atmosphère et de l’océan. Là, pour la première fois, on a mis ensemble des glaciologues, des océanographes et des climatologues pour essayer de faire de meilleures projections.
 

Est-ce que les constats sont les mêmes au nord et au sud ?

Non. Au niveau de l’Antarctique, c’est surtout du côté de l’océan que la calotte va perdre de la masse. Ce sont les parties flottantes de la calotte - qui jouent le rôle de bouchon et qui empêchent la glace de s’écouler - qui vont être très fortement affectées par le réchauffement de l’océan. Si ces plateformes flottantes sont affaiblies, tout l’écoulement en amont va s’accélérer donc ça va contribuer à l’élévation du niveau des mers. Le Groenland, lui, est surtout affecté par la fonte estivale lié au réchauffement de l’air.

Les explications en image avec cette vidéo de Tipping Points in Antarctic Climate Components (TIPPACS) :
©TIPACCs
 

Et les projections sont assez alarmantes. Vous parlez de 30 centimètres…

Trente centimètres, c’est uniquement la contribution, la plus pessimiste*[cf encadré], de l’Antarctique. A cela, il faut ajouter la contribution du Groenland, des glaciers de montagne et puis la dilatation thermique de l’océan quand il se réchauffe. En ajoutant tout ça, on peut arriver à des prévisions de l’ordre du mètre à la fin du siècle. Et c’est assez important puisqu’il y a plus de 200 millions de personnes dans le monde qui vivent à une altitude de moins d’un mètre au-dessus du niveau des mers, notamment des grandes villes, situées par exemple près des embouchures asiatiques. Ces villes pourraient être très fortement affectées par cette augmentation.
 

A quoi vont servir vos travaux ?

Ce qui est très important, c’est que les personnes qui doivent anticiper ce qu’il va se passer dans les 50 prochaines années connaissent le pire des scénarios pour pouvoir construire des digues et adapter l’urbanisme afin de faire face à la montée du niveau des mers. Et il va falloir comprendre s’il faut construire une digue de deux mètres, de quatre mètres, etc.
 

(*) L'Antarctique pourrait à l’inverse accumuler plus de neige que les volumes perdus par la fonte des glaces
 
Si la calotte glaciaire de l’Antarctique pourrait contribuer jusqu’à 30 centimètres à la hausse du niveau marin de 2015 à 2100, elle pourrait à l’inverse accumuler plus de neige que les volumes perdus par la fonte des glaces, compensant ainsi en partie (au mieux de 7,8 cm) l’élévation globale des océans. Pourquoi la fourchette est-elle si large ?

La calotte antarctique s’écoule du centre de l’antarctique jusqu’aux régions océaniques. En arrivant au bord de l’océan, en raison des très basses températures, la glace ne fond pas directement : elle continue à s'écouler en flottant sur l’océan, parfois sur plusieurs centaines de kilomètres. Ces plateformes retiennent l’écoulement du reste de la calotte. Si ces parties-là sont affaiblies ou pire, disparaissent, tout l’écoulement en amont s’accélère et cela contribue à l’élévation du niveau des mers.

La problématique actuelle des scientifiques est la taille de ces plateformes (elles peuvent faire la taille d’un pays comme l’Allemagne et mesurent plusieurs centaines de mètres d’épaisseur). Il est donc très difficile d’aller en-dessous pour effectuer des mesures. L’une des seules choses qu’il est possible de faire à l’heure actuelle est d’envoyer des sous-marins autonomes en-dessous de ces zones pour prendre des mesures. Comme les scientifiques ne peuvent bénéficier que de peu d’observations, ils sont difficilement en mesure de prédire le futur de la fonte de façon précise. 

Ainsi, il est difficile de savoir quel phénomène va dominer : celui de l’accumulation de neige due au réchauffement de l’air (plus l’air est chaud, plus il y a d’humidité) ou celui de la fonte des glaciers.

Pour améliorer ces estimations, les scientifiques espèrent voir éclore une nouvelle génération de modèles de climat qui intègreraient directement les calottes polaires, en plus du reste de la cryosphère, de l’atmosphère, de l’océan et de la bio-géochimie.
 
L'actualité "Culture" vous intéresse ? Continuez votre exploration et découvrez d'autres thématiques dans notre newsletter quotidienne.
Tous les jours, recevez l’actualité de votre région par newsletter.
choisir une région
Auvergne-Rhône-Alpes
France Télévisions utilise votre adresse e-mail pour vous envoyer la newsletter de votre région. Vous pouvez vous désabonner à tout moment via le lien en bas de ces newsletters. Notre politique de confidentialité