Cancer : comment le centre Jean-Perrin de Clermont-Ferrand protège les immunodéprimés du COVID

A Clermont-Ferrand, le centre Jean-Perrin est spécialisé dans la lutte contre le cancer. La plupart de ses patients sont immunodéprimés et donc vulnérables face au COVID. Voici comment l’équipe médicale met tout en œuvre pour les protéger de l’épidémie.

Le centre Jean-Perrin de Clermont-Ferrand, ouvert en 1973, est l'un des 20 centres de lutte contre le cancer en France. Les patients sont particulièrement fragiles face à l’épidémie de COVID.

La dimension relationnelle prise en compte

Le Dr Hakim Mahammedi, médecin oncologue et responsable du département de médecine oncologique, revient sur les stratégies développées dans le centre lors des différentes vagues de l'épidémie : « En tant que centre de cancérologie, nos patients sont majoritairement immunodéprimés parce qu’ils sont en cours de traitement, de type chimiothérapie ou autre. Il y a eu un aspect de protection au sein des services et on a très vite été confrontés à une dimension relationnelle avec des patients immunodéprimés, donc fragiles qui se retrouvent quelques fois dans des phases difficiles, les phases palliatives. Il y avait un côté humain qui était important, notamment pour l’accompagnement en fin de vie. On a été à la fois très sévères par le filtrage, avec une diminution des visites à l’intérieur des services et on a fait des exceptions pour les patients en fin de vie : on autorisait une personne de la famille pour accompagner la fin de vie. La deuxième étape a été le vaccin. On recommande de vacciner tous les patients, sauf contre-indications qui ne sont pas nombreuses. C’est assez bien suivi. On a énormément de patients qui sont vaccinés et malgré des récalcitrants, on a une forte adhésion à la vaccination au sein du personnel et des patients ». Le Dr Nathanaël Eisenmann, médecin anesthésiste-réanimateur et président de la Commission Médicale d’Etablissement, précise : « Il y a un haut niveau de conscience de cette fragilité, que ce soit du côté des patients comme du personnel ».

"On a mis tout en œuvre pour que le patient soit le moins exposé possible au virus"

Il poursuit : « On a mis tout en œuvre pour que le patient soit le moins exposé possible au virus. C’était très vrai initialement sur les premiers variants qui étaient particulièrement graves chez les immunodéprimés. On s’est évertués à avoir un établissement sans COVID donc on n’acceptait pas de prendre en charge des patients atteints de COVID. Toutes les mesures barrières ont été suivies de manière très scrupuleuse, avec des filtres, une veille particulière au port du masque. Une difficulté s’est présentée à nous : on a des patients extrêmement fragiles mais pour qui l’isolement est une vraie difficulté dans l’existence, et dans une fin de vie en particulier. Ca nous a obligés à nous adapter à l’accompagnement des personnes, malgré une réglementation assez stricte. Les patients avaient besoin d’être accompagnés. Dans des situations de fin de vie ou des situations critiques, comme la réanimation, on a beaucoup jonglé. Ca a demandé énormément d’énergie de la part des soignants, de l’encadrement, des hygiénistes. Je pense qu’on a réussi au maximum à protéger nos patients car il y a eu très peu de cas acquis dans l’établissement, alors qu’on a été plus permissifs en termes d’accompagnement que d’autres établissements. Les visites ont toujours été très encadrées. La première vague a été marquée par des défauts d’accompagnement qu’ont ressentis les patients et les familles. Mais je crois qu’on n’a jamais totalement fermé l’établissement ».

Des visites réglementées

Le COVID vient perturber le fonctionnement classique du centre Jean-Perrin. Le Dr Hakim Mahammedi indique : « La vie de l’établissement est toujours perturbée mais on a appris à vivre avec le virus, avec toutes ces mesures. On a appris de la connaissance du virus en lui-même, de sa contagiosité, de sa gravité. Il y a un impact évident sur le centre Jean-Perrin car les visites sont limitées pour les patients. Quand on fait des consultations dites de première fois, on a décidé d’accepter un seul accompagnant. Ce sont des consultations d’annonce et on sait qu’elles ont un impact psychologique important. Pour les consultations de surveillance, on n’accepte pas d’accompagnants. Pour les hospitalisations et lorsqu’un patient est dans une phase palliative, on accepte bien évidemment des membres de la famille mais en dehors de cela on diminue le nombre de visites ».

Le pass vaccinal nécessaire

Le Dr Nathanaël Eisenmann rappelle : « Il faut le pass vaccinal pour les visites. On a essayé d’arrondir les angles car on a conscience de la nécessité de l’accompagnement, quelles que soient ses convictions. On a maintenu au maximum de proposer des tests antigéniques pour ménager toutes les susceptibilités ». « Si un patient n’a pas le pass vaccinal, il va être traité » rappelle le Dr Hakim Mahammedi. Les patients traités au centre Jean-Perrin ont pour la plupart une grande peur d’attraper le COVID.

"Les patients sont fragiles"

Le Dr Hakim Mahammedi souligne : « Les patients sont fragiles, ils ont une maladie souvent évolutive. On fait des traitements de chimiothérapie ou autre après une progression ou une découverte de la maladie. Pour enrayer cette progression, pour la guérir, les patients sont fragilisés par la chimio. Elle va donner un certain nombre d’effets secondaires, notamment d’infections, et on sait que s’ils attrapent le COVID, ça va surajouter un effet qui peut être dévastateur, pouvant aller jusqu’à la mort, due non pas à la maladie, mais au COVID. Les patients l’ont très bien compris, ils font très attention. Plusieurs patients me disent qu’ils font leur traitement, ils rentrent chez eux et ne voient personne. Ils s’isolent parfois un peu trop sévèrement. Cela peut avoir un impact psychologique, avec le poids de la maladie, des traitements et la peur d’attraper un virus ».

Un filtrage qui a évolué

Les mesures d’accompagnement ont évolué au fil du temps au sein de l’établissement. « Il y a eu deux temps. D’abord on a été prudents puis il y a eu une deuxième période où on a été très stricts, avec le filtrage, avec impossibilité de visites. On s’est rendu compte que dans les services le COVID pouvait être amené par les gens qui visitaient les patients. A ce moment-là, on a été beaucoup plus sévères, voire même très stricts » confie le Dr Hakim Mahammedi. Le Dr Nathanaël Eisenmann raconte : « Le filtrage a évolué avec le temps et l’évolution de la densité virale. Actuellement, et ça a été le cas pendant les grosses phases de circulation virale, on limite à une personne par patient par jour et pendant une heure. On applique les conditions les plus strictes et progressivement, quand les vagues diminuent, on est un peu plus tolérants. On insiste beaucoup sur les gestes barrières qui sont répétés pour chaque visite. Pendant la première vague, il y avait zéro visites mais pour certains patients, notamment en chirurgie pour des séjours courts et pour des prises en charge plutôt bénignes. Pour ce qui est de la réanimation, je crois qu’on n’a jamais été dans les zéro visites. Ca a été étudié par la suite et il y a un impact social et psychologique qui est vraiment important. Actuellement, au CHU ils sont dans une période sans visites et ce n’est pas la politique de notre établissement. On veut accompagner les gens dans leur globalité ».

Le médecin ajoute : « En réanimation, il y a la culture de la « précaution gouttelette ».  C’est le mode de contamination du coronavirus mais c’était connu pour pas mal de viroses respiratoires ». Actuellement, au centre Jean-Perrin se pose la question d’une quatrième dose pour les patients immunodéprimés. Les médecins attendent les recommandations des autorités sanitaires.

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