Les Archives départementales du Puy-de-Dôme proposent jusqu'au 17 septembre 2023 une exposition sur la dentelle du Livradois. Et pour l'inauguration, un couvige a eu lieu, c'est-à-dire, un rassemblement de dentellières qui se sont confrontés aux dessins d'autrefois. L'occasion de redécouvrir ce patrimoine régional et de se rendre compte que cette pratique reste bien vivace.
Les fuseaux de bois valsent entre les doigts dans une partition savamment réglée. Les visages sont concentrés sur l’ouvrage de dentelle. « C’est très relaxant », confie Virginie Eymard, 12 ans de pratique. « Quand on fait de la dentelle, on ne pense pas à autre chose. » De la minutie. Et beaucoup de patience. « Cela fait oublier tout autour, les soucis disparaissent car on est plongé dans notre travail », confirme Roselyne Coupelon, dentellière à Aubière.
Mais de table en table, on s’échange les expériences, les conseils, les avis. En ce samedi inaugural de l’exposition sur la dentelle qui va animer le lieu tout l’été, la salle de lecture des Archives départementales de Clermont-Ferrand résonne d’un brouhaha de passionnées. Digne d’un couvige. Comme autrefois. « Avant les femmes se retrouvaient ensemble. On appelait ça un couvige, comme ce que nous faisons maintenant », se souvient Véronique Guérin, venue tout spécialement de Saint-Paulien en Haute-Loire. « « Elles croisaient les fuseaux pour faire des rubans qu’elles vendaient au mètre. »
Elles sont 45 penchées sur leur carreau - le nom du support sur lequel elles réalisent leur dentelle - à deux pas de l’exposition « Les Archives font dans le dentelle ». Un fonds de 11000 dessins conservés au tribunal de commerce d’Ambert. Car on n’y pense guère mais le Livradois fut aussi une terre de dentelle, à l’image de la région du Puy-en-Velay en Haute-Loire.
« L’activité dentellière était très importante dans l’arrondissement d’Ambert à la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle », indique Frédéric Brau, le directeur des Archives départementales de Clermont-Ferrand. « Des marchands ont voulu créer des modèles qui collaient à la mode et ils ont embauché des dessinateurs qui ont rivalisé de créativité et d’originalité. »
Des photos, des dessins, des modèles de dentelle font revivre le quotidien de ces femmes. Jusqu’à 10 000 dentellières ont été dénombrées en 1872 dans les cantons de Viverols, d’Arlanc et de Saint-Anthème. « On découvre l’importance du travail à domicile où la dentelle était réalisée en plus des tâches ménagères et domestiques », continue Frédéric Brau. « Se dire que là, on a un petit bout de la vie quotidienne, c’est émouvant. »
Mais aujourd’hui, dans la salle de lecture des Archives départementales, il n'est plus question de nécessité économique. Juste de plaisir et de créativité. « C’est la technique et la complexité qui me plaisent », confie Marie-Thérèse Bonniol, l’une des 45 dentellières rassemblées pour ce couvige. « Il y a toujours à découvrir ! C’est infini, la dentelle ! Je la compare à la musique. Il y a quelques points de base qui ne sont pas très nombreux mais ensuite les combinaisons sont infinies ! »
La plupart de ces femmes ont appris au sein de clubs répartis sur le territoire auvergnat. « Tout part du dessin », explique Virginie Eymard. « Il faut que chaque trait corresponde à une paire de fuseaux qui doit avancer selon le dessin et qui croise au fur et à mesure d’autres paires de fuseaux qui arrivent dans l’autre sens. Et c’est là où on croise les fuseaux et où on met les épingles pour que cela reparte dans le bon sens. On avance comme ça. »
Cela paraît si simple finalement... « Nous faisons de notre mieux », confie Véronique Guérin qui s’est mise à la dentelle il y a 3 ans. « On apprend progressivement les points, à croiser nos fuseaux. Il y a des points qui paraissent difficiles au début mais ce n’est pas si compliqué que ça quand on commence. »
Comme nos grands-mères
Une envie de créer ou de se confronter à la nouveauté. Chacune a sa motivation. Pour l’altiligérienne, c’est même sentimentale : « Ma grand-mère était dentellière. Elle avait un carreau dont j’ai hérité et je me suis dit qu’un jour je ferai comme elle. C’était pour moi symbolique. Je voulais comprendre ce que ma grand-mère avait réussi à apprendre et qu’elle n’a pas pu me transmettre. »
Des techniques ancestrales mais qui permettent l’innovation. Marie-Thérèse Bonniol a choisi de travailler avec…du crin de cheval et du fil de cuivre de bobine de moteur ! « Du moment que c’est du fil, on peut faire de la dentelle avec ! C’est juste plus ou moins facile. »
Alors, ça vous tente ? L’exposition « Les Archives font dans la dentelle » dure jusqu’au 17 septembre. Et un prochain couvige aura lieu au musée de la dentelle à Arlanc dans le Puy-de-Dôme le 13 août 2023.