Depuis le début de semaine, le port de l’uniforme est obligatoire au lycée Sainte-Thècle de Chamalières, près de Clermont-Ferrand. Les parents d’élèves semblent plébisciter cette initiative. Des lycéens paraissent plus partagés. Seuls deux établissements en Auvergne ont fait le choix de l’expérimentation.
Il est 7h30 ce mardi matin à Chamalières, près de Clermont-Ferrand et les grilles de l’établissement privé Sainte-Thècle s’ouvrent. De la maternelle au lycée, 1 300 élèves s’y pressent chaque jour. Depuis le début de la semaine, les lycéens doivent porter un uniforme. Avec le lycée professionnel Val d’Allier, l’établissement Sainte-Thècle s’est porté volontaire en Auvergne au port de la tenue unique à la rentrée 2024. Résultat : chaque adolescent s’est vu remettre un kit comprenant 2 polos, 3 T-shirts et 2 sweats. Tous sont bleu marine et siglés Sainte-Thècle. Les kits sont fournis intégralement par la Région, et les familles n’ont rien à débourser. De nombreux lycéens interrogés semblent séduits par cette initiative. Chloé, élève de terminale, explique : “C’est plutôt bien de porter l’uniforme. Cela permet de gommer les inégalités donc c’est pas mal. Je ne me demande plus comment je dois m’habiller le matin”. Tom, élève de seconde, affirme d’un ton péremptoire : “Franchement c’est très agréable. Certains s’habillaient un peu vulgairement et là, c’est fini”.
Quelques lycéennes frustrées
Après un enthousiasme assez généralisé au sujet du port de la tenue obligatoire, quelques réserves apparaissent. Lina, élève de première, nuance : “D’un côté c’est bien parce qu’il n’y a plus de différences entre nous mais de l’autre, certains ne peuvent plus exprimer leur personnalité par leur tenue. Là c’est un peu frustrant car j’aimais prendre du temps pour choisir mes vêtements. Je m’habitue, je n’ai plus le choix”. Un peu plus loin, Violette, élève de seconde au maquillage impeccable, porte un sac à main de luxe : “Ce n’est pas la meilleure chose car à travers nos vêtements on peut s’exprimer. J’aime bien la mode donc je suis frustrée. Je préférerais une tenue avec chemise, blazer”. Même son de cloche pour Jeanne, élève de première : “Je n’étais pas forcément pour l’uniforme parce que je trouve qu’il n’est pas très beau. J’aurais préféré une tenue comme aux Etats-Unis mais peut-être que cela pourra évoluer. J’aimais bien me préparer pour venir en cours, choisir ma tenue, donc là c’est un peu dur”. Lily, élève de seconde, suggère une extension de l’expérimentation à l’ensemble de l’établissement : “C’est une bonne chose. L’inconvénient est que mon uniforme est beaucoup trop grand, même si j’ai choisi la plus petite taille. On nous laisse choisir le bas de notre tenue, et c’est une bonne chose. Il faudrait que l’uniforme soit aussi adopté au collège car les élèves se respectent moins qu’au lycée”.
4 objectifs pour l'expérimentation
Quelques garçons émettent des réserves. Maxence, élève de première, affirme : “J’aurais préféré garder mes habits. Ce sont mes goûts, mon choix”. À ses côtés, Marius, élève de terminale, observe : “Cela empêche une certaine diversité. La question du harcèlement concerne davantage le collège que le lycée. On est plus mature donc je pense que ce problème nous touche moins”. En effet, selon le site Internet du ministère de l’Education nationale, la tenue commune doit : “renforcer la cohésion entre les élèves, améliorer le climat scolaire, contribuer à créer une atmosphère de travail et d’égalité au sein de l’établissement et valoriser l’image de l’école et de l’établissement en créant un sentiment d’appartenance et d’unité entre les élèves”.
Des parents enthousiastes
Du côté des parents d’élèves, on semble déjà avoir adopté cette expérimentation. C’est le cas de Christelle, dont la fille est en CM1 : “Je trouve que cela met tout le monde sur un pied d’égalité. Ma fille est en primaire. L’an dernier on lui a distribué un sweat à porter le jeudi. J’espère qu’ils vont reconduire l’expérience cette année”. Anne, maman de Salomé, en CM2, ajoute : “Je trouve que ce n’est pas une mauvaise chose. Cela met tout le monde au même niveau. L’uniforme est joli, sympa, discret”. POur Diane, dont les enfants sont en CP et CE2, “C’est très bien. Ils sont dans le même moule”. “Il n’y a plus de distinction par rapport aux marques, au budget des gens. Cela évite les jalousies” souligne Julie, maman d’un élève de CM1.
Pas d'uniforme à l'anglo-saxonne
Posté à l’entrée, Eric Masson, chef d’établissement de Sainte-Thècle, accueille ses élèves avec un large sourire. Il montre l’exemple, avec une doudoune sans manches siglée de son ensemble scolaire. Les enseignants sont invités aussi à porter un sweat ou une doudoune à l'effigie de l'établissement. Il a été immédiatement favorable à l’expérimentation de la tenue unique : “Dès le début on a été réceptifs au message de la Région Auvergne-Rhône-Alpes. La démarche était constructive avec l’ensemble des familles et du corps enseignant. On donne la parole à tout le monde, ce qui permet de voir si la tenue vestimentaire va se poursuivre à l’avenir".
Dans son établissement, il y a d’abord eu une proposition de la Région. Elle a ensuite été discutée avec le fabricant. Des essais ont eu lieu. Les lycéens ont pu choisir la couleur et la forme de la tenue. Eric Masson avoue : “Ils s’attendaient à autre chose et pensaient avoir une tenue au style hispanique ou anglo-saxon, avec le costume cravate pour les garçons. Finalement tous les jeunes portent cette tenue et pour l’instant j’ai peu de retours négatifs”.
"Les élèves sont les ambassadeurs de l’établissement"
Pour le chef d’établissement, cette expérimentation a plusieurs vertus : “Les élèves sont les ambassadeurs de l’établissement. Ils véhiculent une belle image à l’extérieur, dans les transports. Je pense que l’uniforme peut avoir un impact. Attendons de voir s’il y a des effets positifs. Cela ne suffira pas à lutter contre le harcèlement. Il y aura d’autres moyens à mettre en place”. Son établissement avait déjà pratiqué une mini-expérimentation, pour les plus jeunes élèves : “En primaire et au collège, l’an dernier, on a imposé le port d’un sweat le jeudi. C'était pour changer nos modes de communication et donner une bonne image à l’extérieur”.
Eric Masson n’exclut pas d’élargir la tenue unique à tout l’établissement : “Je pense que cela serait positif d’étendre le port de la tenue à l’ensemble du groupe scolaire. Cela donne une belle image”. Des questionnaires seront remis aux élèves, aux familles, aux enseignants à la Toussaint, à Noël et en février. En avril, se posera la question de la poursuite ou non de l’expérimentation. D’après le ministère de l’Education nationale, à l’issue de cette évaluation, si les résultats sont concluants, la tenue commune sera généralisée en 2026.