9 septembre. Neuvième jour, neuvième mois : une date symbolique pour parler du syndrome d'alcoolisation fœtale. A Grenoble, l'Equipe de Liaison et de Soins en Addictologie Périnatale intervient dans les maternités pour sensibiliser aux troubles liés à l'alcool, qui touchent un bébé sur cent.
"Tu peux bien boire un verre". Cette phrase, les femmes enceintes l'entendront au moins une fois pendant leur grossesse. Et elles sont nombreuses à se dire "qu'un verre, ce n'est pas grave".
"L'une de mes patientes a déclaré ne pas consommer d'alcool, mais en continuant de la questionner, elle m'a dit qu'elle avait bu une bière. D'autres disent ne pas consommer d'alcool, mais boire du cidre. Le cidre, c'est de l'alcool !", explique le Dr Roselyne Martel de l'Equipe de Liaison et de Soins en Addictologie Périnatale, une structure du Centre Hospitalier Alpes Isere de Grenoble.
Une femme sur trois
"30% des femmes disent avoir consommé au moins une fois de l'alcool pendant la grossesse", indique Isabelle Defaye, sage-femme au sein du dispositif. "Il y a un gros travail de sensibilisation et d'information à faire", poursuit cette professionnelle de santé "pour lutter contre cette pression et ces représentations sociales". D'où l'importance de sensibiliser aussi l'entourage des femmes enceintes pour les aider à ne pas boire pendant les neuf mois de leur grossesse.
Susciter la discussion et briser les tabous
Dans les maternités de l'agglomération grenobloise, l'équipe intervient pour susciter la discussion, briser les tabous et aider celles qui seraient dans la dépendance. Deux sage-femmes, deux médecins, deux infirmières dont la mission est aussi de former les professionnels.
"66% des femmes enceintes déclarent aussi qu'on ne leur a pas posé la question de leur rapport à la consommation d'alcool", poursuit Isabelle Defaye qui plaide pour beaucoup plus d'anticipation.
Car "à n'importe quel stade de la grossesse, un verre d'alcool peut avoir des conséquences sur le développement de l'enfant" renchérit le Dr Roselyne Martel. Il n'y a pas de retour en arrière possible. "Il n'y a pas de dose seuil. Même une seule consommation d'alcool à un moment donné peut avoir des conséquences".
"C'est d'abord le placenta qui est touché, car l’alcool va passer par le sang et c’est pour ça qu’il y aura des fausses couches ou des retards de croissance", explique la sage-femme.
"Le placenta n’est pas un filtre, c'est une éponge. Il va concentrer chaque produit : et comme le fœtus n’est pas capable de métaboliser l’alcool, il va rester plus longtemps exposé et l'alcool va affecter le système nerveux central".
Pas de retour en arrière
Fausses couches, malformations, dysmorphies faciales, retards de croissance, retards de développement, troubles de l'attention, troubles de l'adaptabilité sociale... les conséquences sur le foetus et sur l'enfant sont connus et nombreux dans le cadre d'un Syndrome d’alcoolisation fœtale (SAF).
"Il concerne un enfant sur 1000 mais si l'on prend l'ensemble des troubles causés par l’alcoolisation fœtale, le ratio monte à un pour 100", indique le docteur Roselyne Martel.
Et les femmes de tous les milieux sont concernées. Il est donc nécessaire selon les professionnels de l'ELSA périnatale de les soumettre à des entretiens prénataux précoces pour dépister un éventuel trouble chez le foetus.
Les malformations ou les retards de développement pourront être décelés lors des échographies, mais il faudra attendre la naissance, voire les mois suivants celle-ci, pour dépister les déficiences mentales ou les carences.
Les mères "vont traîner une culpabilité jusqu'à la naissance avec une projection de peurs décuplée", ajoute Isabelle Defaye.
Le docteur Roselyne Martel lance donc cet appel aux femmes enceintes et à celles qui projettent d'avoir un enfant : "ne restez pas seule, vous pouvez nous en parler, on ne juge pas".