Education : y a-t-il des inégalités d’enseignement entre public et privé dans l’académie de Clermont-Ferrand ?

Le mois dernier, Franceinfo a publié une enquête qui révèle que les lycées privés disposent de meilleures conditions d’enseignement que le public. Mais qu’en est-il dans l’académie de Clermont-Ferrand ? Nous avons interrogé différents acteurs de l’enseignement privé et public pour y répondre.

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C’est une enquête réalisée par Franceinfo en septembre dernier et qui a fait grand bruit dans le monde de l’éducation. Elle révèle que les lycées privés disposent de meilleures conditions d’enseignement que le public. Une inégalité qui s’explique par des mécanismes de répartition complexes. L'enquête a analysé la dotation horaire globale (DHG), qui traduit le nombre d’heures de cours financées par l’Etat qu’un établissement peut assurer chaque semaine. Pour évaluer les conditions d'enseignement dans les lycées, les spécialistes calculent un autre indicateur : le nombre d'heures par élève, appelé "H/E". Plus il augmente, plus il traduit de meilleures conditions d'enseignement. Franceinfo, en collaboration avec Complément d'enquête, a eu accès à des données internes au ministère : l'ensemble des dotations par élève des collèges et lycées de France, publics et privés. Celles-ci révèlent que le H/E moyen des lycées généraux et technologiques est plus élevé dans le privé sous contrat que dans le public. À la rentrée 2023, c'était le cas dans 19 des 24 académies de l'Hexagone. L'infographie ci-dessous représente les dotations en heures par élève pour les établissements privés et publics, ainsi que la moyenne de chaque secteur, par académie. 

Au collège, où il y a plus d'élèves par classe dans le privé que dans le public, les inégalités de H/E sont moins en défaveur du public, comme le montre le graphique ci-dessous. 

"Sur les dotations du privé, on n'a peu d'informations"

Dans l’académie de Clermont-Ferrand, des syndicats du public ne sont pas surpris par cette enquête. Fabien Claveau, cosecrétaire académique SNES-FSU, explique : “Sur les dotations du privé, on n’a peu d’informations. Dans le public, les lycées de notre académie ont vu leurs dotations baisser, parfois dans des proportions très importantes, afin de mettre en place le choc des savoirs en collège. Ils ont déshabillé les lycées pour redonner quelques moyens aux collèges. Les lycées ont subi des baisses drastiques”. Il cite des exemples : “A Thiers, le lycée Montdory a eu une dotation en baisse, tout comme le lycée Jean Monnet à Yzeure. Ce dernier a perdu une soixantaine d’heures. Le lycée Banville à Moulins a aussi connu une baisse. On ne peut pas travailler dans de bonnes conditions. Quand les classes sont surchargées, nos élèves ne peuvent pas bien travailler. L’école publique a besoin de moyens”. Il évoque aussi des largesses faites par la Région Auvergne-Rhône-Alpes envers les lycées privés. Une enquête de Mediapart montre que le Conseil régional à l’époque dirigé par Laurent Wauquiez a versé plus de 260 millions d’euros de subventions facultatives aux lycées privés entre 2016 et 2023, soit plus que tous les autres exécutifs régionaux. Fabien Claveau souligne : “Ce qui nous gêne aussi ce sont les dotations très importantes de la Région Auvergne-Rhône-Alpes faites aux lycées privés. Le privé est généralement bien loti alors qu’il ne met pas en place la mixité sociale. Pour nous, l’argent public doit aller à la seule école publique”.  

 "Il y a une injustice quand on voit le nombre d’heures par élève"

David Aliguen, membre du bureau de la CGT Educ’action 63, s’inquiète aussi de ces inégalités entre public et privé : “C’est assez scandaleux de constater que de l’argent public ne va pas qu’à l’enseignement public. Dans le public, on voit le nombre d’élèves qu’on accueille par classe et on voit une forme de ségrégation scolaire et sociale qui s’approfondit. Ce sont surtout les lycées publics de notre académie qui sont les moins bien dotés”. David Aliguen poursuit : “Dans l’enseignement public, on paye nécessairement le prix de cette fuite de ces élèves mieux dotés scolairement, socialement et culturellement dans le privé. Par conséquent, on se retrouve avec une forme de ghettoïsation dans les établissements publics. Notre mission est d’accueillir tout le monde. Il y a une injustice quand on voit le nombre d’heures par élève. Dans l’enseignement public, les élèves ont moins de professeurs. Ils ont des classes surchargées”.  

 Une dotation réajustée chaque année

Pierre Germain est le directeur diocésain de l’enseignement catholique du Puy-de-Dôme et de l’Allier, ce qui représente environ 23 000 élèves. Il explique comment la dotation horaire globale est attribuée : “Les moyens sont attribués au niveau national avec une enveloppe globale sur l’académie pour les établissements privés sous contrat. Il y a des établissements privés catholiques et d’autres qui ne le sont pas. Le rectorat reçoit une enveloppe pour l’ensemble de ce réseau privé sous contrat. Chaque année cette dotation est réajustée. Cette dotation est essentielle car elle va permettre l’attribution des heures d’enseignement. Quand on parle des heures d’enseignement, on ne parle que d’une partie du coût. Le reste dépend des forfaits versés par les collectivités territoriales, et des contributions des familles”. Il émet des réserves quant à l’enquête de Franceinfo : “Quand on parle de disparités de dotations, il faut regarder plus précisément comment fonctionne un établissement scolaire. On parle de dotations d’heures d’enseignement pour fonctionner à l’année. L’enquête de Franceinfo parle d’heures par élève. Or quand vous faites fonctionner une classe sous contrat comme une classe du public, une dotation est attribuée pour faire fonctionner la classe. Si vous mettez 35 élèves dans la classe ou si vous en mettez 25, le nombre d’heures par élève n’est pas le même. Ce fameux indicateur h/e est un indicateur qui est incomplet. Il faut le mettre au regard du nombre d’élèves par division et au regard de la proposition d’enseignement de spécialités dans les lycées”.

Une enquête jugée "partielle"

Pierre Germain point du doigt une enquête “partielle” : “Il faut prendre une comparaison sur l’ensemble des niveaux. Sur le premier degré, on constatera peut-être que les établissements privés fonctionnement avec des moyens inférieurs aux établissements publics. Il faudrait que l’enquête soit totale”. Il ne s’offusque par des choix faits par la Région Auvergne-Rhône-Alpes envers les lycées privés : “C’est un choix politique. La liberté d’enseignement est garantie par l’Etat”. Pierre Germain conclut : “Dire que les établissements privés sont favorisés n’est pas vrai. La loi autorise des financements que les établissements privés reçoivent”.

Des modalités de calcul identiques

Le rectorat de Clermont-Ferrand indique : “De l’article de Franceinfo  il ressort que dans l’académie de Clermont-Ferrand, les lycées d’enseignement général et technologique (LEGT) privés apparaissent comme mieux dotés que ceux du public. La donnée prise en compte pour l’élaboration de cette étude est le h/e (nombre d’heures par élèves en lien avec la DGH attribuée à l’établissement). Dans l’académie de Clermont-Ferrand, les modalités de calcul des DGH sont strictement identiques pour les établissements publics et pour les établissements privés : en fonction des effectifs prévisionnels, est arrêté un nombre de divisions. Chaque division est dotée conformément à la grille horaire de la formation correspondante”.

Un indicateur qui "a ses limites"

Le rectorat poursuit : “Le h/e est un indicateur qui a ses limites. La comparaison sur la base du h/e pourrait être considérée comme fiable si les établissements étudiés présentaient des caractéristiques identiques en termes de formations proposées, ce qui n’est pas le cas. Chaque formation répond en effet à une grille spécifique de financement dont le nombre d’heures par élève peut varier de manière importante d’un diplôme à l’autre (bac général, filières technologiques, BTS, CPGE…). Le faible nombre de LEGT et LPO privés dans l’académie (22) représente un échantillon peu révélateur pour tirer des comparaisons statistiques. En outre, parmi ces établissements privés, nombreux sont ceux de petite taille : des effectifs faibles entraînent mécaniquement une hausse du h/e dans des divisions calibrées à 35 en lycée, pour des formations financées non à l’élève (comme les formations technologiques) mais au groupe (35 élèves par division en 2nde GT, 1ère générale et terminale générale). En application des grilles, une division de 2nde est financée 38,5h qu’il y ait 35 élèves dans la division ou seulement 15”. Le rectorat de Clermont-Ferrand ne s’est cependant pas exprimé au sujet des collèges. 

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