Corinne Roux, directrice de l’hôpital de Rethel (Ardennes) a été mise en examen le 28 novembre pour harcèlement moral. 15 salariés se présentent comme victimes. Une dizaine a porté plainte. Certains ont accepté de nous confier ce qu’ils décrivent comme "un cauchemar" dans leur quotidien au travail.
Encore aujourd’hui, ils nous disent ressentir de la terreur à son égard. "Heureusement qu’elle a l’interdiction d’entrer en contact avec nous, sinon elle nous harcèlerait probablement" nous confie un plaignant.
Le 28 novembre dernier, Corinne Roux, directrice du GHSA (Groupement Hospitalier Sud Ardennes) a été mise en examen sous contrôle judiciaire. Elle a notamment interdiction d’entrer en contact avec les victimes présumée (même celles qui n’ont pas porté plainte). Elle ne peut également se rendre dans aucun des établissements du GHSA. Actuellement en arrêt, Corinne Roux occupe donc toujours son poste.
Une première plainte en août 2023
Elle y était arrivée en mars 2023. Selon nos informations, l'affaire débute en août 2023. Une première plainte est alors adressée au Parquet de Charleville-Mezières. Cette plainte est transférée en février 2024 à la gendarmerie de Rethel où deux autres plaintes avaient également été déposées entre temps.
Débute alors une impressionnante série d’auditions. Au total, une cinquantaine de personnes témoignent face aux enquêteurs, à charge comme à décharge. 15 d’entre elles présentent le profil de victimes. Selon Magali Josse, la procureure de la République de Charleville-Mézières, seule une dizaine a porté plainte. Toutes en tout cas sont entendues par un expert psychiatre qui délivre des ITT pouvant aller jusqu’à 20 jours et parle de "retentissements importants" sur le plan psychologique. Parmi ces victimes présumées, beaucoup font partie du personnel administratif, deux sont des membres de la direction. Quelques soignants sont également concernés.
Elle nous humiliait et nous menaçait
Un salarié ayant porté plainte contre Corinne Roux
Nous avons pu nous entretenir avec certains de ces témoins et victimes présumées. Tous nous décrivent une directrice "autoritaire et toxique". "Elle pouvait nous hurler dessus jusqu'à ce qu'on pleure" nous confie l’une d’elle. "Elle n'hésitait pas à humilier les salariés, à les descendre en réunion par exemple". Ces scènes, ces salariés les jugent d’autant plus choquantes que les consignes manquent de clarté: "Quand elle disait quelque chose, il fallait lire entre les lignes".
Ces plaignants nous décrivent ainsi un climat de terreur: "j’allais au travail la peur au ventre, j’avais peur de la croiser" nous avoue l’un d’eux. Les menaces étaient selon eux quasi quotidiennes: "Ce qu'elle nous disait toujours, c'est que c'était elle qui avait le pouvoir de nomination". Un témoin nous explique que "l’ambiance était devenue délétère, avec un grand nombre de burn-out mais aussi des bore-out car elle mettait des gens au placard".
L'ARS avertie en novembre 2023
Plusieurs salariés nous disent avoir quitté l'établissement (par détachement, par mutation ou par démission) en raison de cette atmosphère. "Je me sentais très bien dans mon travail jusque-là, je n'avais pas envie de partir mais je devais la fuir" nous confie l'une d'elle.
En novembre 2023, la CGT informe l’agence régionale de santé du Grand Est des soupçons de harcèlement qui pèsent sur Corinne Roux. Après plusieurs relances, ces délégués syndicaux sont reçus et entendus. Toutefois, ils ne sont informés d’aucune suite ou procédure résultant de cette audition.
Plus de 24 heures de garde à vue
Pour les victimes présumées, le sentiment d’inaction de l’ARS tranche avec la rapidité de l’enquête de gendarmerie. Début novembre, Corinne Roux est placée une première fois en garde à vue pendant 32 heures puis une seconde fois le 28 novembre pour pouvoir être présentée à un juge d'instruction. Elle est alors mise en examen. Les plaignants se disent soulagés de cette décision mais aussi surpris: "je ne pensais pas que ça irait si loin" nous avoue l’un d’entre eux. "Nous avions vraiment peur que ça n’aboutisse à rien".
Car lorsque Corinne Roux est nommé au GHSA, elle vient de quitter un poste de directrice de deux EHPAD dans le Loiret pour lequel elle a fait l’objet d’une procédure gendarmerie, suite à des plaintes similaires. Elle avait alors bénéficié d’un classement sans suite pour "infraction insuffisamment caractérisée". "Non seulement elle n’a rien eu, mais elle a porté plainte pour diffamation contre un syndicat", se désole un témoin.
L'ARS se dit mobilisée
Nous avons également contacté l’ARS du Grand Est qui nous explique qu’elle ne commentera pas la décision judiciaire : "notre priorité reste d’assurer la continuité du fonctionnement de l’établissement, la qualité des soins délivrée aux patients et le bon accompagnement des équipes pluriprofessionnelles qui y exercent." Elle affirme également "être pleinement mobilisée, en lien avec le Centre National de Gestion des directeurs d'hôpitaux pour soutenir l’établissement".
La direction du GHSA, de son côté, n’a pas donné suite à nos sollicitations.