Ce vendredi 8 février, la visite ministérielle est d'abord passée par l'hôpital couple enfant du CHU de Grenoble-La Tronche puis dans le service de neurochirurgie, avant une rencontre avec les professionnels du pôle de Santé de Saint-Martin-d'Hères, pour un temps d'échange.
La visite était programmée à la minute près et la conférence de presse était, plus que jamais, "sous contrôle". Pour preuve, Jean-Marc Ayrault n'a accordé aucune interview aux journalistes, ni même quelques mots, à l'exception de son "discours de méthode" sur la "stratégie nationale de santé".
Le Premier ministre a plaidé pour "une réforme structurelle de notre système de santé", qui nécessitera "cinq voire dix ans", pour éviter la mise en place d'une médecine "à deux vitesses".
"Nous nous appuierons sur un comité des sages, composé de hautes personnalités du monde de la santé et de la recherche", a-t-il annoncé, confiant la coordination de ces travaux à Alain Cordier, inspecteur général des finances et ancien directeur général de l'Assistance Publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP).
Le Premier ministre a visité les services du CHU de Grenoble et rencontré les urgentistes qui menacent de démissionner s'ils n'obtiennent pas des postes supplémentaires. "Demain, si nous ne faisons rien, nous risquons de voir se développer une médecine à deux vitesses: une offre pointue et complète pour ceux qui auront les moyens de payer, et le service minimum pour tous les autres", a-t-il dit.
"Il faut apprendre à dépenser mieux"
Dans le même temps, il a réaffirmé sa volonté "d'assurer le retour à l'équilibre des comptes de l'assurance maladie"."Pour cela, il faut apprendre à dépenser mieux", a-t-il déclaré.
Et en premier lieu, il faut cesser de concevoir la médecine comme une succession d'actes ponctuels et créer une médecine de parcours qui repose sur la coopération des professionnels et l'implication des patients", a indiqué le Premier ministre.
Dans ce but, les moyens des ARS (agences régionales de santé) seront renforcés.
Jean-Marc Ayrault a aussi appelé à la poursuite des "efforts contre les déserts médicaux", souhaitant qu'une "réflexion" s'engage sur la formation de tous les professionnels de santé.
Quant à la recherche médicale, elle sera "l'une des priorités du prochain agenda stratégique de la recherche". Il a mis l'accent sur la prévention, qui représente seulement "2% des dépenses de santé" et la santé mentale: "Ces réformes trouveront leur place dans la loi de santé publique qui sera votée l'an prochain", a indiqué le Premier ministre.
Il a, enfin, appelé de ses voeux un bilan sur la loi du 4 mars 2002 sur les droits du patient pour "prendre en compte l'attente de nouveau droits individuels et collectifs pour les patients".
Une visite sur fond de dysfonctionnements dans les Alpes
Les médecins urgentistes du CHU de Grenoble ne sont pas les seuls à manifester leur grogne. Leur menace de démissionner fait écho au mouvement de grève des hôpitaux du Léman en Haute-Savoie. En novembre dernier, 12 médecins urgentistes avaient officiellement présenté leur démission. Ils estimaient qu'avec le manque d'effectifs la sécurité des patients n'était plus assurée. D'autant, qu'en hiver, la situation empire, le nombre de patients augmentant de 10 % avec les accidents liés à la montagne.
Autre problème, national celui-ci, en novembre dernier les internes du CHU et des cliniques de Grenoble dénonçaient le projet de loi de financement de la sécurité sociale qui visait à réduire les dépassements d'honoraires. Même chose pour les laboratoires d'analyses, avec la baisse du prix des actes de biologie.
Le secteur privé n'est pas épargné. Récemment, c'est le personnel du Groupe Hospitalier Mutualiste qui protestait contre la réorganisation du temps de travail. Le groupe Alpes-Belledonne n'est pas en reste. Depuis quelques semaines, la clinique alerte l'opinion publique sur la fermeture programmée par l'ARS de leur pôle de chirurgie cardiaque, une fleuron de la santé à Grenoble.
La situation dans les Alpes avec ces grognes à répétition illustre assez bien les problèmes qui touchent tout le pays. La France a-t-elle encore le meilleur système de santé au monde? Cette vérité semble s'essouffler.