Trois listes sont en lice pour ce second tour des élections municipales à Rive-de-Gier, dans la Loire. Le maire sortant Jean-Claude Charvin sera-t-il réélu? En attendant le 28 juin et le vote des Ripagériens, les trois candidats débattent sur l'antenne de France 3. Un débat mené par Claire Exbrayat.
Dans la Loire, Rive-de-Gier est une commune qui fait partie de Saint-Etienne Métropole. Porte d’entrée du département de la Loire, située entre Saint-Etienne et Givors, Rive-de-Gier est un carrefour. Mais la ville reste encaissée entre une autoroute, une voie ferrée et une rivière. Avec près de 15 500 habitants, elle dispose d’un des plus grands marchés de la vallée. Elle cumule cependant plusieurs handicaps: un taux de chômage élevé, plus de 20% de la population en dessous du seuil de pauvreté et un centre-ville déserté. La ville a subi de plein fouet la désindustrialisation.
Triangulaire à Rive-de-Gier au second tour
Depuis 25 ans, la ville est dirigée par le maire divers droite Jean-Claude Charvin. Il postule pour son cinquième mandat consécutif. Il a déjà été élu deux fois dès le premier tour. Durant la campagne du premier tour, le maire sortant a fait face à son ancien premier adjoint et ancien fidèle Gérard Octroy. Au soir du 15 mars, le maire sortant s'est retrouvé en ballottage défavorable. Mais en mai, son ancien bras droit annonçait qu'il se retirait de la course à la mairie de Rive-de-Gier. Les listes menées par Gérard Octroy et Jean Pierre Granata ont fusionné pour ce deuxième tour reporté au 28 juin en raison de la crise sanitaire. Onze des colistiers de Gérard Octroy ont rejoint la liste conduite par Jean-Pierre Granata, nouveau venu en politique.
Qui sont les trois candidats en lice ?
Pour ce deuxième tour des municipales 2020, les Ripagériens vont donc devoir choisir entre trois listes : celle de Vincent Bony, arrivé en tête le 15 mars, celle du maire sortant Jean-Claude Charvin et celle de Jean-Pierre Granata. Vincent Bony, 49 ans, conseiller municipal d'opposition depuis 2008 et encarté au Parti communiste, mène une liste de rassemblement de la gauche. Le maire sortant n'a plus d’appartenance politique mais est classé à droit. Jean-Claude Charvin, 66 ans, est également conseiller départemental et vice-président de Saint-Etienne Métropole. Enfin Jean Pierre Granata, 51 ans, qui se définissait au premier tour comme "le 4e homme" du scrutin n’est pas un habitué de la politique. Il n'a d'ailleurs jamais été élu. Ce chef d'une entreprise de transports, qui se présente sans étiquette, n'est pas encarté.
Les trois candidats sur l'antenne de France 3 Rhône-Alpes. Un débat mené par Claire Exbrayat.
Jean-Pierre Granata - Liste "Rive-de-Gier Autrement"
Vincent Bony - Liste "Rive-de-Gier Demain"
Jean-Claude Charvin - Liste "Rive-de-Gier, Gardons le Cap !"
Comment les candidats abordent le 2e tour ?
En introduction, à la question adressée au maire sortant sur "l'élection de trop", Jean-Claude Charvin répond : "Je crois que le débat sur l'élection de trop et le "dégagisme" sont des formules à l'emporte-pièce". Le maire sortant dit faire "confiance aux Ripagériens et Ripagériennes, à la sagacité des citoyens à faire confiance à l'expérience et à la gestion des dossiers... quel que soit l'âge et le nombre d'années d'élection."
Vincent Bony, arrivé en tête du premier tour, mène une liste de rassemblement à gauche. "C'est un appel citoyen au départ qui a lancé cette belle dynamique". Le candidat souligne que sa liste a reçu "le soutien de l'ensemble des formations de gauche et d'Europe Ecologie les Verts." Un soutien des Verts qu'il tient à souligner comme étant "un des cas rares dans le département." Satisfait du score du premier tour, Vincent Bony ne veut cependant pas crier victoire et attend le 28 juin, "Rien n'est fait", résume-t-il.
Pour Jean-Pierre Granata, dont la liste a fusionné pour le second tour avec celle de Gérard Octroy, "l'union aurait pu se faire dès le premier tour, mais les listes étaient faîtes et les choses lancées." Et le nouveau venu en politique n'hésite pas à lancer les hostilités contre Jean-Claude Charvin: "Nous avons eu des résultats proches et on fait à nous deux (avec G.Ocroy) un résultat assez équivalent à celui du maire sortant" et Jean-Pierre Granata tient à rappeler au passage que "70% des Ripagériens n'ont pas voté pour lui!"
Les thèmes abordés durant le débat
►Gestion de la crise: retards à l’allumage et mise à l’écart
Le maire sortant qui rappelle que les enfants du personnel soignants, des policiers et pompiers ont été accueillis durant tout l’épisode de crise. Il revient sur "la première tranche de rentrée scolaire" qui s’est bien déroulée. La municipalité s’est également penchée sur la capacité d’accueils de l’ensemble des élèves dans l’ensemble écoles. Elle travaille aussi actuellement sur la cantine scolaire et la capacité de la cuisine centrale de fournir l’ensemble des établissements. Et Jean-Claude Charvin l’assure : "tout sera en place pour le 22 juin".
Durant cet épisode exceptionnel, Vincent Bony aurait souhaité "plus de travail de l’ensemble du conseil municipal". Il évoque une forme de mise à l’écart avec "des propositions faîtes dès le début de la crise à l’équipe en charge de gérer l’urgence mais qui n’ont pas reçu de réponse." Il détaille :
"On aurait pu mieux protéger et aider les ripagériens autour de la réouverture du marché alimentaire, on aurait pu commander des masques lavables au début de la crise…" .
Mais le candidat assure vouloir à présent donner la priorité à l’avenir et aux urgences comme "l’aide à apporter aux acteurs économiques", notamment aux commerçants.
Interrogé sur la gestion de la crise par l’équipe en place, Jean-Pierre Granata pointe aussi le retard à l’allumage de la mairie concernant la distribution de masques et gel hydro-alcoolique, notamment dans les maisons de retraites et différents services de soins. "On a perdu une petite semaine," résume-t-il. Et pour la fabrication de masques lavables très rapidement, le candidat explique que "des associations se sont proposées et n’ont pas eu de réponse". Le maire sortant reste de marbre.
Cette critique, Jean-Claude Charvin dit l'avoir déjà entendue et il fait une réponse chiffrée: 16 000 masques distribués dans un premier temps aux personnels de santé, Ehpad et hôpital. Une distribution faite sous garantie d’homologation des masques. rappelle l’élu qui précise que cette distribution de masques a eu un coût de 100 000 euros sur toute la période. Et pour répondre aux critiques concernant la fermeture du marché, le maire sortant dit avoir agi d’une part par mesure de sécurité pour la santé des habitants et d’autre part, avoir privilégié les petits commerces alimentaires de la commune.
Le monde associatif et culturel durement frappé par la crise sanitaire. Exemple avec le théâtre privé de l'Imprimerie qui a lancé un appel à l'aide fin avril. Que comptent faire les candidats pour le monde associatif et culturel?
Pour Jean-Pierre Granata, l’aide aux associations pourrait prendre la forme d’un prêt de locaux plus appropriés. Il suggère de prêter un local à L’Imprimerie qui lui permettrait de recevoir plus de public et donc d’engranger plus de recettes.
Pour Vincent Bony, la première urgence est selon lui, d’adopter le budget primitif 2020. "Pour des raisons étranges, il ne l’a pas été avant les élections," glisse le candidat de gauche. Il en fait une priorité au lendemain du 2e tour des élections. En outre, il souligne que les structures associatives pâtissent aujourd’hui aussi de l’absence d’interlocuteurs. "Une absence qui pèse sur la capacité à se projeter sur la saison prochaine"
La mise au point du maire sortant agacé est immédiate :"nous avons maintenu et versé la totalité des subventions bien que le budget n’ait pas été voté" et précise "je suis conseiller départemental en charge de la culture et des festivals, et j'ai commencé à recevoir depuis cette semaine l'ensemble du monde associatif culturel"... Et pour le Théâtre de l'Imprimerie : pas de dépôt de bilan, assure le maire qui rappelle qu'il aura la caution et la garantie de la ville. Et d'insister "nous avons versé toutes les subventions, bien qu'il n'y ait pas eu de fonctionnement".
Vincent Bony conteste et reprend : "le conseil municipal du 30 avril a montré que nous avions versé une partie des subventions mais pas la totalité. C'est une erreur assez étonnante de la part du maire en place."
►Economie : aide directe, zone franche, exonération ?
La CCI de la Loire a dressé le bilan de la crise: plus de 80 % des chefs d’entreprises de la Loire annoncent une baisse importante de leur chiffre d'affaires. Et Rive-de-Gier n’échapperait pas à la tendance. Alors que le taux de chômage de la ville avoisine déjà les 20 %, comment soutenir l’économie locale ? Quelles sont les différentes propositions des candidats ?
Le candidat Vincent Bony souhaite notamment "une aide concrète et directe, l’équivalent d’une exonération de charges sur la taxe professionnelle" pour les acteurs locaux victimes d’une chute du chiffre d’affaires liée au Covid. "Mais au-delà, on a besoin d’un plan de relance du commerce local plus large et sur la durée, et de travail sur la rénovation urbaine et la transition écologique".
Jean-Claude Charvin revient lui sur son bilan et les liens anciens entretenus avec l’union des commerçants. Des liens maintenus durant le confinement et la mise en oeuvre d'un programme de redémarrage de l'activité économique et commerciale. Objectif: faire revenir les clients en ville. Sur la proposition d'exonération de taxe professionnelle de son adversaire Vincent Bony, le maire sortant ironise :
"Excusez moi, mais ça ne dépend pas de la ville de Rive-de-Gier. Je reste très circonspect sur cette proposition mais les élections sont l'occasion de propositions ubuesques
"Ce qui est ubuesque, c'est le bilan, l'autosatisfaction de la part du maire en place!' rétorque Vincent Bony. Reprenant aussitôt son sang-froid, il revient sur le terrain économique indiquant regretter l'absence d'une aide directe aux commerçants, comme à Roanne ou Montbrison.
Jean Pierre Granata affiche son accord avec Vincent Bony sur les leviers à mettre en place avec Saint-Etienne Métropole pour venir en aide aux commerçants. "Mais il faut aider les commerçants de Rive-de-Gier dans la durée". Explications :
"On veut développer une zone franche et il faut qu'elle soit aussi attribuée aux commerçants de Rive-de-Gier pour qu'ils payent moins de taxes... Il faut aussi aller les voir les CCI pour faire revenir les entreprises;
Plus globalement pour Jean-Pierre Granata, il faut "aller chercher l'argent, toutes les aides et les subventions où elles se trouvent" et "les mairies doivent se mettre en action".
► Insécurité: départ du commissariat, le sujet qui fâche
Incivilités, rodéos, voitures de police "caillassées"… les Ripagériens n’en peuvent plus. Et ces faits divers ternissent l’image de la ville. Comment y remédier ?
Pour Jean-Pierre Granata, il faut "un plan de sécurité". Il préconise de "faire l'étude de chaque quartier de la ville". Le candidat pointe du doigt une vidéosurveillance "qui ne sert strictement à rien" à Rive-de-Gier. Il préconise le retour d'un commissariat en ville. Rive-de-Gier doit selon lui s'allier aux villes des alentours pour peser. "Il faut, aller voir le député de la Loire, monter au ministère de l'Intérieur, il faut se battre pour faire revenir un commissariat de police que M.Charvin a laissé partir". Et d'insister "avec 103 policiers on ne peut pas couvrir la sécurité des personnes de la vallée du Gier".
Le commissariat de Rive-de-Gier a été fermé en 2015. Jean Claude Charvin n'a-t-il pas fait assez pour retenir ce service public? Le maire sortant avoue son impuissance: "mes contacts au ministère de l'Intérieur à l'époque m'ont fait comprendre que cette décision était prise." Le maire dit avoir alors travaillé par anticipation sur un poste de police et la réorganisation de la police municipale.
"Et avant nous avions une gendarmerie à Rive-de-Gier", réplique Jean-Pierre Granata. "Dont le domaine de compétence n'était pas Rive-de-Gier..." Le maire sortant ne cache pas son agacement. Et de revenir sur les propositions de Jean-Pierre Granata ;"il y a bien longtemps que nous avons mis en place une étude de quartier pour voir où les zones de délinquance étaient les plus importantes" Et le maire d'évoquer les projets de développement de vidéosurveillance sur le territoire. Jean-Claude Charvin vient de recruter un 12e agent de police municipale et a multiplié le nombre de caméras de surveillance par cinq. De son côté Vincent Bony accuse :
Avoir laisser partir le commissariat national est une faute impardonnable, le maire aurait du prendre son bâton de pèlerin et arriver jusqu'au ministère, porter la parole des habitants, ça n'a jamais été le cas... pourtant Monsieur Charvin a soutenu l'élection de cette majorité, avait des amis au gouvernement mais il n'a pas été reçu. Notre police municipale n'est pas suffisante.
et le candidat souligne l'absence d'un travail de prévention de la délinquance durant 25 ans et l'installation toute récente du Conseil local de sécurité et de prévention. La sécurité passe par des "moyens humains" et éducatifs selon Vincent Bony pour qui "le départ du commissariat a été un mauvais signal envoyé à la population."
Réponse du maire sortant: les problèmes sécuritaires ne sont pas spécifiques à la ville de Rive de Gier.
"Nous sommes comme toutes les communes de France avec des problématiques dans certains quartiers, je parle de trafic de drogue, de dérives sectaires ou communautaires... et la présence d'un commissariat ne résoudrait pas ces problèmes. Regardez ce qui se passe à Dijon où Saint-Etienne ou dans l'Ondaine où il y a des commissariats".
Réplique immédiate de Vincent Bony qui dénonce le manque d'action du maire sortant: "Oui mais les élus locaux de l'Ondaine agissent auprès du ministre de l'intérieur pour obtenir le maintien du commissariat du Chambon Feugerolles - et ça a été gagné ! - et maintenant (obtenir) des effectifs supplémentaires!... Et nous à Rive-de-Gier, nous nous laissons faire !'
"Rien n'est fait, rien n'avance," dénonce aussi Jean-Pierre Granata qui évoque les récentes incivilités en ville, l'inquiétude et les plaintes des Ripagériens face à l'insécurité. Et il lance à l'adresse du maire sortant:
Vous avez abandonné la ville, il faut impérativement que quelqu'un reprenne la main! Aujourd'hui les Ripagériens n'en peuvent plus!
Pour Jean-Claude Charvin, qui promet des résultats prochains, le débat ne relève pas de répression ou de prévention, mais d'une problématique de justice.
►Friche Duralex : trois candidats, deux projets ?
Il existe plusieurs friches industrielles à Rive-de-Gier mais la plus connue est celle de l’ancienne verrerie Duralex. Elle se trouve à l’entrée est de la ville. Ce sont six hectares abandonnés depuis 2008. Avec la Halle Couzon, ce site fait partie d’un vaste plan de réaménagement urbain piloté par Saint-Etienne Métropole. Ces friches, points noirs de la ville, sont aujourd’hui devenues le lieu de tous les possibles. Que veulent en faire les trois candidats ?
Jean-Pierre Granata veut créer des espaces verts sur les zones non exploitables et inondables. Autre objectif : créer des activités de loisirs dédiées à la jeunesse et consacrer un secteur aux entreprises en développant une zone franche. La ville est sur un axe stratégique.
Pour Vincent Bony, il y a un travail de dépollution important sur cette zone de près de 7 hectares qui a une longue histoire industrielle. Le candidat envisage un parc naturel reliant les différents quartiers de la ville, une "fabrique de l'écologie" et "une ressourcerie". Une activité économique de co-working, des écoles et du résidentiel pour les personnes âgées.
Pas la peine de voter Vincent Bony, voter pour moi, le projet qu'il vient de présenter (pour la friche), c'est le mien," ironise l'ancien maire.
Mais le maire rappelle qu'il reste des questions foncières à régler. Et que la dépollution va prendre du temps.
Le 28 juin, les Ripagériens devront choisir entre un maire qui entend être "proche des Ripagériens", "à l'écoute" ou encore "humain".... selon les mots des trois candidats.
Pour voir ou revoir le débat
Rappels : Les résultats du 1er tour
Comme partout ailleurs, le premier tour a été marqué par un taux de participation historiquement bas (35,6%). A peine un tiers des électeurs ripagériens se sont déplacés le 15 mars dernier aux urnes. La liste conduite par le maire sortant Jean-Claude Charvin (31.9 %) a été distancée par le candidat de la gauche Vincent Bony (38.1 %). Gerard Octroy, ancien premier adjoint du maire sortant est arrivé en troisième position (16%) et le quatrième homme, le candidat Jean-Pierre Granata a aussi été en capacité de se maintenir au second tour (14,1%). La ville s'acheminait vers une quadrangulaire pour le deuxième tour.