Témoignage. "On nous pousse à la démission" : Fatima, femme de ménage en grève, pour la première fois en 25 ans de carrière

Publié le Écrit par Joane Mériot et Jean-Christophe Pain
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À Grenoble, des femmes de ménage sont en grève depuis le 23 février dernier. Une première pour la plupart d’entre elles. Elles protestent contre des mutations qu’elles jugent forcées. Fatima, femme de ménage depuis 25 ans, fait partie des grévistes, elle a accepté de nous raconter son quotidien et les difficultés de ce travail de l’ombre.

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Les rues sont vides, le jour peine à se lever. Il est 4 h du matin dans la banlieue grenobloise, Fatima se réveille. Elle se prépare un café noir, car une grosse journée l’attend : cinq ménages dans des entreprises différentes vont l’occuper jusqu’au soir. Son quotidien depuis 25 ans et pour seulement 1 500 euros par mois."Je commence à 5 heures, la plupart du temps je termine à 21 heures. Je fais des remplacements, ce n’est pas facile. Surtout le matin quand on sort comme ça pendant la nuit, ça fait un peu peur. Ma vie est très réglée, je ne peux pas me permettre de louper le travail, même quand je suis malade, j’y vais sinon je perds de l’argent."

"C’est grâce au ménage que j’ai pu élever mes enfants"

"A la fin du mois, il faut que j’aie un salaire : j’ai un loyer, des crédits, quatre enfants. Il y en a qui sont encore scolarisés. Il faut que je lui paye ses études."

Des enfants dont elle s'occupe seule depuis son divorce il y a 14 ans. Tous les quatre ont fait des études. Sa plus grande fierté.

"C’est grâce au ménage que j’ai pu élever mes enfants toute seule. Je suis très fière, très contente de moi. C’est grâce au salaire du nettoyage, pour moi, c’est un métier." Avant d'ajouter : "C’est dur quand on se lève, c’est dur quand on rentre. Ce sont mes enfants qui me donnent la force d’aller travailler. Parfois, ce n’est pas facile quand on fait des toilettes, des WC. Mais pour mes enfants, il ne faut pas que je lâche. Ce sont eux qui me donnent la force et le courage. Je ne veux pas que mes enfants fassent la même chose que moi, je veux qu’ils réussissent et qu’ils fassent un autre métier que le nettoyage, car ce n’est pas facile."
Pari réussi. Son aîné est infirmier, le deuxième étudie le commerce international comme sa fille, et son troisième fils est ingénieur. 

Première grève en 25 ans de carrière

Mais depuis quelques semaines, Fatima a du mal à trouver la force, car le 23 février dernier, elle et une dizaine de ses collègues ont reçu un courrier recommandé d'un de leurs employeurs, Elior-Derichebourg, leur indiquant de nouveaux lieux de travail à partir du lundi 4 mars : des EHPAD et des hôpitaux. "Ça n’a rien à voir avec ce que je fais. Là, on va voir des gens qui souffrent, des gens en fin de vie. Ce travail, tout le monde n'est pas capable de le faire."

La plupart, comme Fatima, sont spécialisées dans le nettoyage de bureaux administratifs, mais n'ont aucune formation pour travailler dans des établissements de santé. Alors pour protester elles se sont mises en grève. Une première pour Fatima en 25 ans de profession.

"C’est la première fois que je fais grève, c’est venu comme ça, spontanément, sur le tas. Dès qu’on a vu les mutations, on s’est dit avec mes collègues, 'c’est la goutte d’eau qui fait déborder le vase.'''

"On nous pousse à la démission"

Ces femmes de ménage demandent le "retrait complet du projet", ainsi que le paiement des jours de grève, "car ils ont forcé ces femmes à faire grève". "Certaines de mes collègues ont 70 ans et elles ne lâchent rien. Ces femmes-là sont très courageuses".

Pour elles, Fatima ne compte pas lâcher elle non plus : "On nous pousse à la démission, on va avoir des problèmes de santé, c’est sûr. C’est une surcharge de boulot, de travail et aussi une surcharge mentale", conclut Fatima. 

Contactés, les services d'Elior n'avaient pas répondu à nos sollicitations au moment de la publication de cet article.

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