L'Inspection Générale des Affaires Sociales doit bientôt rendre un rapport sur le valproate et ses dérivés, dont la Dépakine. Un médicament antiépileptique à l'origine de malformations in utero. Les études ont été menées en Rhône-Alpes.
Les premières mises en garde officielles des autorités de santé sur ce médicament datent de décembre 2015. Il est depuis recommandé d'éviter au maximum que des femmes enceintes souffrant d'épilepsie ou de troubles bipolaires, prennent de la Dépakine (à base de valproate de sodium). En juillet, la ministre de la Santé, Marisol Touraine, a saisi l'Inspection Générale des Affaires Sociales pour ouvrir une enquête sur le médicament. Les résultats sont attendus.
La Dépakine, médicament du laboratoire Sanofi, cause probable de malformations chez plusieurs centaines d'enfants en Europe, a démontré son efficacité dans le traitement de l'épilepsie et des troubles bipolaire. Il est toujours en vente car il est jugé indispensable pour les malades. 80.000 personnes sont en moyenne traitées chaque année dans l'Hexagone avec cette molécule.
Un vieux médicament
"L'autorisation de mise sur le marché de ce médicament date de 1967. C'est un vieux médicament. Les informations sur les malformations datent des années 80. Les informations ont été en revanche plus tardives sur les retards neuro-développementaux (entre les années 2006/2007) et elles ont été consolidées depuis 2009/2010", explique Dominique Martin, directeur général de l'Agence Nationale de Sécurité du Médicament. Les retards neuro-développementaux sont détectables bien après la naissance, au moment de la marche ou de la scolarisation."On est conscient du caractère complexe car ce médicament est essentiel, c'est un médicament majeur qu'on ne peut pas contre-indiquer", a-t-il dit, tout en soulignant que le priorité était désormais de réduire les risques.
Une association
Créée en 2011, l'Association d'aide aux parents d'enfants souffrant du syndrome de l'anti-convulsivant (Apesac) regroupe déjà plus de 500 familles et quelque 1.000 enfants. "J'ai fait une estimation de 30.000 victimes depuis 1967 (...) en prenant en compte le taux de natalité en France, la population épileptique, le pourcentage de prescription de ce médicament selon les périodes", explique Marine Martin, sa présidente.Au total, 80.000 jeunes filles et femmes en âge de procréer utilisent ce médicament, selon l'ANSM.
"A aucun moment, mon médecin n'a évoqué tous ces risques", raconte Mme Martin, mère de deux enfants nés en 1999 et 2002, tous les deux atteints. Elle a déposé une plainte visant Sanofi qu'elle soupçonne "d'avoir tout fait" pour protéger un marché lucratif.
"Il est vrai que l'information directe aux patients est arrivée très tardivement, sur la notice en 2010", reconnaît Dominique Martin, directeur général de l'ANSM. Pour autant, l'information était largement accessible aux médecins, argue-t-il. "Le résumé des caractéristiques du produit (RCP), fiche destinée au médecin, mentionne les risques de malformations depuis les années 80", poursuit-il. Or, "le principal informateur du patient est le médecin".
"Sanofi a toujours respecté ses obligations d'information vis-à-vis des professionnels et des patients avec un contrôle des autorités de santé. Dans le cas du valproate, comme pour tout médicament, nous n'agissons pas seuls. Il y a une chaîne d'acteurs: le laboratoire, l'agence du médicament et les médecins prescripteurs", se défend Pascal Michon, directeur médical de Sanofi France.
"Nous étions parfaitement conscients qu'il y avait des risques mais ces risques étaient mal définis", explique de son côté le Dr Jean Marty, un responsable du syndicat des gynécologues-obstétriciens. Selon lui, il était difficile de savoir ce qui relevait des conséquences de l'épilepsie et ce qui relevait du médicament."Nous étions pris entre deux feux", dit-il, soulignant que les neurologues jugeaient indispensable la poursuite du traitement pour cette maladie "intolérable".
Le parquet de Paris a ouvert une enquête préliminaire pour déterminer les éventuelles négligences de Sanofi, des autorités et des médecins. Des procédures sont également en cours aux Etats-Unis.