7 ans après l’arrestation controversée de Wissam El Yamni à Clermont-Ferrand, les avocats de sa famille ont présenté lundi 4 février une nouvelle expertise qui écarte une surconsommation de cocaïne. L’"intervention d’un tiers" serait l’élément humain « déterminant et déclenchant » son décès.
Clermont-Ferrand, le 4 février 2019. Autour de la table, la mère et la sœur de Wissam El Yamni ont pris place, entourées des avocats de la famille, des membres du comité Justice et Vérité pour Wissam ou encore de la Ligue des droits de l’homme. C’est d’ailleurs la sœur du jeune Clermontois décédé en janvier 2012 après une arrestation controversée qui entreprend, devant les médias, la lecture du rapport d’expertise qui leur a été notifié deux jours plus tôt, et versé à la procédure. Une lecture longue, interrompue parfois par des sanglots, et jalonnée de nombreux termes médicaux.
Pour les avocats, toutefois, c’est « un progrès », pour la famille « un soulagement », « un petit pas vers la vérité ». Car tous espèrent que les conclusions de ce rapport d’expertise vont relancer la procédure. Selon ces nouveaux éléments, le décès de Wissam El Yamni serait dû à trois facteurs combinés : « une consommation importante d’alcool », un « stress », associés à l’ « intervention d’un tiers » (un ou plusieurs policiers).
Wissam El Yamni a été victime de violences
« Jusqu’ici on essayait de nous faire croire que Wissam El Yamni était mort suite à une surconsommation de cocaïne associée à l’alcool, ce qui sur le plan scientifique était complètement délirant comme nous l’avions largement démontré, notamment en produisant des contre-rapports (…) Aujourd’hui, on revient à l’idée que Wissam El Yamni a été victime de violences parce qu’il y a de nombreuses blessures qui en attestent et, deuxièmement, à l’idée que certaines de ces violences ont conduit à sa mort. Alors, est-ce qu’il s’agit du pliage (ndlr, technique d’immobilisation qui consiste à maintenir une personne assise, la tête appuyée sur les genoux) tel qu’il est décrit ou d’un autre phénomène hypoxique (ndlr, diminution de la quantité d’oxygène dans le sang), peut-être qu’il y aura des questions complémentaires à poser », estime Me Jean-François Canis.
Il n'était pas sous l'influence de la cocaïne
« C’est confirmé par ce rapport, le taux de cocaïne au moment des faits était inexistant, en tous cas inférieur au seuil actif. Il y avait des résidus qui signifiaient qu’il y avait eu une prise antérieure, mais au moment de son interpellation - et c’est ce que nous dit le présent rapport – Wissam El Yamni n’était pas sous l’influence de la cocaïne. Donc on va écarter maintenant l’histoire de l’action néfaste sur le cœur de la combinaison alcool-cocaïne », reprend Me Jean-Louis Borie.
Les deux conseils espèrent désormais que ce nouveau rapport d'expertise va relancer la procédure. L’affaire remonte à janvier 2012. Au cours de la nuit de la Saint-Sylvestre, Wissam El Yamni était interpellé dans le quartier de la Gauthière, à Clermont-Ferrand, par des policiers. Une interpellation controversée. Il décédera 9 jours après être tombé dans le coma.
Une information judiciaire a été ouverte pour violences volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner par personne dépositaire de l’autorité publique. Deux policiers ont été mis en examen avant d’être placés, finalement, sous le statut de témoin assisté.
On attend que l'instruction reprenne dare-dare
« On attend que l’instruction reprenne dare-dare et que des témoins soient entendus. Je pense également qu’il (ndlr, le rapport) peut avoir une incidence majeure sur la nécessaire mise en examen au moins d’un des policiers qui avait été placé sous le statut de témoin assisté. Et puis, qu' on avance maintenant vite vers une issue, vers une ordonnance de renvoi devant la juridiction parce que ce n’est pas possible qu’une affaire dure 7 ans et qu’elle ait été endormie par des balivernes médicales », estime notamment Me Jean-Louis Borie.
Pour la sœur de Wissam El Yamni, « ça change énormément de choses, ça montre aussi que dès le début ils ont voulu criminaliser mon frère, montrer que c’était un délinquant (…) et c’est pas du tout le cas. Il y a eu une mauvaise arrestation. Qu’est-ce qu’il s’est passé ? Il faut que l’affaire continue. La famille est toujours présente, elle demandera toujours justice, on restera là jusqu’à ce que la vérité soit faite », a-t-elle ajouté.