Ce devait être une opportunité pour l'Auvergne de briller partout dans le monde. Mais c'était sans compter un conflit de voisinage... Dans le Puy-de-Dôme, une rivière est exploitée pour trouver des saphirs. Un voisin affirme que certaines pierres sont prises sur un tronçon qui lui appartient. Il réclame aujourd'hui réparation.
C’est une pierre minuscule, qui attise toutes les convoitises. Depuis un an, un cours d’eau du Puy-de-Dôme à l’emplacement tenu secret est exploité officiellement pour en extraire des saphirs 100% auvergnats, fruits des volcans alentours, qui leur donnent leur couleur bleu-vert. Mais depuis quelques mois, la magie de ces pierres divise. La rivière traverse plusieurs propriétés privées. Une famille de riverains a appris par hasard son exploitation. Elle se sent aujourd’hui trahie par son voisin qui en tire des trésors : « On a été très surpris de découvrir dans un reportage télévisé ce qui se passait en contrebas de notre terrain. On aurait aimé, en premier lieu, qu’il vienne nous avertir de la situation, qu’il soit complètement transparent avec nous et qu’il nous explique exactement de quoi il retourne. En deuxième lieu, on aurait apprécié qu’il nous demande des autorisations pour filmer une partie de notre propriété. »
"On se sent spoliés"
Le conflit tourne avant tout autour de la pierre précieuse. Les voisins, qui ont souhaité rester anonymes, se sentent lésés : « On aimerait retrouver notre tranquillité. Son activité génère du passage, on a un va-et-vient de personnes qui ont pu reconnaître l’endroit dans les reportages, on voudrait qu’il répare ça. On se sent aussi spoliés. On aimerait également qu’il remédie à ça. » Bruts, ces cailloux ont peu de valeur, mais une fois taillés pour en révéler tous les éclats, les prix peuvent s’envoler jusqu’à plusieurs milliers d’euros pour moins d’un gramme. Les riverains qui se disent lésés veulent porter l’affaire en justice. Leur avocat Me Patrick Roesch indique : « Qu’est-ce que vous réclameriez si vous aviez été volés ? La restitution des objets volés ! C’est aussi simple que ça. »
Une rivière, deux propriétaires
En effet, la rivière dans laquelle les orpailleurs prélèvent les saphirs appartient aux deux voisins. Selon l’avocat des plaignants, lorsqu’une rivière sépare 2 terrains, le code de l’environnement donne la propriété du lit de la rivière aux deux propriétaires à parts égales : « Le lit des cours d'eau non domaniaux appartient aux propriétaires des deux rives. Si les deux rives appartiennent à des propriétaires différents, chacun d'eux a la propriété de la moitié du lit, suivant une ligne que l'on suppose tracée au milieu du cours d'eau, sauf titre ou prescription contraire. » L’article précise : « Chaque riverain a le droit de prendre, dans la partie du lit qui lui appartient, tous les produits naturels et d'en extraire de la vase, du sable et des pierres, à la condition de ne pas modifier le régime des eaux et d'en exécuter l'entretien ». Il va falloir prouver que certaines pierres proviennent du bout de rivière qui appartient aux plaignants, « toute la difficulté » de ce dossier selon Me Roesch.
Il s’agirait même d’un des gisements les plus importants d’Europe.
Me Roesch, avocat des plaignants
L’avocat indique que la société qui commercialise les pierres tient des registres avec une certaine traçabilité au niveau du prélèvement : « Pour déterminer où les pierres ont été prélevées exactement, ce n’est pas simple. Je sollicite une expertise pour vérifier cette traçabilité puisque mes adversaires indiquent que tout est tracé et répertorié. Il y aurait même eu des accords avec les propriétaires des terrains dans lesquels serpente la rivière. En tout cas, il n’y a eu aucun accord avec mes clients, d’où ce procès civil. » Il ajoute que le préjudice est important : « Ce n’est pas un petit dossier et ce ne sont pas de petits prélèvements. Ce sont des gens qui se sont installés. Mes clients ont appris que des gens venaient sur leur propriété et prélevaient des saphirs d’une très belle qualité dans des proportions importantes. Il s’agirait même d’un des gisements les plus importants d’Europe. » Le voisin mis en cause n’a pas souhaité s’exprimer sur cette affaire. Il déclare vouloir laisser la justice faire son travail.