Dans le massif du Vercors, on hurle avec les loups pour les débusquer

Dans le Vercors (Isère), les hommes de l'Office français de la biodiversité imitent le cri du loup pour identifier les meutes. Une opération réalisée à la demande des éleveurs pour savoir si des naissances ont eu lieu au printemps.

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Pousser le cri du loup dans un cône de chantier. L'image est difficile à visualiser, mais c'est bien la façon avec laquelle les techniciens de l'Office français de la Biodiversité (OFB) recensent les canidés. La méthode, venue des États-Unis, est utilisée en France depuis les années 2010.

A la tombée de la nuit, Philippe Cotte hurle dans son porte-voix orange fluo pour appeler les loups sur les collines du massif du Vercors, à proximité du village de Presles (Isère). Le technicien de l'OFB espère un cri de réponse, pour savoir si des petits sont nés et si une deuxième meute est apparue. 

En Isère comme ailleurs, les loups gris connaissent depuis dix ans une démographie favorable qui enchante les amis de la nature mais enfièvre les éleveurs. Leur population, à l'origine venue d'Italie, a été estimée à plus de 920 spécimens à la sortie de l'hiver 2021-2022 sur l'ensemble du pays, selon le dernier comptage de l'OFB. En Isère, il y aurait entre 40 et 80 canidés, et entre 520 et 630 dans les Alpes, selon la direction départementale des territoires de l'Isère (DDT) en 2020. 

"Aaoooouuuu"

"L'opération de hurlements provoqués n'est pas un comptage", précise Philippe Cotte. Elle se fait "à la demande des éleveurs" s'ils repèrent des loups dans un secteur inhabituel et permet de savoir si des naissances ont eu lieu au printemps. "Les adultes ont des cris assez forts, alors que ceux des louveteaux ressemblent à des petits jappements de jeunes chiots", dit-il avant de faire résonner sa voix pour les imiter.

Ce soir-là, six équipes, composées d'éleveurs, de chasseurs et de lieutenants de louveterie, encadrés par l'OFB, sont réparties sur la zone proche de Presles. Après trois appels, la vallée reste désespérément silencieuse. Soudain, Philippe Cotte tend l'oreille... "C'est une chouette hulotte", souffle-t-il, la mine déconfite.

Les équipes décident de se repositionner là où les loups ont été aperçus l'année dernière, à la même période. Au top horaire suivant, vers 22H30, Philippe et un de ses collègues poussent un long "aaoooouuuu". Au bout de dix secondes, c'est la récompense : des loups, très proches, répondent dans un concert de hurlements joyeux et de cris graves. 

L'épineuse question de la cohabitation

"Protocole terminé", lance le technicien de l'OFB. Aucun doute, des petits sont nés. Difficile en revanche de se prononcer sur la présence d'une deuxième meute. Celle identifiée en 2019 donne du fil à retordre aux éleveurs de la région. Des tirs de défense sont d'ailleurs autorisés régulièrement par le préfet, de façon à réduire la pression sur les troupeaux. 

Elisabeth, éleveuse de brebis depuis 25 ans près de Presles, ne croit pas aux tirs de défense. Son troupeau a été attaqué il y a deux ans : neuf mères et 21 agneaux ont été tués. Depuis, elle a changé sa façon de travailler et les loups n'ont plus fait de dégâts. "On a fait des parcs plus petits, avec des fils électriques", explique-t-elle. 

Voix singulière, l'éleveuse prône la cohabitation : "C'est un animal qui nous met en échec et qui nous oblige à réfléchir à notre gestion du monde vivant, qui est déplorable". Pour elle, les éleveurs doivent réduire la taille des troupeaux, travailler avec des chiens et être aidés pour installer des clôtures électriques car elles sont très onéreuses. 

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