C’est une affaire peu banale que le tribunal civil de Clermont-Ferrand a examiné ce mardi 21 novembre. Après la découverte de saphirs dans un ruisseau du Puy-de-Dôme, les propriétaires d’une rive poursuivent leur voisin qui exploite les pierres précieuses. Ils s’estiment lésés et réclament un million d'euros.
Ce mardi 21 novembre, le tribunal civil de Clermont-Ferrand a examiné une affaire qui sort de l’ordinaire. Près d’Issoire, dans le Puy-de-Dôme, un agriculteur, propriétaire de la rive opposée aux plaignants, s’est associé à un spécialiste du conseil aux entreprises pour exploiter des saphirs. Ses voisins de l’autre côté du ruisseau lui reprochent d’avoir extrait des pierres précieuses sur la rive qui leur appartient. Me Patrick Roesch est l’avocat des plaignants. Il explique : « Mes clients sont des propriétaires d’une commune du Puy-de-Dôme. En bas de leur propriété, serpente une rivière, qui est un ruisseau non domanial. A partir du moment où ce ruisseau sépare la propriété de mes clients et celle de leur voisin, le lit du cours d’eau en question dans lequel sont prélevées des pierres précieuses leur appartient. Mes clients reprochent à leur voisin d’avoir effectué des prélèvements dans le lit du cours d’eau qui leur appartient, dans les berges, sans avoir préalablement sollicité leur autorisation ». L’avocat indique comment l’affaire a débuté : « Mes clients se sont rendu compte en visionnant différents reportages que la SAS Rivière de France, présidée par leur voisin, avait organisé avec des orpailleurs des prélèvements sans avoir obtenu l’autorisation de mes clients ». L’avocat ne mâche pas ses mots : « Mon client estime qu’il a été porté atteinte à son droit de propriété sur ces pierre précieuses. C’est ni plus ni moins une spoliation ».
"Ces saphirs sont remontés avec le magma lors de l'explosion des volcans il y a 20 millions d'années puis ils ont été stockés dans un placer -un gisement dans les coudes de la rivière- entre 1m et 1m80 de profondeur", raconte Pierre Lavina, volcanologue.
Le code de l'environnemnent invoqué
Afin de défendre son client, Me Roesch cite le code de l’environnement : « Il dit que précisément dans une rivière non domaniale, le lit de la rivière appartient au propriétaire du terrain dans lequel passe la rivière ». L’avocat des plaignants évoque les arguments de la partie adverse : « L’avocate a avancé qu’on n’apportait pas la preuve que des prélèvements ont été faits. J’ai précisé que cette preuve était rapportée puisque les représentants de la SAS Rivière de France montraient à des journalistes qu’ils prélevaient les plus belles pierres à tel endroit. C’était des endroits qui appartenaient à mes clients. J’ai fait établir un procès-verbal de constat d’huissier ».
La question de la propriété du terrain
Me Roesch conteste les éléments de la partie adverse : « Mon adversaire est venue dire qu’il y avait finalement une contestation sur une partie du terrain appartenant à mes clients. Selon elle, ce serait un bout de parcelle communale. J’ai répondu en versant au dossier un rapport d’un géomètre qui vient dire qu’il y a une contestation sur une petite partie du terrain de mes clients mais qu’en toute hypothèse, il y a une autre partie du terrain qui appartient à mes clients dans laquelle des prélèvements ont été effectués qui ne pose aucune espèce de difficulté ». Me Roesch poursuit : « L’avocate a dit que ce dossier était compliqué et qu’il serait difficile pour un expert de faire la part des choses, de vérifier ce qui a été prélevé à tel endroit plutôt qu’à tel autre. J’ai répondu que, comme il avait une certaine traçabilité, je considère qu’il est indispensable de voir un expert et d’accéder aux comptes de la société. Il faut vérifier où sont les zones principales de prélèvement ». Contactée, l’avocate du voisin des plaignants n’a pas souhaité s’exprimer.
Un million d'euros réclamés
L’avocat demande une somme importante en réparation de cette prétendue « spoliation » : « J’ai réclamé une provision importante d’un million d’euros. Mes contradicteurs se sont vantés dans la presse depuis cinq ans environ de prélever de façon raisonnée et raisonnable entre 300 et 400 pierres par an. Un carat de saphir représente entre 500 euros et 3 000 euros, en fonction de la qualité et de la pureté. Les saphirs d’Auvergne seraient des saphirs extraordinaires. Les joailliers de la place Vendôme se les arracheraient. J’ai considéré que cette somme de un million d’euros est raisonnable et légitime ». Certains s’interrogent sur la valeur réelle des saphirs d'Auvergne. "Les saphirs les plus recherchés par les bijoutiers doivent avoir une couleur très bleue comme ceux du Sri Lanka ou de Birmanie. Les saphirs d'Auvergne sont plutôt bleus-verts comme on en trouve plus couramment par exemple à Madagascar ou en Thaïlande", estime Yves Guazzini, lapidaire près de Thiers. Selon lui, ces saphirs sont "surcôtés" et leur prix réel ne devrait pas excéder les 300 à 400 euros le carat.
L’avocat des plaignants réclame l’intervention d’un expert : « Je pense qu’il est indispensable qu’une expertise soit organisée. Je demande également une astreinte car mes clients sont troublés par les personnes qui viennent et qui veulent connaître cette rivière. Elles arpentent les lieux à toute heure du jour et de la nuit ». La décision du tribunal est attendue le 27 décembre.