Levothyrox : le laboratoire Merck réagit après sa condamnation par la Cour d'appel de Lyon

La Cour d'appel de Lyon vient de condamner Merck dans le volet civil de l'affaire du Levothyrox à verser 1000 euros à chaque plaignant. Ils étaient plus de 3000 à avoir assigné le laboratoire pour « défaut d'information », suite au changement de formule du médicament.

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Ils attendaient cette décision depuis longtemps. "Nous sommes très contents, c'est la reconnaissance d'un défaut d'information qui nous a fait souffrir pendant des mois !", s'exclame Aline Bonanno. Comme elle, 3329 malades de la thyroïde ont porté plainte contre Merck pour ne pas les avoir informé du changement de formule de son traitement, le Levothyrox. La Cour d'appel de Lyon a reconnu ce jeudi, le 25 avril, que le laboratoire avait commis "une faute" et l'a condamné à verser 1000 euros à chacun des plaignants.

 

"Une reconnaissance" pour les plaignants

 

Il y a un peu plus d'un an, se plaignant de nombreux effets secondaires dus au changement de formule, plus de 4000 patients portent plainte contre le laboratoire.  Le tribunal d'instance de Lyon les a déboute le 5 mars 2019. Pour la justice, Merck a respecté ses obligations réglementaires. Si quelques 800 utilisateurs du Levothyrox abandonnent la procédure, plus de 3000 plaignant décident de poursuivre en appel. La cour d'appel de Lyon a examiné leur recours le 7 janvier 2020 et mis sa décision en délibéré. Aujourd'hui, elle leur donne raison. L'instance d'appel "a déclaré recevable l'appel des parties civiles et (...) a retenu que la société Merck avait commis une faute", selon Me Christophe Leguevaques, l'avocat des plaignants.

"Des milliers de personnes sont concernées, on n'est plus dans un effet nocebo relevant de la psychiatrie, on nous reconnait en tant que malades, c'est le plus important", réagit Aline Bonanno, l'une des plaignantes qui réside à Belley dans l'Ain. "J'espère que cela servira à d'autres malades. Quand il y a un changement dans un médicament, les patients doivent en être informés immédiatement ! Je suis restée dans un état déplorable pendant des mois, sans savoir ce que j'avais..."

En effet convaincus que le groupe pharmaceutique les avait mal informés, les 3.329 patients souffrant d'effets secondaires réclamaient 10.000 euros d'indemnités chacun, soit 33 millions au total. La justice a condamné le laboratoire à leur verser 1000 euros chacun. "La Cour considère qu'il y a eu un préjudice moral subi par toutes les parties. Je pense que pour elles, c'est une grande satisfaction, puisqu'elles ne sont plus ni des folles, ni des hystériques, mais elles sont des malades à qui on a menti, à qui on a dissimulé des informations, et elles sont reconnues à ce titre par la justice", a réagi Me Christophe Leguevaques.

Nous venons de faire avancer d'un grand pas le droit des malades. L'obligation d'information ne pèse pas seulement sur les médecins et sur les pharmaciens, elle pèse aussi et d'abord sur le fabricant du médicament

a-t-il ajouté.

"Incompréhensible" selon Merck, qui se pourvoit en cassation

Une décision "totalement incompréhensible" pour le directeur juridique de Merck en France, Florent Bensadoun. "Il n’y a eu aucun manquement de Merck à son devoir d’information. C’est pourquoi nous allons nous pourvoir en cassation," ajoute-t-il. Le laboratoire tient à rappeler que l’information fournie par Merck aux médecins, aux pharmaciens et aux associations de patients avant le lancement de la nouvelle formule était "complète et parfaitement conforme à la réglementation française". "Le plan d'information et de communication a été construit en accord avec les autorités de santé qui l'ont validé, et avec des experts en endocrinologie et des associations de patients. Pas moins de 300.000 actes de communication ont été transmis à pas moins de 100.000 professionnels de santé", souligne Florent Bensadoun.

Pendant l'appel, le laboratoire pharmaceutique a gardé la même ligne de défense et réaffirmé qu'il ne pouvait pas informer directement les patients. La loi le lui interdit, la publicité pour les médicaments auprès du grand public n’étant pas autorisée. En première instance, le jugement lui avait rendu raison, considérant comme "pertinent et conforme au cadre réglementaire" le dispositif d’information mis en place par Merck.

L'affaire continue au pénal 

"Ils peuvent aller en cassation. Nous on ira jusqu'au bout même si ça dure 20 ans, 30 ans. Je suis restée couchée pendant 9 mois et j'ai failli y passer. On nous a pris pour des pions, des cobayes, des numéros en changeant de formule sans nous le dire", a réagi une autre plaignante Béatrice Benzama, qui travaille dans l'Education nationale à Saint-Martin-d'Hères (Isère)."La bataille a duré trois ans, c'est dommage qu'ont ai mis autant de temps pour reconnaître tout ça... Mais ça redonne de l'espoir, c'était le pot de terre contre le pot de fer, et finalement on a gagné ! On verra ce que cela donne au pénal !", renchérit Aline Bonanno. 

Les plaignants se préparent en effet à une autre bataille, le volet pénal de l'affaire du Levothyrox, actuellement instruit par le pôle santé du TGI à Marseille. Ils s'étaient constitués partie civile dans le cadre de l'information judiciaire contre X pour tromperie aggravée, homicide et blessures involontaires, mise en danger de la vie d'autrui ouverte par le parquet de Marseille.

Aujourd'hui, selon Merck, quelque 2,5 millions de patients utilisent la nouvelle formule du Levothyrox. "Moins de 100.000" prennent encore l'ancienne formule importée depuis fin 2017 sous le nom d'Euthyrox. Mais l'ancienne formule ne sera plus commercialisée à partir de septembre prochain. Pour le laboratoire, dont la filiale est basée à Lyon, les remontées d'effets indésirables sur la nouvelle formule sont aujourd'hui "normales et comparables à l'ancienne". La France a été le premier pays où cette formule a été introduite. Depuis, elle l'a été dans une quinzaine de pays de l'Union européenne, sans difficultés, assure Merck.

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