Depuis 37 ans, trois générations d'archéologues se sont succédé autour de l’abri sous roche de la Grande Rivoire, près de Sassenage en Isère. Ce chantier de fouilles exceptionnel, qui se terminera en août, a révélé plusieurs centaines de milliers d'objets façonnés par la main de l’Homme. De l'époque gallo-romaine jusqu'au Mésolithique, le site a été occupé quasiment sans interruption.
Pendant des milliers d’années, la Grande Rivoire a représenté l'abri idéal pour des générations d’êtres humains. Sous un surplomb naturel, cette terrasse de 80 m² ensoleillée toute l'année se situe tout près de la rivière, sur la voie d'accès entre la vallée de l'Isère et les plateaux du Vercors.
C’est sur ce site que, depuis 37 ans, les archéologues remontent le temps et creusent le sol, mètre après mètre, millénaire après millénaire. Sur 6 mètres d'épaisseur, 10 000 ans d'histoire se sont empilés, couche après couche..."Au niveau de sol originel de l’abri, on retrouve le gallo-romain. Et six mètres plus bas, on retrouve le Mésolithique il y a 8 500 ans" explique Alexandre Angelin, l’archéologue responsable d'opération, en montrant les différentes strates de la falaise à l’aide d’un laser.
Le Mésolithique, c’est le temps des tout derniers chasseurs-cueilleurs de la Préhistoire. À ce niveau-là de l’abri, les archéologues ont retrouvé beaucoup de blocs de silex. Dans ce grand atelier, nos ancêtres en extrayaient de fines lamelles. "C’est comme des éclats allongés, plus ou moins réguliers, qui ont été débités et retouchés pour faire des pointes de flèches" ajoute l’archéologue.
Sur ce site exceptionnel, les chercheurs ont mis au jour plusieurs centaines de milliers d'objets. Dont une colombelle, un coquillage percé pour servir de parure, mais venu... de la Méditerranée ! "Ça révèle soit des contacts avec des sociétés plus méridionales, soit des déplacements de population depuis les milieux alpins vers les côtes méditerranéennes, ce qui représente une distance assez considérable".
1500 pointes de flèches exhumées
Plus de 1500 pointes de flèche vieilles d'au moins 10 000 ans ont été retrouvées, ainsi que beaucoup d'ossements d'animaux comme du gibier, du cerf, mais aussi du sanglier, bouquetin, ours, chat sauvage, castor ou même tortue... Le réchauffement des glaciers avait alors libéré de nouveaux territoires de chasse. "Ces populations sont montées en altitude. Est-ce que c’était pour chasser du bouquetin ? Ou pour d’autres raisons ? s’interroge Louise Terbord, doctorante en archéozoologie alpine. Donc on analyse comment ils se sont approprié les territoires de montagne avec des contraintes particulières liées à la topographie, aux paysages et à l’accès aux ressources."
Fin août, le chantier de la GR devra fermer ses portes sans avoir livré tous secrets. Plus de 40 spécialistes vont étudier pendant des années le trésor accumulé par ces trois générations d'archéologues.