A l’occasion de la Toussaint, nous pouvons davantage penser à la mort et à notre propre finitude. Face à la peur de mourir ou à l’angoisse de la mort, une psychologue nous donne des clefs pour mieux appréhender ces sentiments.
En ce 1er novembre, vous serez sans doute nombreux à aller fleurir les tombes familiales pour la Toussaint. Cette période nous fait davantage songer à la mort et à notre propre finitude. Quand l’angoisse existentielle est trop forte, on parle d’angoisse de mort. Elle ne doit pas être confondue avec la peur de mourir. Delphine Py, psychologue à Clermont-Ferrand, explique : « La peur de mourir et l’angoisse de la mort présentent des mécanismes très différents. Quand on a peur de mourir, c’est plutôt de l’ordre de la phobie et cette peur intervient dans certaines situations. Par exemple, si on prend la voiture, on a peur que cela entraîne la mort. La peur de la mort va entraîner des évitements de certaines situations. La peur de la mort est plus une crise existentielle : elle va de pair avec le besoin de tout contrôler, comme la peur de vieillir. C’est quelque chose de plus global qui active plus la conscience de sa propre finitude. Avec la superstition, on essaie de contrôler la mort. A l’opposé, la phobie de mourir est davantage situationnelle ». La peur face à la mort peut mener à des symptômes très handicapants allant jusqu’au trouble panique. Quand l’angoisse de mort est insupportable à vivre, on parle de vraie phobie qui perturbe donc la vie quotidienne de la personne concernée.
Une angoisse qui commence enfant
L’angoisse de la mort est un mécanisme naturel. Il apparaît dès l’enfance : « Vers 7 ans, à plus ou moins un an près, l’enfant prend conscience de la mort, avec une vision assez proche de celle de l’adulte. Il se rend compte qu’une fois qu’on est mort, on est vraiment mort. A ce moment-là, il est normal d’avoir peur de la mort. Il y a une période où cette peur est assez activée. Pour en parler, il y a de nombreux livres qui existent sur la mort, et cela peut être un bon support si on n’est pas à l’aise. Si on ne se sent pas suffisamment armé, notamment lors d’un deuil, il faut répondre aux questions de l’enfant sans les devancer. On essaie de répondre en fonction de ses valeurs, de ses croyances et on laisse la porte ouverte aux questions. On peut demander son avis à l’enfant. Il faut considérer l’enfant là où il en est ». Chez certains, l’angoisse existentielle revêt différents symptômes. Delphine Py les détaille : « Il peut y avoir des troubles du sommeil, des comportements de contrôle comme des TOC ou des contrôles de son alimentation. Il peut aussi y avoir des comportements d’évitement de tout ce qui peut provoquer ou accélérer la mort. L’anxiété peut devenir permanente, comme un repli sur soi-même ou une dépression. On peut connaître des troubles de la concentration, de la difficulté à être dans le présent, en se projetant dans le futur ou dans le passé, avec la rumination. On peut repérer ces symptômes pour prendre conscience qu’il y a un problème et se dire qu’on a peut-être besoin d’en parler à un professionnel ».
La fréquence des angoisses nocturnes
L’angoisse de mort peut se manifester à n’importe quel moment de la journée et aussi se produire la nuit et au moment du coucher. On parle alors d’une angoisse de mort nocturne : « Les angoisses nocturnes ou matinales sont différentes. Dans une théorie évolutionniste, le soir, quand nous étions des hommes de Cro-Magnon, on était un peu plus en danger : il fallait être en hyper vigilance pour rester en sécurité. Il peut y avoir ainsi certains restes quand le soir arrive. C’est aussi le moment où on a moins d’activité et où on ne travaille pas : on est dans son lit ou dans son canapé, face à soi-même. Si on évite de trop penser à certaines choses, c’est aussi là que les pensées peuvent réapparaître ». Certaines personnes peuvent être plus fragiles face à la peur de la mort. Delphine Py souligne : « On peut tous être inquiets et angoissés par rapport à la mort mais on n’y pense pas tous les jours. On y pense à certaines périodes de l’année, comme à la Toussaint ou suite à un deuil. Dans ces moments-là, il est normal d’éprouver une sorte d’angoisse ou de stress par rapport à la mort. Il y a certaines problématiques psy qui peuvent augmenter la fréquence et l’intensité de ces peurs. Si on est dans un trouble anxieux, si on a des TOC, si on souffre d’hypocondrie, si on est en dépression, on peut avoir plus de pensées fréquentes et intenses ».
Mener une vie pleine de sens
En ayant peur de la mort, on peut cependant avancer : « S’inquiéter pour sa mort est quelque chose qui est fonctionnel car cela nous maintient en vie. Il ne faut pas l’oublier. Mais si cela devient trop intense, trop extrême, on peut envisager de pratiquer la pleine conscience et rester dans l’instant présent. On peut aussi essayer de savourer sa vie, de l’exploiter, pour se dire qu’on essaie chaque jour d’être en accord avec soi-même, avec ses valeurs. Cela permet de se sentir à l’aise avec la mort, quand on a eu une vie pleine de sens. On peut essayer d’explorer ses valeurs et de diriger sa vie en fonction cela ». La psychologue clermontoise précise comment elle travaille lors d’une consultation : « En séance, j’aime bien explorer ce qui nous fait vraiment peur avec la mort, ce qu’on appelle la flèche descendante. Souvent les personnes disent qu’elles ont peur de la mort, mais on peut s’interroger pour savoir s’il s’agit de la peur de souffrir, de la peur de mourir trop tôt, de la peur d’abandonner ses proches. On essaie de comprendre ce qui active vraiment cette angoisse. Ensuite, on a plus d’éléments pour travailler sur ce qui est le plus difficile par rapport à la mort ». Si la peur est trop paralysante, on peut en parler à ses proches ou à un professionnel. Si on se sent dépassé, les psychologues et les psychiatres sont aussi là.