Joseph Cascina a découvert son électrosensibilité à la pose de son compteur Linky. Il est le premier client d'Enedis à obtenir gain de cause en justice sur la base d'un principe de précaution. Le collectif Stop Linky 5G Loire espère que ce jugement fera jurisprudence.
C'était un son insupportable pour Joseph Cascina, mais son calvaire est maintenant terminé. Il est le premier plaignant à remporter un procès contre Enedis, obligeant l'entreprise à retirer son compteur Linky.
Un long combat
Jusqu'à l'installation de son compteur Linky, Joseph l'assure : il n'avait aucun souci. Tout a commencé dès le lendemain. Il entend en permanence un sifflement strident qui l'obsède et le fatigue. "Y a des sifflements dans ma tête qui sont apparus, et c'était en permanence", nous confie-t-il. "Le jour, la nuit... Tous les soirs, je prenais un cachet pour m'endormir, c'était devenu infernal", poursuit Joseph.
Je partais de chez moi, au bout d'une heure, les sifflements s'arrêtaient. J'allais chez mes beaux-parents qui n'ont pas de compteur Linky, ça ne me sifflait pas là-bas. Dès que je revenais à la maison, au bout d'un quart d'heure, les sifflements repartaient de plus belle.
Joseph Cascina, électrosensible
Le Ligérien fait alors le lien avec l'installation de son compteur Linky. Il demande à Enedis d'intervenir, sans succès. Commence alors une bataille juridique qui va durer trois ans et demi. Il gagne en première instance à Saint-Étienne, puis en appel à Lyon. Entre-temps, Enedis lui a remis un ancien compteur.
Des symptômes complexes
L'électrosensibilité ou sensibilité électromagnétique se caractérise par une intolérance aux champs électromagnétiques émis par les téléphones, les radios, les antennes ou tout appareil ménager. "Les symptômes sont variés : maux de tête, fatigue chronique, des réactions cutanées, des troubles de la concentration... L'enjeu est d'attribuer ces symptômes à ce syndrome, sachant que dans un premier temps, il faut vérifier qu'ils ne sont pas dus à un autre problème de santé", explique le Professeur Luc Fontana du Centre régional de pathologie professionnelle et environnementale.
Problème : il n'existe pas de preuve scientifique faisant le lien direct entre les ondes et le ressenti des personnes électrohypersensbiles. Il faut donc pour les médecins éliminer toutes les autres causes potentielles.
"Pour le moment, on voit que les troubles n'évoluent pas vers quelque chose de plus grave, détaille le médecin, mais les conséquences sur la vie sociale et professionnelle peuvent être importantes, car les malades s'isolent." Comme il n'était bien nulle part dans sa maison, Joseph raconte qu'il arrivait à "s'engueuler avec sa femme".
Je disais qu'est-ce qui se passe dans ma tête et personne ne comprenait. C'était compliqué. Souvent, je partais de chez moi. (...) C'est un truc de fou.
Joseph Cascina
Une étude nationale
À Saint-Etienne, Lyon et Clermont-Ferrand, plusieurs spécialistes participent à une étude menée par l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) pour mieux connaître ces patients et avoir une meilleure épidémiologie de cette population. Le but est de proposer une prise en charge adaptée.
Objectif : renforcer les connaissances sur l'électrohypersensibilité qui peut être associée à différents types d'onde et qui ne se manifeste pas toujours de la même façon. L'analyse des données recueillies sur la base d'entretiens et d'examens médicaux volontaires et les résultats de l'étude sont attendus en 2025.
Vers une simplification des déposes ?
Dans la Loire, le collectif d'opposants au compteur Linky espère que cette première décision de justice permettra une simplification des procédures pour tous les clients Enedis concernés. Le collectif prône une demande administrative simplifiée de dépose de compteur sur présentation de certificats médicaux.
Contacté, le service communication d'Enedis met en avant que, " la décision rendue par la Cour d’appel de Lyon, qui a été exécutée par Enedis, fait figure d’exception et ne reflète en rien la jurisprudence relative à l’installation des compteurs Linky".
L'énergéticien s'appuie sur une étude de l'ANSES, de 2017 et mise à jour en 2023, selon laquelle, les niveaux d’exposition aux champs électromagnétiques émis par les compteurs "restent comparables à ceux émis par les dispositifs électriques ou électroniques domestiques comme les chargeurs d’appareils multimédia ou encore les plaques à induction".
En 2018, l'ANSES estimait que 5% de la population était concernée par l'electrohypersensibilité, soit 3,5 millions de personnes environ.