Le tribunal administratif de Grenoble a suspendu pour deux ans l’activité d’une entreprise hydroélectrique, condamnée pour "atteinte à l'environnement" de la rivière Ebron. Un "message fort" estime l’Office français de la biodiversité de l’Isère.
Les faits remontent au mois de juillet 2019 : Un débit "anormalement faible", c'est alors le constat dressé par les inspecteurs de l'environnement du service départemental de l'Isère, sur la commune de Prébois, en Isère.
" Visuellement, c’était clair, ensuite les mesures l’ont confirmé " raconte Sébastien Mollet, chef du service départemental de l’Office français de la biodiversité en Isère, en charge de la protection et de la restauration de la biodiversité.
Les spécialistes mesurent au final un débit de 15 litres/seconde dans le lit de la rivière, au lieu d'un minimum réglementaire de 92 litres/seconde.
"Un acte volontaire"
Au départ, la sécheresse de saison permet d’expliquer en partie l’anomalie. Mais très vite, une autre cause est établie : la présence d’une planche placée délibérément pour modifier la trajectoire du cours d'eau.
La piste remonte peu à peu vers une turbine hydroélectrique. Le cours d’eau a "volontairement" été dévié pour produire plus d’énergie, conclut l’Office français de la biodiversité (OFB).
C’est toujours comme ça, il y a une déviation de l’eau pour l’amener au-dessus de la micro centrale » explique Sébastien Mollet, avant de poursuivre : " sauf qu’il y a un impact sur l’écosystème de la rivière. "
La baisse du débit a en effet un impact négatif direct sur la faune et la flore . "Elle provoque une réduction de la capacité d'accueil et de la qualité de l'habitat pour toute la faune liée à la rivière (invertébrés aquatiques et toute la chaîne alimentaire qui en dépend : poissons, batraciens, oiseaux, chauves-souris, etc.)" expliquent les responsables de la protection de la biodiversité.
Même si les centrales hydroélectriques sont autorisées par la loi à puiser dans les cours d’eau, une limite leur est imposée : « Maintenir en permanence a minima, un dixième du débit moyen du cours d'eau. »
Un « jugement exceptionnel »
En 2015, l’entreprise avait déjà été épinglée par l’OFB, et condamée à 150 euros d’amende. Elle ne pouvait donc ignorer qu'elle était hors-la-loi.
"C’est un acte volontaire, et une violation de la règlementation délibérée" dénonce Sébastien Mollet.
De nouveau jugée pour les mêmes faits ce 14 janvier 2021, l'entreprise écope cette fois d'une sanction plus lourde. L’amende est de 1000 euros, l’activité est suspendue pour deux ans et l’entreprise doit payer 6 100 euros de dédommagements à la Fédération Départementale de Pêche, France Nature Environnement Isère et France Nature Environnement Auvergne-Rhône-Alpes qui s'étaient constituées parties civiles.
L'entreprise a annoncé qu'elle faisait appel.
Quoi qu'il en soit, " C’est un message fort pour les entreprises hydroélectriques " réagit Sébastien Mollet. Depuis plusieurs années, il voit s’accumuler les affaires similaires, mais sans effet dissuasif : "tant que la sanction est inférieure au gain de l’infraction, il y aura ce sentiment d’impunité. "