La FCO, aussi appelée "maladie de la langue bleue", fait depuis plusieurs semaines des ravages dans les cheptels français. Alors que plusieurs souches du virus sont actuellement en circulation, des réunions d’informations sont organisées pour répondre aux très nombreuses inquiétudes des éleveurs isérois et écouter leur détresse.
Elles sont couchées en contre-bas de la pâture arborée : des brebis éparses, faméliques, tête au sol. Cédric Ruzzin s'arrête devant l'une d'elle, pointant une tête déformée par l'oedème. "Elles ont maigri, décrit leur éleveur. Elles bavent, elles enflent." Et puis, "ça les fait boîter, on dirait qu’elles marchent sur du verre". "Ça" : la fièvre catarrhale ovine (FCO). Il y a encore peu, son troupeau de Poliénas, en Isère, comptait encore 150 bêtes. Au mardi 20 août, 55 ont été tuées par cette affection virale transmise par les moucherons.
"Le matin et le soir, on se demande combien on va en avoir de mortes", se désespère l’éleveur, entouré de ses deux chiens de protection. Une fois les signes de la maladie déclarés, seuls restent les anti-inflammatoires et eau fraîche pour soulager. "On est démunis, on regarde nos bêtes mourir." "Comme celle-là, ajoute-t-il en désignant une brebis, les naseaux encombrés de salive : je sais que si ce n’est pas aujourd’hui, ce sera demain."
Virus connu, nouveau variant
Aussi appelée "maladie de la langue bleue", la FCO affecte les ovins et bovins, mais n’est pas transmissible à l’homme. Elle est présente sous différent sérotypes, ou variétés de virus, en France. Celui qui décime les bêtes de Cédric Ruzzin est le BTV 8, en circulation depuis 2006 sur le territoire métropolitain. Ces dernières années, il ne provoquait pas d’apparition de symptômes importants.
Mais un nouveau variant a été identifié dans le sud de la France en 2023. Depuis le début du mois d’août, cette souche mutée a été retrouvée de nouveau "en Aveyron et s’est propagée sur plus de la moitié du territoire (de Saône-et-Loire à la Corse)", décrit le dernier bulletin de la plateforme d’Epidémiosurveillance santé animale (ESA).
Vaccination efficace mais tardive
Dans le département, l’exploitation de Jean-François Gourdain a fait partie des premiers foyers. "Ça a vraiment été une bombe", témoigne le président de l’association des éleveurs ovins du Nord-Isère. Micro en main, il est présent à la réunion d’information tenue en mairie de Saint-Siméon de Bressieux en présence d’autres agriculteurs. L’émotion fait sonner des trémolos dans sa voix. Mais il est surtout venu en quête de réponses.
Tous les jours on se lève, tous les jours on sort le tracteur pour ramasser des bêtes mortes.
Jean-François Gourdain, président de l'association des éleveurs ovins du Nord-Isère
Son cap : "Savoir ce qu’il faut qu’on fasse", appuie-t-il. "On entend tout : est-ce qu’il faut vacciner ? Ne pas vacciner ?" Face à une salle comble, Aurore Tosti expose l’état actuel des connaissances. "Les vaccins existent, rappelle la directrice du Groupement de défense sanitaire (GDS), une association d’éleveurs qui fait l’interface avec les services de l’Etat. Ils sont disponibles. L’Anses, l’an dernier, a même fait une étude pour prouver que les vaccins sur le marché étaient efficaces contre ce nouveau variant."
On avait perdu l’habitude de vacciner, de se protéger contre ce virus parce qu’il n’y avait pas de symptômes, pas de perte en élevage. Il faut reprendre cette habitude de prévention.
Aurore Tosti, directrice du GDS de l'Isère
"Malheureusement, c’est une maladie face à laquelle on peut être désemparé une fois qu’elle est dans le cheptel", reconnaît-elle. Car les traitements disponibles ne permettent que le soulagement des symptômes. Quant à la vaccination, il faut attendre une quarantaine de jours entre la première injection et la mise en place d’une immunité complète – et seuls sont concernés les animaux encore en bonne santé.
Venue écouter et épauler, Aurore Tosti reconnaît des incertitudes : "Ça évolue tous les jours." Sur la question des aides financières notamment. Contrairement à la campagne lancée depuis deux semaines dans le Nord-Est de la France contre le sérotype 3, la vaccination du BTV 8 n’est pas indemnisée par l’Etat et reste à la charge de l’éleveur – un coût estimé par les chiffres du GDS à 5 euros par mouton et jusqu’à 10 euros par vache. Quant à la compensation pour les pertes dans les troupeaux , un programme avait été mis en place à l’apparition du variant l’an dernier. Il n’a pour le moment pas été reconduit.