Loire : les EHPAD publics et à but non lucratif comme solution après le scandale ORPEA ?

Fin janvier 2022, le journaliste Victor Castanet publiait "Les Fossoyeurs" aux éditions Fayard. Il s'agit d'une enquête dénonçant des dérives lucratives de certains EHPAD du secteur privé. Une mise en lumière qui a amené à d'autres dénonciations dans d'autres établissements privés à but lucratif. Est-ce que la solution ne serait pas d'interdire la prise en charge de nos aînés en situation de dépendance par des entreprises privées?

A la Maison d'Annie, un EHPAD privé associatif de Saint-Victor-sur-Loire dans la Loire, la parution des "Fossoyeurs" de Victor Castanet aux éditions Fayard, a créé un sentiment d'injustice chez ses employés : "Bien que ça ciblait, à priori, certains types d’établissements, un livre qui sort comme ça, qui vient à charge des EHPAD, est pris globalement avec un petit sentiment d'injustice", confesse Florence Vichi, sa directrice. 

Pour Bruno Dubanchet, président de l'association CAEFPA (Carrefour d'Amitié et d'Entraide en Faveur des Personnes Âgées), la dimension associative de son établissement et des 4 autres qu'il gère dans la Loire, est la garantie de meilleurs pratiques.

"Quand les personnels entrent dans un établissement comme les nôtres, ils adhèrent au projet associatif.", explique-t-il. "Donc ils entrent dans une perceptive de bienfaisance, de bientraitance et d’accompagnement de la personne âgée".

Faut-il interdire les EHPAD privées à but lucratif ? 

De là à imaginer que la disparition des EHPAD privés est la solution pour éviter tout problème ? Bernard Bonne, sénateur LR de la Loire, spécialiste des questions du grand âge et auteur d'un rapport sénatorial sur la question de la veilleuse en 2018, soit avant le scandale, n'en est pas convaincu.

"A partir de 2004/2005 les structures privées à but lucratif ont eu la possibilité de s’installer voire de racheter les structures et n’avaient plus besoin de l’autorisation des départements", explique-t-il. "A la limite je vais dire pourquoi pas dans la mesure où ils respectent toutes les règles qui incombent à ce type de structures. D’après le livre, dans certains cas, cela n’a pas été le cas."

Renforcer le rôle des départements ? 

L'ancien président du Conseil départemental de la Loire de 2008 à 2017 et conseiller départementale de 1992 à 2018, préconise plutôt un renforcement du rôle du département dans la gestion de la prise en charge des personnes en perte d'autonomie. A l'heure actuelle, les départements financent quand l'ARS contrôle*. 

"Je crois qu'aujourd’hui, on a des difficultés du fait de tutelles, que ce soient l’ARS ou le département. Il faut corriger cet écueil, qui ne rend pas service ni au département, ni aux Agences Régionales de Santé, ni même aux structures type EHPAD et autres. Il faut arriver à une seule structure qui puisse contrôler à la fois le financement et la qualité du soin des résidents. Je pense que le département est le plus à-même de le faire. On l’a vu, les ARS au niveau du contrôle, n’ont pas montré une grande réactivité."

Changement de mode d'évaluation

Bien avant la publication de cette enquête, les établissements publics et privés associatifs dénonçaient le fait qu'ils n'étaient pas évalués de la même manière que les EHPAD privés à but lucratif. Auparavant "nous étions évalués sur des référentiels propres à l’évaluateur qui, du coup, fait des rapports complètement différents d’un établissement à l’autre", explique Florence Vichi. 

Depuis la loi du 24 janvier 2019 relative à la transformation du système de santé, la Haute Autorité de Santé s'était vu confier la mission d'harmoniser les référentiels d'évaluation. Après plus de deux ans de travaux, un référentiel commun est enfin adopté, et devrait concrètement être mis en place dans les semaines à venir. 

Réduire le nombre de places dans les EHPAD ?

Pour Bernard Bonne, la solution serait de privilégier l'accompagnement des personnes âgées à domicile. "Si vous leur demandez où ils souhaitent terminer leur vie, 90% répondent : pas en EHPAD", plaide-t-il.

Selon lui, il faudrait réserver les EHPAD aux personnes qui n'ont vraiment plus aucune autonomie et mettre le paquet sur les résidences pour personnes indépendantes. 

S'il admet qu'avec ses coauteurs, ils ont été "un peu provocateurs" en proposant dans leur rapport de 2018 la réduction du nombre de places en EHPAD, ces raisons évoquées plus haut justifient cette préconisation. 

Bernard Bonne est également porte-parole de la nouvelle commission d'enquête mandatée par la chambre sénatoriale pour faire la lumière sur le scandale provoqué par l'enquête de Victor Castanet. Leurs conclusions devraient être rendues en juin 2022.

Selon Conseil Dépendance, en 2021 sur les 7 353 EHPAD en France, 44,5 % sont des structures publiques, 31,5 % des structures associatives et 24 % des structures privées. Les EHPAD publics sont majoritaires dans les petites villes et les territoires ruraux tandis que les EHPAD privés sont majoritaires dans les grandes villes. 

*Les médecins, infirmières et le matériel médical sont financés par l'Etat via l'assurance maladie. Les départements prennent en charge les forfaits dépendances, les aides-soignants et les psychologues. Les résidents prennent en charge le loyer, la restauration et les animations. 

L'actualité "Société" vous intéresse ? Continuez votre exploration et découvrez d'autres thématiques dans notre newsletter quotidienne.
Tous les jours, recevez l’actualité de votre région par newsletter.
choisir une région
Auvergne-Rhône-Alpes
France Télévisions utilise votre adresse e-mail pour vous envoyer la newsletter de votre région. Vous pouvez vous désabonner à tout moment via le lien en bas de ces newsletters. Notre politique de confidentialité