Le procès du père Peyrard s'est ouvert mardi après-midi au tribunal correctionnel de St-Etienne. Cet ancien aumônier est accusé d'agression sur mineur, une seule affaire non prescrite. Juste avant l'audience, une terrible confrontation va opposer le prêtre à l'une de ses nombreuses victimes.
Le procès du père Régis Peyrard s'est ouvert en tout début d'après-midi, mardi, devant le tribunal correctionnel de Saint-Etienne. Le prêtre est accusé d'agression sexuelle sur mineur. Un procès très attendu par les victimes qui ont eu, depuis le début, bien du mal à se faire entendre de l'Eglise et même de la justice, qui avait un temps classé le dossier.
Juste avant l'audience, Jean-Francois Roche, l'une de ses victimes, s' approche de Régis Peyrard, son ancien confesseur, pour obtenir de lui des réponses. "Régis, tu te souviens pas ? Tu te souviens pas de Peisey-Nancroix ?" Le camp de vacances de Peisey-Nancroix, en Savoie, était l'un des endroits où le père Régis Peyrard, alors aumônier, attirait ses jeunes victimes pour abuser d'elles.
Jean-Francois Roche est à quelques mètres de lui et très ému, il l'interpelle. "J'aimerais, au moins que tu demandes pardon. Pourtant le pardon, c'est un pilier de l'église. Régis, je suis pas le diable ". Face à lui, le père Peyrard se tait et se contente de baisser la tête. Il reste impassible. A aucun moment, il ne la relèvera pour regarder sa victime en face. Terrible confrontation.
A l'audience, l'ancien prêtre, redevenu laïc, s'adresse à la psychiatre qui l'a expertisé en ces termes : "Je suis bien content de ce procès. Ou je serai condamné ou je ne le serai pas. Cela ne m'enlèvera pas ma peine" (...) J'ai dit que j'avais des tendances homosexuelles quand j'avais 18 ans avant de devenir prêtre. J'ai cru que je pouvais résister à mes pulsions pendant la prêtrise".
Mémoire sélective
C'est en définitive une seule affaire d'agression sur mineur, qui date des années 2000 et non prescrite, qui vaut au père Peyrard d'être cité à comparaître en 2018 devant la justice.
Vient justement le témoignage de "Maxime": "Cela s'est passé deux fois. J'avais onze ans. Il m'a caressé les fesses et une autre fois, il m'a coincé pour me mettre la main dans le caleçon. J'ai perdu pied." Maxime a dû être hospitalisé plus tard en unité psychiatrique. Il a déposé plainte contre le père Peyrard mais très perturbé, il n'a pas supporté l'idée de la confrontation. La plainte est classée sans suite en 2002. Maxime poursuit: "Etre victime d'un pédophile , c'est quelque chose d'insidieux qui ressurgit brutalement dans votre vie quand on ne s'y attend pas".
Le père Peyrard prend la parole. "Je reconnaîs que cela a bien pu se passer mais je ne me souviens pas des conditions exactes"
Le président du tribunal s'étonne alors de la mémoire sélective du prêtre. Il se souvient bien d'autres faits mais pas des gestes qu'il a eus vis à vis de Maxime. Réponse de R. Peyrard :" Je ne sais pas. J'en ai entendu parler. Donc, je me dis que c'est possible mais je ne me souviens pas des dates et des personnes".
Au tour de l'avocat général de s'émouvoir : "Pourquoi faîtes vous des aveux circonstanciés quand les faits sont prescrits et pas d'aveu quand les faits ne sont pas prescrits ?"
"Je suis un salaud "
"Maxime"est la seule victime dont la plainte est recevable. Mais la justice appelle à la barre plusieurs autres de ces victimes présumées dont les plaintes sont prescrites. Une forme de reconnaissance tardive de leur souffrance.
Jean-François, 51 ans, témoigne à son tour : " Nous étions à la cure du lycée. Il m'a fait subir une masturbation. J'étais sidéré. Plus tard, je me suis retrouvé dans ce camp de vacances en Savoie avec lui. Je ne sais pas quels autres enfants ont subi tout cela. J'ai eu envie de me supprimer et je suis entré dans une amnésie traumatique pendant plus de vingt ans". Jean-Francois élargit son propos : "On peut se demander si l'Eglise ne porte pas en elle une mauvaise culture. Elle a du mal a regarder le réalité en face".
Georges, 65 ans, fait part de son expérience avec le père Peyrard et sa conclusion n'est guère différente : "Quand il avait la main dans ma culotte, le Bon Dieu, il faisait quoi ? "
L'avocat général s'énerve et s'adresse à l'accusé : "Arrêtons de tourner autour du pot. Mettez les mots sur ce qu'il s'est passé"
Régis Peyrard peine à trouver les mots : "Oui, j'avais des débats moraux. Je ne sais comment j'arbitrais. J'essayais d'éviter de me retrouver avec des enfants". Il va demander pardon à deux de ses victimes : "Je demande pardon . Je ne pensais pas que mes actes pourraient provoquer ce genre de traumatismes." Et il finit par reconnaître les faits : "Je suis un salaud " admet-il.
L'avocat général a requis 3 ans de prison dont 18 mois ferme contre Régis Peyrard.